Depuis quelques années s’opère une prise de conscience sur la composition et l’impact de ce que nous consommons tous les jours.
Elle n’est pas sans s’accompagner de crispations, notamment autour de l’industrie des cosmétiques et des substances employées dans les compositions.
Chimique ou naturel ?
Bien souvent cette crispation relève d’une dichotomie entre « produits chimiques » et « produits naturels », ces derniers étant présentés comme le nec plus ultra et portés aux nues.
Néanmoins, il y a une nuance à observer car qui dit « chimique », ne dit pas forcément nocif, toxique ou controversé ! C’est de cette nuance dont je vais te parler aujourd’hui.
Pour m’aider, j’ai demandé l’aide de vraies chimistes de profession et lectrices de madmoiZelle : Sarah, Mélina et Marine, dont l’une travaille chez Ecocert, un des labels garantissant une cosmétique écolo et responsable.
Des pro, quoi !
« Produits chimiques », un abus de langage à préciser
C’est quoi exactement un produit chimique dans les cosmétiques ?
J’ai l’impression que tout le monde en parle sans avoir vraiment défini les termes. Sarah et Mathilde pensent que c’est un terme un peu fourre-tout qui au final ne veut pas dire grand-chose, d’un point de vue scientifique.
Cette expression est souvent utilisée par le grand public pour désigner un produit de synthèse ou au sens plus large, quelque chose qui aurait subi une transformation par l’Homme.
Pourtant les réactions chimiques interviennent aussi au contact de plusieurs produits naturels qui eux ne sont pas transformés. Par exemple en mélangeant du citron et de la craie (qui est une roche calcaire), tu peux obtenir du CO2 !
C’est quoi un produit de synthèse ?
La chimie de synthèse consiste à créer des molécules en assemblant des produits déjà existants souvent issus de la pétrochimie.
Les procédés de création peuvent aller de la chauffe à l’extraction des molécules afin de changer leurs caractères biologiques en les assemblant différemment.
Pourtant, comme Sarah nuance :
On a des composés de synthèse qui n’utilisent pas la pétrochimie, comme les silicones, qui sont créés tout à fait différemment.
Pourquoi utiliser des substances de synthèse dans les cosmétiques ?
Utiliser des substances de synthèses pour diversifier l’expérience sensorielle
Les substances de synthèse sont utilisées pour obtenir de la diversité dans les textures, les parfums, les couleurs et la détergence (l’action nettoyante) des produits cosmétiques.
Le besoin se fait également sentir en ce qui concerne la conservation des produits. En effet, à ce jour, les chimistes ne disposent pas de conservateurs naturels aussi performants que les conservateurs de synthèse.
Un conservateur naturel peut empêcher la prolifération des bactéries, des champignons et des levures pendant 1 à 2 mois maximum, d’autant plus si le produit cosmétique est solide.
C’est beaucoup plus compliqué pour les crèmes et les liquides.
Utiliser des substances de synthèse dans une démarche économique et écologique
Il y a également un impératif économique et écologique car la culture des actifs naturels coûte cher et peut donner lieu à du gaspillage, comme l’illustre l’exemple de Mélina :
Cultiver des champs entiers d’avocats pour en extraire l’huile, par exemple, va consommer énormément d’eau alors qu’un actif à base d’avocat sera moins énergivore et facilement reproductible.
C’est aussi pour cela que les chimistes s’efforcent d’isoler les molécules responsables des bienfaits et à les reproduire pour un maximum d’efficacité.
Par exemple, les flavinoïdes contenus dans l’arbre Gingko Biloba drainent et activent la microcirculation et c’est ce que nous retrouvons, nous consommatrices, dans les crèmes pour le contour de l’oeil !
Et cela, sans cultiver des forêts entières…
Des composés de synthèse qui ne peuvent être remplacés par des composés naturels
Unanimement, les jeunes femmes ont répondu « non » : certaines actions ne peuvent PAS être reproduites par des actifs naturel.
Je cite par exemple l’émulsification — c’est la raison pour laquelle le shampoing naturel ne mousse pas. De même, le toucher apporté par le silicone n’existe pas au naturel.
Faute de mieux, c’est d’ailleurs pour ça que les labels bio Ecocert et Cosmebio tolèrent actuellement 5 conservateurs synthétiques. Pour Marine, il en va même de la performance du produit final.
Une grande partie des ingrédients issus de la synthèse sont des dérivés du naturel qui ont été pumpés (NDLR : renforcés).
Donc tu peux retrouver des actions équivalentes en revenant en arrière, mais ce sera forcément souvent moins puissant que la version concentrée, et plus cher.
N’est-il pas possible de faire du 100% naturel à grande échelle ?
En admettant que le 100% naturel inclut les ingrédients naturels et ceux d’origine naturelle, c’est possible… mais ces produits se conserveront mal, un souci au moment de les proposer aux consommateurs.
Les produits certifiés naturels ou bio peuvent annoncer des compositions à 97 ou 99% naturelles car les seuls composés synthétiques sont les conservateurs.
En revanche pour certains produits comme les huiles, les chimistes ajoutent de la vitamine E (tocophérol) et paf ! Ça fait des… céréales en forme de pétales au chocolat. Et c’est complètement naturel.
Conclusion : le naturel pour te faire ta petite tambouille en petite quantité chez toi, pas de souci, mais à l’échelle des industriels, c’est plus compliqué.
Les « ingrédients d’origine naturelle » et les ingrédients bio
Que veut dire « ingrédients d’origine naturelle » ?
Un ingrédient d’origine naturelle a subi une modification et ne se trouve pas dans le même état que lorsqu’il est sorti du végétal ou du minéral dont il provient.
C’est le cas par exemple des ingrédients obtenus par fermentation, comme l’acide hyaluronique, obtenu à partir de levures auxquelles les chimistes donnent du sucre.
Pareil pour le savon, obtenu par un processus de saponification.
Est-ce que certains ingrédients ne sont pas du tout d’origine naturelle ?
Oui, certains ingrédients ne sont pas du tout d’origine naturelle : leur origine est purement pétrochimique. C’est le cas de la vaseline et des huiles minérales.
Est-ce que les ingrédients bio, c’est vraiment mieux ?
Les études actuellement disponibles montrent que des légumes non traités et qui ont dû se défendre contre leur environnement pour pousser sont plus chargés en nutriments, donc ça c’est cool.
Une production bio est également plus respectueuse de l’environnement comme tu t’en doutes.
Lorsque tu ajoutes à cela une certification bio sur le produit final, c’est un gage de rigueur avec des contrôles sur toute la chaîne de production.
Marine, dont c’est la spécialité, l’explique beaucoup mieux que moi :
Dans le processus de certification d’un produit bio, on va auditer toute la chaîne du produit, c’est-à-dire qu’on part de l’agriculteur qui cultive ses olives à la marque qui vend le produit au consommateur.
Chez tous ces acteurs, on va vérifier que les règlements (en agriculture bio pour les olives et l’huile) et les référentiels (Ecocert ou Cosmos depuis 2017 pour la partie cosméto) sont bien respectés.
Par exemple : pas de produit de nettoyage toxique pour l’environnement pour nettoyer les cuves de fabrication, etc.
Ces labels sont une garantie de ne pas avoir de substances controversées si tu ne le souhaites pas.
À noter que certaines certifications fonctionnent autrement, donc renseigne-toi sur le cahier des charges de celles qui t’intéressent !
Les substances toxiques et les substances controversées
Qu’est-ce qu’une substance controversée ?
Ah enfin, nous abordons les sujet des fameuses substances controversées.
Ces ingrédients ont fait l’objet d’études qui semblent indiquer qu’ils peuvent représenter un risque pour la santé du consommateur.
Le problème c’est qu’il n’y a pas de consensus au sein de la communauté scientifique donc certaines personnes préconisent de ne pas les utiliser tandis que d’autres veulent plus d’études.
En attendant, ces ingrédients sont parfois remplacés par d’autres, par rapport auxquels la science n’a pas vraiment de recul car ils ont été inventés récemment.
À ce sujet, Sarah soulève le cas des parabens :
Le pire exemple à mon sens c’est le paraben.
Les parabens (il y en a de plusieurs types) ont été mal vus car une étude relie la présence de certains parabens à des cancers du sein chez les rats.
Sauf que ce ne sont pas tous les parabens, les plus petits sont a priori inoffensifs.
Comme plus personne n’achetait de paraben, des laboratoires ont décidé de le remplacer par le MIT (MethylIsoThiazolinone), un autre conservateur très puissant.
Et pas de bol, le MIT c’est vraiment pas bon (pour preuve, il est désormais interdit) mais ça personne ne le savait parmi les consommateurs, alors on a accepté…
Cet exemple est l’une des raisons expliquant que les compositions ne soient pas systématiquement changées en cas de suspicion non avérée.
Comment reconnaître les substances à risques dans la composition d’un cosmétique ?
Cette question reste complexe.
Il y a en premier lieu la réglementation européenne comme premier filtre, cette législation interdisant les ingrédients au fur et à mesure que les risques pour la santé sont démontrés.
Elle ne peut pas aller plus vite que la musique mais si des produits en provenance de pays hors U.E. contiennent un ingrédient interdit, c’est un premier signal d’alarme.
Par ailleurs, une même étude réalisée dans les règles de l’art par un laboratoire indépendant est souvent interprétée différemment : c’est le manque de consensus dont je parlais précédemment.
Pour Sarah, l’injonction à consommer au maximum des produits naturels n’est qu’une première piste parce que tout n’est pas disponible à l’état naturel et naturel n’est pas synonyme d’innocuité.
Elle finit sur ces mots :
Naturel veut trop souvent dire « inerte pour la santé » pour les gens, et c’est faux.
Tu peux manger de la vaseline (NDLR : ne fais pas ça stp), tu iras TRÈS facilement aux toilettes mais ça ne va pas te faire muter !
Au contraire, il existe des médicaments anti-cancéreux développés à partir d’actifs de plantes, preuve s’il en faut que la nature est très potente.
Tout ça pour dire que le risque zéro n’existe pas et ce n’est pas par mauvaise volonté des laboratoires, mais aussi parce qu’on bouge très vite et qu’on a pas toujours le recul sur tout.
Cet article ayant eu vocation à t’aider à naviguer ce que tu entends certainement dans ton entourage et ce que tu lis sur internet, j’espère qu’il t’aura été utile.
Pareillement, je souhaite avoir réussi à un peu désamorcer l’ambiance alarmiste actuelle, laquelle s’avère parfois anxiogène.
As-tu d’autres questions sur le sujet des substances de synthèse employées dans les cosmétiques ?
À lire aussi : Cosmétiques : comment lire les étiquettes ?
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