En partenariat avec Payot Graphic (notre Manifeste)
J’ai rencontré Quentin Zuttion il y a des années. J’étais un peu moins épanouie, un peu moins solide, bien plus à fleur de peau, et carrément paumée dans ma nouvelle vie parisienne.
On a cliqué au niveau artistique comme personnel, entre autres parce qu’on partageait une sorte de sensibilité exacerbée, d’émotivité brute.
J’ai fini par suivre une thérapie pour mieux gérer mes encombrantes émotions.
Quentin, lui, a embrassé les siennes, et les a infusées dans ses œuvres, qui prennent les tripes comme le cœur.
Touchées, la nouvelle BD de Quentin Zuttion
C’est donc animée par une fierté aussi professionnelle que personnelle que je peux t’annoncer la nouvelle…
madmoiZelle accompagne Touchées, la nouvelle BD de Quentin Zuttion, disponible depuis le 18 septembre !
« Lucie dort un couteau à la main. La crainte l’habite, les hommes l’effraient.
Tamara, elle, se bat, se débat : pour ne plus être victime, elle devient agresseur. Quant à Nicole, c’est l’isolement. Elle s’efface, disparaît pour ne plus être visée.
Les trois ont été victimes de violences sexuelles.
Pour remonter la pente, trois femmes prennent les armes. Attaquer, défendre, toucher, se faire toucher… Elles vont se reconstruire et reprendre une vie sociale grâce à un programme d’escrime thérapeutique.
Un programme d’un an pour se sauver et reprendre la maîtrise de sa vie. »
Quentin Zuttion met tout son talent au service d’un sujet délicat, celui de la reconstruction après des violences sexuelles, par le biais de l’escrime thérapeutique.
Cette façon méconnue de reprendre le contrôle sur son corps et sa psyché après un traumatisme est sublimée dans Touchées, une BD dont les héroïnes m’ont marquée pour longtemps.
J’ai toujours aimé la façon dont Quentin Zuttion représente les femmes, dans leur diversité, leur force, leur fragilité et leur nudité physique comme émotionnelle.
Je me reconnais dans ces femmes imparfaites, parfois violentes (envers les autres comme elles-mêmes), qui ici reprennent le pouvoir, un fleuret à la main.
J’ai donc décidé de faire durer l’effet Touchées en te présentant 3 autres œuvres dans lesquelles tu trouveras des personnages féminins à fleur de peau, portant leur vulnérabilité en bandoulière.
Sharp Objects et son héroïne couturée
Sharp Objects adapte en mini-série le roman du même titre signé Gillian Flynn (Gone Girl). Et c’était ma claque de 2018.
À la fin de l’épisode 1, l’héroïne, Camille, interprétée par Amy Adams, ôte son pull et son jean noirs qu’elle ne quitte jamais, pour dévoiler à la caméra un corps couvert de cicatrices, de mots inscrits dans sa chair.
Le visuel est brutal. L’implication l’est plus encore.
Camille a elle aussi vécu des violences : physiques, sexuelles, mais surtout psychologiques, sous le joug d’une mère toxique et glaciale.
Devenue journaliste, elle revient dans la ville où elle a grandi pour enquêter sur la disparition d’une adolescente.
Elle va devoir se confronter à ces traumatismes qu’elle a passé sa vie à fuir, et déterrer de dangereux squelettes pour, peut-être, guérir.
J’ai rarement vu un tel personnage féminin, flingué jusqu’à l’os, alcoolique, couvert de cicatrices, mais déterminé à trouver la vérité et à protéger les autres de ce qu’elle a vécu.
Camille Parker restera une femme qui m’a marquée, et m’a confrontée à mes propres vulnérabilités, et à des souvenirs que moi aussi j’ai tenté d’enterrer…
Virgin Suicides et ses adolescentes perdues
J’ai demandé à Alix, passionnée de cinéma et responsable des podcasts chez madmoiZelle, de m’écrire quelques lignes sur Virgin Suicides, un film qui, je le sais, a profondément bouleversé Quentin Zuttion.
« J’ai vu Virgin Suicides, de Sofia Coppola, à l’âge de 15 ans la toute première fois. C’est instantanément devenu l’une de mes références.
Le film est une adaptation du roman du même nom de Jeffrey Eugenides, qui raconte l’adolescence des soeurs Lisbon.
Elles sont toutes les cinq sujet des fantasmes et centre des discussions des garçons de cette ville américaine des années 70, surtout depuis la mort de Cecilia, qui se suicide à l’âge de 13 ans. »
« Les plans à l’esthétique vintage/pastel et la bande-originale mélancolique signée Air acidulent nonchalamment un récit très brutal, en tentant de retranscrire ce qui peut se passer dans la tête des adolescentes — des années 70 mais aussi d’aujourd’hui.
Et ça fonctionne plutôt bien, puisqueVirgin Suicides m’a bouleversée alors que ma puberté pointait le bout de son nez.
C’était la première fois que je voyais un film réalisé par une femme, à destination des femmes.
Les clichés n’existent que dans l’image fantasmée que les hommes se font d’elles, et l’œuvre les déconstruit un à un en montrant une toute autre réalité.
Sofia Coppola n’a pas une filmographie très fournie, mais ses longs-métrages tournent tous autour de cette volonté de briser une certaine image de la femme, en particulier de l’adolescente, que ce soit dans son plus récent Les Proies, dans Marie-Antoinette (que j’ai saigné jusqu’à l’os), ou même dans The Bling Ring.
Le tout sans revendication violente, mais avec un but en tête bien précis qui fait de ses films des tableaux puissants de générations. »
Mustang et ses héroïnes révoltées
C’est Kalindi, responsable du cinéma et des séries chez madmoiZelle, qui te présente Mustang, le premier film auquel elle a pensé quand je lui ai parlé d’héroïnes viscérales et fortes.
« Deniz Gamze Ergüven a secoué le monde et la critique, en 2015, avec son film Mustang qui s’est frayé un chemin jusqu’aux César où il a remporté quelques 4 trophées, dont celui de la meilleure première oeuvre.
Mustang, c’est l’histoire de Lale et de ses soeurs qui rentrent un jour de l’école en jouant avec des garçons, ce qui provoque un véritable scandale au sein de leur village.
Rongés par la honte, les parents referment leurs serres sur leur progéniture : les cours de pratiques ménagères se substituent à l’école, et les filles sont promises à des mariages arrangés.
Mais portées par un vent de liberté, les 5 soeurs vont tenter de faire tomber les murs de leur prison… »
« Mustang, c’est une œuvre essentielle qui devrait être diffusée dans les écoles, pour éveiller les enfants à la dimension fragile de la liberté des jeunes femmes, ici et ailleurs.
J’ai été secouée par ce film, que je recommande depuis dès que je le peux, à quiconque aime le cinéma social et esthétique. »
Voilà, chère lectrice, notre sélection d’œuvres qui présentent des femmes différentes. Des femmes dont la fragilité n’est pas synonyme de faiblesse.
Je ne peux que te conseiller de dévorer Touchées, une BD crue et essentielle qui rappelle la force féminine, même face aux traumatismes.
Les Commentaires
En réaction, je refuse de leur accorder un prénom, c'est-à-dire pour moi, la reconnaissance du talent.
Ce n'est pas un signe d'irrespect pour leur personne.
C'est effectivement nier leur individualité, en tant qu'artistes accomplis/talentueux. Du coup, je résiste symboliquement, en refusant de les reconnaître comme artistes (sauf celleux qui sont effectivement talentueux, selon moi, je dois avouer que là-dessus je me fie à mon appréciation personnelle, c'est assez subjectif. Mais d'un autre côté, est-ce qu'on peut vraiment se fier aux journaux qui décrivent par ex Léa Seydoux comme une actrice géniale, quand on sait quelle est la place qu'occupe sa famille dans le monde du cinéma français ? Leur objectivité est forcément douteuse.).
Si j'ai bien compris, celleux de ton village natal refusaient de te nommer personnellement, dans un cadre privé (le village, le groupe où tout le monde se connaît), et niait ton individualité en tant qu'être humain.
Moi je ne cherche pas nier leur individualité en tant qu'être humain, mais je refuse de leur accorder la reconnaissance d'un talent en tant qu'artiste (au niveau public, donc, pas au niveau privé).
Je comprends tout à fait que se voir refuser un prénom, dans le cadre privé, c'est horrible. Mais toi tu ne prétendait pas à quoi que ce soit, et tu ne jouais pas d'une hiérarchie sociale, en prenant la place d'artistes sûrement plus doués, mais avec moins d'alliances.
Pour moi la situation que tu décris est différente, et je suis d'accord qu'elle est très violente (même si j'ai déjà vu des vieux réagir comme ça, en désignant les membres d'une famille par le nom de famille connu dans le coin, ce qui ne justifie pas du tout le truc).