Aujourd’hui, je vous propose de parler roman ado, rumeurs et faux-semblants avec Conversion de Katherine Howe, paru aux éditions Albin Michel.
Un roman d’ado pas comme les autres
Colleen est scolarisée au lycée de jeunes filles de St Joan, un établissement prestigieux situé à Danvers, Massachusetts, dans lequel la tension est palpable et la compétition fait rage. Le dernier semestre de terminale est amorcé, et il ne reste plus beaucoup de temps avant les examens et les admissions dans les grandes universités.
Alors que les élèves sont réunies dans leur salle de classe, l’une d’elle se met soudainement à convulser de manière spectaculaire. Peu de temps après, une autre élève perd l’intégralité de ses cheveux, et une autre encore se retrouve paralysée. Quelle est donc cette étrange épidémie qui sévit à St Joan et qui passionne les médias ? Difficile pour Colleen de se concentrer sur ses ambitions universitaires dans un tel contexte.
Et comme si elle n’était pas suffisamment préoccupée par sa moyenne et les journalistes qui la harcèlent à l’entrée du lycée, son nouveau professeur d’histoire lui propose de rendre une dissertation sur la pièce d’Arthur Miller, Les Sorcières de Salem. Au fil de ses recherches, Colleen va faire la découverte d’Ann Putman, impliquée dans le procès des sorcières, et grande oubliée de la pièce de Miller.
Suspense et manipulation
Dès les premières pages du roman, on se laisse happer par son ambiance
. On pourrait entendre craquer le vieux parquet du grenier de la maison du révérend Parris, ou s’imaginer se faufiler entre les élèves dans les couloirs du lycée St Joan. La double narration, qui fait alterner des chapitres autour de Colleen et d’autres autour d’Ann Putman, suscite intérêt et interrogation. Et pour cause, elle ménage très bien le suspense, et devient incroyablement frustrante quand, dans le présent de Colleen, un événement majeur a lieu ou une explication s’apprête enfin à être dévoilée, et qu’on fait subitement un bond dans le passé d’Ann – et vice versa.
Conversion porte sur le thème de la manipulation, et ça tombe très bien puisque c’est un roman qui nous manipule complètement en tant que lecteur. On comprend vite qu’il y a un lien entre le passé d’Ann et le présent de Colleen, mais on peine à en saisir la nature, et le roman ne va cesser de nous mettre sur de fausses pistes, nous faire croire que l’on a tout compris, alors que pas du tout.
On se met alors à scruter les indices, à interpréter les réactions de chacun, à élaborer des théories sur les origines des événements. On spécule, un peu comme tous ces personnages de l’histoire qui ne cessent de prendre partie et de désigner des coupables sans preuve irréfutable. En bref, on ne peut s’empêcher de s’investir, d’enquêter pour soi, et c’est très fort de la part du roman de nous en donner la possibilité, et surtout l’envie.
Une base historique… et une réflexion bien actuelle
Pour l’anecdote, le roman s’inspire de faits réels, ce qui explique la précision et la maîtrise des faits racontés. En effet, en 2012, seize étudiantes new-yorkaises du lycée Le Roy ont été atteintes de troubles physiques et de la parole. Toutes les théories scientifiques plus ou moins vraisemblables y sont passées pour tenter d’expliquer le phénomène. Katherine Howe, historienne et elle-même descendante d’une des sorcières de Salem accusées pendant le célèbre procès, a fait le lien entre cette période qu’elle connaît bien et les événements du lycée Le Roy pour écrire son premier roman Conversion.
En plus de parvenir à capter l’attention et de semer le trouble dans les esprits, Conversion est un roman moderne qui ne peut que faire réfléchir sur le pouvoir glaçant de la parole, un pouvoir aux résonances contemporaines, où la fiabilité que l’on accorde à certaines personnes plutôt qu’à d’autres repose sur leur classe sociale ou leur influence médiatique.
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Les Commentaires
Hormis les livres fantastiques, j'ai un faible pour les romans tirés de fais réels avec du suspens ... Il est possible que je tente de le lire celui là !
J'ai toujours apprécié les faits historiques, comme ici au sujet du procès des Sorcières de Salem et l'auteure de l'article donne bien envie de lire ce bouquin (pour ma part en tout cas)