« Le défaut de consentement ne suffit pas à caractériser le viol. Encore faut-il que le mis en cause ait eu conscience d’imposer un acte sexuel par violence, menace, contrainte ou surprise. »
Ces phrases ont été prononcées par une juge française. Le Monde les relaie dans le cadre d’un article sur la décision de non-lieu définitif prononcée au sujet de l’accusation de viol portée à l’encontre de Gérald Darmanin.
La plaignante a fait appel de cette décision.
Ces déclarations peuvent paraître choquantes et sont d’ailleurs qualifiées comme telles par l’avocate de la femme qui a porté plainte contre le ministre de l’Action et des Comptes publics.
Je ne dis pas qu’elles ne le sont pas, choquantes — j’y reviendrai plus bas.
Mais il me semble important de les comprendre, avant de débattre à leur sujet.
Que dit la loi française au sujet du viol ?
L’article 222-23 du Code pénal définit le viol ainsi :
« Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui ou sur la personne de l’auteur par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol. »
Le terme « consentement » n’apparaît pas dans la loi, vous le remarquerez.
Un autre article du Code pénal est ici à prendre en compte, le 121-3 :
« Il n’y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre. »
En somme, si une personne ne consent pas « dans sa tête » mais ne l’exprime pas, et semble — voire prétend — consentir, alors il n’y a aucun moyen pour l’autre de savoir qu’il est en train d’enfreindre la loi.
Un juge explique cette histoire de « défaut de consentement »
Je vous conseille ce thread par Jjalmad, juge, qui explique avec des termes simples le sujet.
Elle rappelle que cette affaire est compliquée puisque la plaignante aurait accepté un rapport sexuel en échange d’un service rendu par Gérald Darmanin.
Est-ce un cas de « contrainte », non pas physique, mais morale ? Ce sera à la Justice de le définir, puisque la femme a fait appel.
L’avancée du consentement dans la loi française
Je pense que l’article de loi définissant le viol gagnerait à évoluer.
Il se focalise par exemple sur la pénétration, alors qu’on peut accomplir un acte entièrement sexuel sans pénétrer, ni l’être. Et il n’inclut pas le consentement.
Cependant, les choses avancent. Par exemple, depuis juillet 2018, l’usage de « drogue du viol » est devenu une circonstance aggravante en cas d’agression sexuelle ou de viol.
La « drogue du viol » désigne ces substances administrées aux victimes à leur insu, qui brouillent leur état d’esprit et les empêchent de consentir de façon éclairée — voire les rend inconscientes.
Il est important que la loi reconnaisse ce fait, et l’intentionnalité des coupables qui savent très bien ce qu’ils glissent dans un verre laissé sans surveillance… et dans quel but. Celui d’abuser sexuellement d’autrui.
Plus que dans la loi, le consentement doit avoir sa place dans la société
Je suis d’accord avec l’avocate de la plaignante contre Gérald Darmanin, je ne vais pas le nier. D’accord avec elle lorsqu’elle dit :
« Cette manière d’appréhender le dossier est choquante en 2018, alors qu’on est soi-disant dans un mouvement de protection des femmes victimes. »
Je ne parle plus, à partir d’ici, du « cas Gérald Darmanin », c’est au final une affaire spécifique dont la Justice s’occupera. Je parle de tous ces gens qui ne savent pas à quoi ressemble le consentement enthousiaste et éclairé.
À toutes ces femmes qui jouent au chat et à la souris de peur d’être jugées pour leur sexualité. À tous ces hommes qui ne savent pas si « non » veut dire « non
» ou « cours-moi après, on joue ».
À toutes ces « zones grises », en somme, où ni contrainte ni surprise ni menace ne peut être prouvée… ce qui ne veut pas dire que tout le monde est vraiment consentant.
Après l’affaire Weinstein, après #MeToo (#MoiAussi), il est choquant de lire noir sur blanc que « le défaut de consentement ne suffit pas à caractériser le viol », qu’il faut « que le mis en cause ait eu conscience d’imposer un acte sexuel ».
Pourtant, je suis intimement persuadée que BEAUCOUP de violeurs et de violeuses n’ont pas conscience d’avoir commis des viols (rappel : je ne parle plus du « cas Gérald Darmanin »). Tout comme beaucoup de victimes ne comprennent que très tard qu’elles ont vécu un viol.
Il est urgent d’enseigner le consentement
En France, l’éducation sexuelle, pour beaucoup d’élèves, laisse clairement à désirer.
Marlène Schiappa a annoncé son intention de faire enfin appliquer la loi prévoyant 3 séances par an d’éducation sexuelle et affective (au collège et au lycée).
Des fake news circulent à ce sujet, prétendant qu’on va faire des partouzes en CM2, madmoiZelle les a déjà largement décryptées. Alors je me penche plutôt sur le contenu de ces séances, qui inclut notamment :
- Analyser les enjeux, les contraintes, les limites, les interdits et comprendre l’importance du respect mutuel
- Favoriser des attitudes de responsabilité individuelle et collective notamment des comportements de prévention et de protection de soi et de l’autre
Enfin, enfin, va-t-on enfin enseigner effectivement le consentement dans le cadre d’une relation sexuelle ? Les signes, verbaux et non-verbaux, qui veulent dire « oui encore », « non vraiment », « attendons un peu » ?
Je l’espère de tout mon cœur.
Apprendre le consentement pour limiter les « zones grises »
Le consentement, ce n’est pas forcément plus compliqué qu’une tasse de thé. Ça ne devrait pas être bien dur de l’enseigner à des ados. Après tout, ils pigent bien les subtilités du subjonctif passé !
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Écoutez Laisse-moi kiffer, le podcast de recommandations culturelles de Madmoizelle.
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