Un mardi après-midi, je suis allée rendre visite à Josic, Justine A. et Justine O. à Montreuil, dans l’espace Mundo M qui héberge un tas d’associations. Beaucoup de lettres, je sais, mais que voulez-vous, il fallait bien les distinguer et je ne choisis pas encore les noms des espaces de solidarité.
Tou•tes les trois travaillent pour les petits frères des Pauvres en région parisienne : chacun•e est en charge des relations avec une équipe de bénévoles.
Les petits frères des Pauvres, pour lutter contre l’isolement des personnes âgées
Car oui, les petits frères des Pauvres fonctionnent en grande partie grâce aux bénévoles : l’idée est de venir en aide à des personnes âgées isolées.
On les met en lien avec des bénévoles qui leur rendent des visites une fois par semaine, pour qu’elles se sentent moins seules. Il y a aussi plusieurs animations prévues par mois, des goûters, sorties culturelles.
« La solitude tue » : c’est le constat qui est tiré par l’association et auquel elle veut remédier. Justine O. m’explique :
« On accompagne des personnes à partir de 50 ans, pour les plus précaires, mais surtout à partir de 70 ans pour les personnes vraiment seules. »
En réalité, je comprends que ça dépend des antennes locales car beaucoup d’autonomie leur est donnée, c’est donc aussi selon les compétences et envies des bénévoles : certaines antennes suivent les personnes qui sortent de la rue, d’autre non par exemple.
Chaque personne accompagnée reçoit les visites de trois bénévoles : il y a une rotation pour ne pas créer de dépendance affective au cas où l’un d’eux ne pourrait plus assurer ses visites.
« Il y a plusieurs fraternités régionales, et nous, on est coordinateur de développement social. C’est encore un mot-valise, on pourrait dire chargé de mission développement social, chargé de projet, d’équipe… », explique Justine A.
Josic poursuit : « La mission est la même, on est là pour rompre l’isolement des personnes âgées et pour ça, on met en place une équipe de bénévoles qui est assez autonome, nous on est vraiment un soutien, une ressource.
L’idée c’est de faire en sorte que tout le monde soit bien accompagné, à la fois personnes âgées et bénévoles car ils font face à des situations de maladie, de deuil, et individuellement on n’a pas toujours les réponses donc c’est important de pouvoir les épauler. »
Comment en arrive-t-on à faire du développement social ?
Ce métier existe chez les petits frères des Pauvres, mais dans beaucoup d’autres associations et structures également : le point commun c’est la notion de création de lien social.
Tou•tes sont arrivés il y a moins de trois ans, après des parcours à la fois similaires et différents.
Pour Josic, c’est l’associatif qui l’a « sauvé » lorsqu’il s’était un peu égaré en droit. Sa première expérience s’est déroulée avec la Cimade, une association de juristes qui viennent en aide aux demandeur•euses d’asile.
Après une licence 3 en Sciences Politiques et un Master 1 à l’étranger, il est revenu « un peu paumé »
, et c’est de nouveau vers l’associatif qu’il s’est tourné :
« J’ai fait un service civique, et ça m’a plu, donc j’ai enchaîné sur un master « Management des Organisations de l’Économie Sociale et Solidaire, pour pouvoir continuer en ayant des postes avec un minimum de responsabilités. »
Justine et Justine, elles, sont un peu plus âgées, et elles ont donc eu un parcours plus long avant d’atterrir ici. Toutes les deux ont fait une fac d’histoire, et bifurqué ensuite.
« J’avais une certitude, explique Justine A., je ne voulais pas être prof contrairement à tous ceux qui étaient dans ma licence.
Alors j’ai arrêté, j’ai fait des petits boulots, et finalement j’ai fait un bilan de compétence pour m’interroger moi-même sur ce que que je voulais faire. J’ai atterri dans un master de « Communication et Développement des Territoires ».
À la sortie, j’ai trouvé un boulot où ma mission était d’aider des gens à monter leur projet, et quand j’ai été licenciée économique, j’ai décidé de monter le mien : une galerie d’art mobile ! Mais il y avait comme cette pression de trouver un « vrai » travail. »
Justine O. a suivi un parcours très similaire jusqu’au bilan de compétence.
« À ce moment-là, la personne qui m’accompagnait pour le bilan a beaucoup creusé avec moi, on a beaucoup discuté. J’avais cette envie de réparer les fractures sociales. Et là il m’a dit que c’était un métier ! Totale découverte pour moi, cette fiche de poste d’agent de développement social. »
Finalement, elle s’est orientée vers un master qui correspondait, « Management du social et de la santé ».
« Mais c’était très vaste, j’ai surtout appris pendant mon stage où j’étais stagiaire chargée de projet, je devais faire une étude de terrain pour proposer des animations à des familles en milieu rural.
Après, j’ai pas tout de suite trouvé exactement dans ma branche. J’ai été auxiliaire de vie, puis j’ai fait de la gestion dans ce secteur, avant qu’on me présente ce job sur un plateau ! Et malgré tout, ce parcours m’a vraiment formée car en arrivant je connaissais les aides dédiées aux personnes âgées par exemple. »
À quoi ressemble une journée type de coordinateur de développement social ?
Le quotidien d’un ou une coordinatrice de développement territorial est tout sauf monotone, en tous cas aux petits frères des Pauvres. Pêle mêle, Josic, Justine et Justine énumèrent :
« – On assiste aux conseils d’équipe des bénévoles, on fait des réunions d’informations pour intégrer les nouveaux, il y a aussi du travail administratif.
– On rencontre les partenaires de la ville avec lesquels on mène des actions, on partage notre expérience avec d’autres.
– Parfois on passe aussi du temps avec les bénévoles et les personnes âgées, ça change tout le temps, on est très mobiles.
– Oui parfois on travaille à notre antenne locale, donc Montreuil, Pantin, pour nous, mais parfois plus au siège aussi. »
Mais quoi qu’il en soit, tout le monde est unanime sur les raisons qui font qu’ils adorent ce travail : la liberté et l’autonomie qui leur est offerte, et le temps de qualité passé avec les bénévoles et les personnes âgées accompagnées.
« Ce sont vraiment des moments privilégiés, l’autre jour j’ai pris un goûter avec un bénévole et une personne qu’on accompagne, j’en ressors toujours vraiment heureux ! »
S’il y a une chose dont on ne peut pas se passer pour faire leur travail, c’est de savoir faire preuve d’humanité et d’une grande écoute !
Parlons salaire & précarité
Aux petits frères des Pauvres, Justine, Justine et Josic s’estiment bien lotis :
« – On démarre en gros vers 1 650 euros net. Mais ça s’accompagne d’un 13ème et 14ème mois, de tickets restos, d’une très bonne mutuelle… On a vraiment des avantages.
– C’est vrai que ça évite de regarder ailleurs, mais en même temps, j’ai un peu peur de m’endormir dans le confort », poursuit Justine A.
Car elle n’a jamais recherché la sécurité par rapport à la liberté, un débat qui fait pourtant hésiter nombre d’étudiant•es aujourd’hui quant au parcours à suivre.
Mais à ce sujet, tous les trois admettent de toutes façons que chaque domaine peut se révéler précaire, et que la chance leur a plutôt sourit avec ce job !
Pour en savoir plus, vous pouvez retrouver les petits frères des Pauvres sur leur site !
Et toi, tu fais quoi maintenant que tu es grande ?
Je me suis longtemps interrogée sur ce que je voulais faire plus tard (et je me questionne toujours). Alors, je pars à la rencontre des madmoiZelles qui kiffent leur vie, pour savoir ce qu’elles font et comment elles en sont arrivées là.
Raconte-moi !
- Qui es-tu et d’où viens-tu ?
- Avant d’attaquer sur ton travail, est-ce que tu as une passion ou un kif dans la vie (parce que c’est important de faire aussi autre chose) ?
- Et ton job alors, c’est quoi ?
- Comment tu l’expliquerais à ta petite sœur hypothétique en quelques mots ?
- Pourquoi tu aimes ce que tu fais ? / Pourquoi tu as choisi de faire ce travail ?
- Est-ce que c’est le domaine que tu avais choisi dès le départ ou tu t’es retrouvée ici après une ou des réorientations ?
- Est-ce que tu as dû arbitrer entre deux visions du travail, « liberté, je fais ce qu’il me plaît et tant pis pour la précarité » VS « sécurité, je préfère m’assurer un salaire stable même si ce n’est pas le job de mes rêves » ?
- C’est le fruit d’un parcours longuement réfléchi ou du hasard ?
- Qu’est-ce que tu as eu comme formation ?
- Est-ce que tu as une journée type ?
- Ton petit bonheur qui fait que tu kiffes ton boulot ?
- La qualité indispensable pour s’épanouir dans ce job ?
- Et pour finir, en commençant, tu gagnais combien ? (parce que c’est important de savoir à quoi s’attendre !)
Envoie-moi un mail à jaifaitca[at]madmoizelle.com avec en objet « Maintenant que je suis grande, je suis… ».
Écoutez l’Apéro des Daronnes, l’émission de Madmoizelle qui veut faire tomber les tabous autour de la parentalité.
Les Commentaires
Article très intéressant, je trouve ce format très prometteur, alors j'aimerai faire une petite remarque : je pense que ça pourrait être une bonne idée aussi de demander aux personnes quels sont les inconvénients de leurs métiers. Parce que même quelqu'un qui adore son métier lui trouve un ou deux inconvénients et que ça peut quand même être intéressant à savoir pour des personnes souhaitant s'orienter vers ce job !
Mais en tout cas j'aime beaucoup ce genre d'article !