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Campagne « Décodez Les Femmes »
Société

Consentement : « Si ce n’est pas oui, c’est non ! »

Où en est-on du consentement en 2023 ? Réponse avec les associations Consentis et HandsAway, qui ont lancé début mars une campagne pour mettre en lumière le manque d’éducation sur la question avec un livre de 2000 pages, disponible en librairie. À la clé, la promesse d’enfin pouvoir « Décoder les femmes ». À un détail près…

Chez Madmoizelle, on se demande chaque année comment aborder cette fameuse journée internationale des droits des femmes qu’est le 8 mars. Et c’est à chaque fois éminemment compliqué. Parce que ce temps de l’année a été récupéré par le marketing des grandes entreprises, par des politiques qui ne perdent pas une minute pour faire de la démagogie ou encore par ceux qui n’y ont rien compris et pensent qu’il faut simplement souhaiter “bonne fête” à toutes les femmes. Dans tout cela, les discours et combats féministes que l’on devrait entendre le plus deviennent inaudibles ce jour-là. Cette année chez Madmoizellenous avons donc décidé de tendre notre micro et notre plume à celles et ceux qui agissent vraiment au quotidien pour défendre les droits des femmes, et que l’on entend finalement le moins aujourd’hui. Des associations et collectifs qui œuvrent dans tous les domaines de la société et malgré les difficultés et la menace d’un backlash permanent.

Souvenez-vous, les bras vous en tombait : en janvier dernier, le Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes révélait les derniers chiffres (édifiants) de son rapport sur l’état du sexisme en France. Parmi les sondées, 33 % rapportent avoir déjà eu un rapport sexuel sous la pression de leur partenaire, alors qu’elles n’en avaient pas envie, preuve du besoin urgent d’éduquer dès le plus jeune âge et de rappeler l’importance du consentement.

Ce travail, des associations comme Consentis et HandsAway le font au quotidien à travers des ateliers dans les écoles, des formations auprès du personnel dans les milieux festifs, des campagnes de sensibilisation et de lutte contre les violences dans l’espace public… Mais le chemin reste long : une enquête Ipsos de 2022 révèle que pour 16 % des hommes, une femme qui dit « non » à un rapport sexuel veut dire « oui » et que 23 % des 18-24 ans pensent que les femmes prennent du plaisir à être forcées pendant les rapports sexuels.

Afin de ne plus laisser aucune place au doute, les deux associations se sont donc associées pour créer un livre intitulé Comment Décoder les Femmes, disponible en librairie depuis le 1ᵉʳ mars, au prix de 1 euro symbolique. Si de prime abord, l’idée même qu’il y aurait une formule magique et universelle pour percer à jour le mystère du genre féminin donne envie de mettre la tête dans un grille-pain, le projet est tout autre. Lorsque le lecteur ouvre le livre, il y découvre 2000 pages d’une seule phrase « Si ce n’est pas oui, c’est non  ».

Interview croisée de Safiatou Mendy, Co-coordinatrice et Formatrice chez Consentis, et de Vassilia Mattei, Cheffe de projet chez HandsAway.

Madmoizelle. Quel était l’objectif de ce livre ?

Vassilia Mattei. On souhaitait mettre un coup de projecteur sur le consentement. On entend parler de ce terme, on le voit sur les réseaux sociaux… Mais que signifie-t-il vraiment ? Ce mot a beau être de plus en plus utilisé, les chiffres des violences sexistes et sexuelles stagnent.

Safiatou Mendy. C’est parce que le consentement n’est pas un mot, c’est un concept, qui, en plus, n’est pas clair pour tout le monde. Le livre n’explique pas ce que c’est, mais il attire l’attention. Il ouvre un espace de discussion. Le consentement est complexe, il est nuancé, et mérite qu’on lui consacre du temps. L’idée est aussi de sortir de la théorie. Le consentement se pratique toute l’année ! Parfois, il suffit juste d’un changement de paradigme : le non n’est pas contre toi, il est pour moi. Garder cela en tête permet de ne pas s’offusquer face au refus de l’autre…

À lire aussi : Une appli pour trouver de l’aide en cas d’agression sexiste

Pourquoi cette phrase « Si ce n’est pas oui, c’est non » ?

Safiatou Mendy. On n’a pas choisi « non c’est non » car l’idée est de rappeler que le corps des personnes sexisées n’est pas à disposition. Une phrase comme « non c’est non » laisse entendre qu’on peut être importuné tant qu’on n’a pas dit non. La personne en face attendrait un non pour s’arrêter, partant du principe que, jusqu’à preuve du contraire, c’est un oui. N’attendons pas un non, attendons un oui ! Car très souvent, quand le non arrive, c’est déjà trop tard.

Vassilia Mattei. C’est toute une culture de l’impunité qui persiste malgré le mouvement #MeToo et la libération de la parole. Les mentalités peinent à évoluer, et le sexisme est encore présent dans les narrations qui nous inondent. Cette phrase rappelle qu’un oui n’est jamais dû à quiconque.

2022 a été particulièrement dévastatrice pour les droits des femmes. Ressentez-vous les effets de ce backlash ?

Safiatou Mendy. On voit qu’il y a une prise de conscience progressive, mais que cela reste fragile. On observe aussi l’émergence d’un discours commun sur le « sexisme inversé » : dans un contexte où la parole des victimes est davantage prise au sérieux, de nombreux jeunes hommes expriment, lors de nos ateliers de sensibilisation, la crainte d’être « discriminés » ou accusés à tort. Notre travail est alors de revenir sur la définition de ce qu’est l’oppression, et sur son caractère systémique. Un jeune homme peut se faire exclure de soirée une fois dans sa vie, même à tort. Ce ne sera pas de la discrimination. Tandis qu’il existe tout un climat de sexisme systémique auquel les femmes paient un lourd tribut quotidiennement.

Vassilia Mattei. Il y a un intérêt croissant sur le terrain pour ces sujets. Mais on manque de moyens financiers et humains. Il n’y a qu’à regarder ce qu’il se passe avec l’éducation sexuelle : d’après la loi, les élèves sont censées avoir trois séances obligatoires par an. Pourtant, on est loin du compte. On a beau mettre en place des obligations légales, sans moyens humains et financiers, ça ne peut pas marcher. Il nous faut davantage de gens formés, des moments dédiés dans les emplois du temps déjà bien chargés des élèves… En tant qu’association, c’est aussi cette question financière qui nous affecte. Ce recul des droits des femmes, qui se joue aussi au niveau politique, a un effet réel sur les financements publics alloués à nos actions de terrain.

Quel est, en 2023, le chantier prioritaire en matière de consentement ?

Safiatou Mendy. Il y a plusieurs champs d’action. Aujourd’hui, en France, on en est encore à définir ce qui constitue un viol. On a toujours cet imaginaire prédominant de la personne qui agresse avec un couteau dans une allée sombre. On oublie que dans 90% des cas, l’agresseur est un proche, un membre de la famille, un conjoint. On n’imagine pas que le consentement peut être mis à mal par une pression dans le cadre intime. Que même dans un couple, il faut un consentement libre et éclairé. Consentis travaille surtout dans le milieu festif, qui est un espace de rencontre et de socialisation où l’on pense encore plus que c’est l’inconnu qui viole. Mais cela peut être ce pote à qui on fait confiance pour nous ramener en toute sécurité à la maison. Il y a aussi tout un imaginaire erroné autour des substances consommées dans ces lieux. On parle d’avoir « l’alcool mauvais », comme si boire était une excuse, ou provoquait certaines violences… Mais si quelqu’un devient violent après trois pintes, c’est qu’il a un problème de gestion de la colère.

À lire aussi : Comment réagir face aux violences sexistes ou sexuelles au travail ?

Mais le consentement n’est pas seulement sexuel…

Vassilia Mattei. Non, il faut le remettre au centre des relations humaines !

Safiatou Mendy. Il intervient aussi lorsqu’il y a de la pression sociale, par exemple. La question de la temporalité se pose aussi : ouvrir un espace de consentement prend du temps. Si, deux minutes avant une réunion, je demande à mon n-1 « Ça te va de présenter aujourd’hui ?! » cela ne lui laisse pas assez de temps pour réellement consentir. Iel risque de se sentir coincé. Pareil pour les coups d’un soir : on a cet imaginaire bestial, d’une passion rapide, versus la sexualité lente qui serait celle du couple. C’est faux ! On peut prendre le temps, même si ce n’est que pour une nuit, de redescendre, de changer d’avis, de faire monter le désir. Remettre le consentement au cœur des relations humaines demande de réorganiser nos échanges, aussi bien dans la sexualité, que dans le monde du travail, avec nos familles ou nos amis…


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