C’est un adage courant : il suffit d’une crise pour envoyer valser les avancées sociétales les plus importantes. Dans certaines régions du monde, le réchauffement climatique et ses sécheresses sans précédent entraînent des famines et une paupérisation critique des populations vivant sur les territoires les plus fragiles. Pour survivre, les familles comptent sur les mariages de leurs filles, parfois très jeunes.
Or, dans de nombreuses cultures, ces unions vont encore de pair avec des mutilations génitales imposées, d’où l’augmentation dramatique du taux d’excisions dans des pays frappés de plein fouet par la sécheresse.
Réchauffement climatique et excisions
On estime qu’à ce jour, plus de 200 millions de femmes sont concernées par les MGF, ou les mutilations génitales féminines. Chaque année, 4 millions de fillettes sont menacées par ces ablations totales ou partielles des organes sexuels externes, perpétuées au nom de la norme sociale. L’association de solidarité internationale Vision du Monde qui accompagne les enfants les plus démunis déplore une hausse de 30 % de ces mutilations, notamment dans les pays qui composent la Corne de l’Afrique. Cette région du monde est particulièrement affectée par les changements climatiques et affronte une sécheresse sans précédent. Pour survivre, une solution est souvent envisagée : le mariage des filles.
« La perte du bétail et la désertification des cultures viennent mettre à mal la sécurité alimentaire et économique déjà fragile des familles (…) Au bord du gouffre, les parents voient alors le mariage de leurs enfants comme une solution à leurs problèmes et une bouche de moins à nourrir. Les MGF sont alors un rite de passage encore trop souvent pratiqué pour préparer les petites filles à devenir de “bonnes épouses”. C’est un fait : elles sont davantage mariables lorsqu’elles sont excisées. »
Camille Romain des Boscs, directrice de Vision du monde France, Libération, 6 février 2023
Dans ces régions du monde, les MGF sont pourtant illégales, mais la loi ne peut rien face au poids de la tradition. Au Kenya, jusqu’à 98 % des femmes sont mutilées selon les comtés. Ces scarifications imposées ne concernent pas seulement la corne de l’Afrique puisque des femmes sont excisées sur tous les continents (dont 53 000 en France), mais la paupérisation des populations exacerbe ce type de pratiques.
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Des fillettes excisées de plus en plus jeunes
La crise climatique n’explique pas à elle seule la hausse récente des MGF. Le Covid a contraint de nombreuses petites filles à quitter les bancs de l’école pour rester à la maison, or les statistiques établissent un rapport direct entre mariages forcés et éducation. Plus la scolarisation est longue, plus l’âge du mariage augmente et plus le risque d’excision diminue.
L’association Vision déplore que ces fillettes déscolarisées soient excisées de plus en plus tôt. L’âge moyen des mutilations se situait jusque-là autour de 10 ans, mais l’ONG constate que dorénavant, les enfants concernées ont souvent moins de cinq ans.
Ce retour en arrière s’opère même dans des pays pourtant très engagés dans la lutte contre les MFG, comme le Burkina Faso. Malgré un recul des MGF, les familles appauvries y mutilent de nouveau leurs filles pour garantir leur pureté et s’assurer un mariage prolifique. Entre avril 2021 et avril 2022, les unions forcées ont de fait augmenté de 119 % dans ces zones particulièrement ébranlées par la crise climatique.
À défaut de convaincre les pays pollueurs de changer leurs comportements pour épargner les autres, Vision du monde accompagne les familles pour les aider à améliorer leurs conditions de vie et développer de nouvelles activités lucratives. L’association sensibilise également les communautés et notamment leurs membres les plus influents :
« [Par exemple] Notre projet Kenya Big Dream tâche d’améliorer les conditions de vie des familles, leurs pratiques agricoles, de développer des activités génératrices de revenus, notamment grâce à des groupes d’épargne et de crédits. Cela réduit la tentation d’avoir à marier les enfants (…) On travaille aussi avec les chefs religieux, on sensibilise les parents, mais aussi les grands-parents qui sont très influents. On met en place des cérémonies de rites alternatifs et on renforce l’accès à l’éducation des filles. »
Camille Romain des Boscs, directrice de Vision du monde France, Libération, 6 février 2023
Crédit photo : Matheus Souza / Pexels
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