Il y a quelques mois, j’ai rencontré un garçon et ça m’a vrillé le cerveau, le palpitant et les genoux en même temps. Je me souviens avec une honteuse émotion de notre première conversation… Où j’ai fui dès qu’il a tourné le dos, tellement je me trouvais gênante, avec mes silences, mes borborygmes et mes rires de zozo. J’étais pas dans mon état normal, j’arrivais pas à dire quoique ce soit d’intelligent à cause de mon esprit brouillé comme tant d’oeufs le dimanche matin. J’avais déjà du mal à penser, à respirer, alors tu penses bien que je galérais sacrément à faire une phrase avec sujet verbe et complément !
Il y a quelques mois, donc, j’ai rencontré un garçon et depuis, je suis plus heureuse que le plus heureux des wombats, plus jouasse que la plus grande fan de Lego quand elle apprend qu’un Lego Store va ouvrir à côté de chez elle… nan, ATTENDS, mieux : qu’un Lego Store va ouvrir DANS SON SALON, rien que pour elle, avec tout gratuit dedans. Tous les matins, je regarde mon quotidien et je me dis « bah didon ma couille, ta vie, elle a jamais été aussi cool ». C’est vachement bien de se dire ça tous les matins. Ça met drôlement de bonne humeur.
Y a un seul petit problème, c’est qu’il a quinze ans de plus que moi. Sauf qu’en fait, le problème – PLOT TWIST DE OUF MALADE – c’est pas ça. Le problème, c’est pas la différence d’âge entre lui et moi. Le « problème »*, c’est les réflexions que les gens se permettent de faire au sujet de notre différence d’âge.
Voici quelques bullshits que j’ai pu entendre depuis que ma moitié et moi nous sommes roulés notre première galoche.
Moi, bootyshakant langoureusement au son de la douce musique du bullshit.
*Je mets entre guillemets parce que bon, enfin, ça va, en comparaison avec la JOIE, c’est un frout de lapin, comme souci.
« T’as des problèmes avec ton père ? »
Parfois, cette réflexion est en forme de question, ce qui laisse un bienheureux bénéfice du doute. La remarque à ce sujet qui m’a le plus marquée, c’est quand quelqu’un de proche a affirmé, sans aucun reproche et aucune hésitation dans la voix, après que je lui ai parlé pour la première fois de mon mec :
« Je savais pas que t’avais des problèmes avec ton père. »
Comme si c’était OBLIGÉ ! Alors je peux comprendre qu’on puisse le croire, parce que ça peut arriver. Tout peut arriver. Peut-être bien qu’un jour, une de tes potes viendra te dire « Voici ma nouvelle petite copine. Elle a la raie au milieu, t’as vu ? C’est parce que je me suis jamais remise de la mort de Pooky, le lévrier afghan qui est mort quand j’avais quatre ans ». Peut-être qu’un jour, une autre de tes potes te présentera son nouveau mec, qui a un très long cou et qu’elle te dira « Oh oui, je sais, il a un très long cou, c’est parce que j’ai cassé ma théière la semaine dernière et que ça me rend vachement triste »?
PEUT-ÊTRE ! On sait pas. Ça peut arriver.
Mais voilà, moi, j’ai pas de problèmes avec mon père, et je suis pas tombée amoureuse de mon mec parce qu’il avait l’air rassurant (pour être rassurée, je ferme ma porte à double tour et mon mec n’a pas une gueule de serrure). Mon mec n’est pas mon père et mon complexe d’Électre est fini depuis mes cinq ans. Mon père a été présent toute ma vie et l’est encore en ses qualités de papa, je ne les confonds pas tous les deux, je vois TRÈS BIEN la différence, vraiment, je vous assure.
J’ai pas l’impression d’être l’exception qui confirme la règle, je crois simplement que tout le monde cherche un peu trop à faire dans la psychologie de comptoir sans trop savoir par où commencer. Et moi, ma philosophie, ma devise devant l’éternel, c’est que quand tu sais pas, tu dis pas.
Au fond, je SAIS que tout est plus complexe que ça, et c’est pour ça qu’il y a des études de psychologie et de psychiatrie. Si quelqu’un de suffisamment renseigné sur le sujet venait me dire que tous mes choix sentimentaux viennent du complexe d’Électre et m’expliquait pourquoi, et comment, je l’écouterais : ça ne changerait absolument rien à mes sentiments pour mon mec, parce que ce ne serait de toute façon pas le but. Et ce serait vraiment intéressant (parce que ce domaine est passionnant). Mais quelqu’un qui ne fait que relayer, sans avoir étudié le sujet plus que ça, des principes de la psychologie qu’il ne sait pas nuancer, j’aime moins. J’aime vraiment, vraiment beaucoup moins.
(Parfois, en revanche, c’est sous forme de blagues et tout le monde est content.)
« Pfffrt alors ça des mecs qui sortent avec des p’tites jeunes ça y va mais l’inverse c’est mal vu »
Cette phrase, je l’ai entendue dans la bouche d’une femme d’un âge certain. J’ai souri en regardant dans le vague sans rien dire, parce qu’elle ne s’adressait pas à moi, mais dedans moi, j’avais très envie de prendre mon plus bel accent du terroir, de lui donner un coup de coude complice et de lui dire :
« Dis donc, Monique, si t’as envie de te faire taper dedans par un p’tit jeune, fais-toi plaisir hein, parce que plus tu vas t’en empêcher, moins tu vas faire bouger les mentalités, mais tu vas laisser les gens amoureux être amoureux tranquille, ok ? »
Merde à la fin, y a pas grand chose qui me gonfle plus que les gens qui se résignent à l’idée que les mecs vieillissent mieux que les femmes, même si Hollywood s’est effectivement bien battu pour nous coller cette idée en tête.
« Azy t’as une vie de mémère maintenant ! »
La seule fois où j’ai entendu cette phrase destinée à ma personne, elle venait d’un septuagénaire qui n’a toujours pas commencé à avoir une vie de pépère (alors quand il avait quarante ans, j’ose croire qu’il était encore drôlement vif), et c’est pour ça qu’il est si cool.
C’est un comble, tout de même, que ça vienne de lui. Pourquoi aller (malgré soi, j’imagine) dans le sens des clichés là où soi-même, on leur pète dessus au quotidien ?
« Mais GRAVE ! J’ai tellement une vie de vieux qu’on passe nos week-ends à creuser notre propre tombe en chantant du Michel Sardou »
Mais au fond, cette réflexion, c’est probablement celle qui me dérange le moins : qu’on m’imagine siroter de la tisane jusqu’à 20h30, heure à laquelle je me coucherais dans des draps en flanelle non sans avoir pensé à mettre une alèse imperméable au cas où j’urinerais sans même me réveiller, bah, franchement, ok. Ça me touche un ovaire sans ménopauser l’autre.
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« Ahaaah, je savais pas que tu cherchais un sugar daddy ! »
Je sais bien que c’est dit comme une vanne, mais le simple fait qu’on s’imagine que je suis en couple avec la personne que j’aime pour me faire entretenir, ça me fout la rate au court-bouillon et ça me donne très envie de péter des canines avec mes coudes.
Non, mais sérieusement : j’ai 25 ans, j’ai un travail et un salaire et un appartement, j’ai écouté Independant Women des Destiny’s Child en boucle pendant deux semaines quand j’étais en 5ème alors ce genre de blagues, je peux pas m’empêcher de trouver ça foutrement sexiste. Et si je lui fais payer mon Sanytol, ça fait mise en abîme de l’entretien ? (Sanytol, produit d’entretien, un sugar daddy pour se faire entretenir, TU L’AS ?)
Vraisemblablement, la blague, Kanye ne l’a pas.
Ce genre de bonnes (non) vannes me donnent l’impression d’être Anna Nicole Smith en plein procès contre le fils de J. Howard Marshall. Ça me donne surtout envie de surélever ma voix et de hurler « eh mais eh Jean-Michel Zérodeumimzur, on va calmer son slip très vite, quinze ans c’est que dalle, et je t’assure que je parle pas en années-chiens, hein ».
En fait, c’est simple, j’ai décidé de m’en foutre très fort. Et ça me demande pas beaucoup d’effort, parce qu’on se prend toujours des réflexions pour n’importe quoi, quels que soient nos choix de vie. C’est comme ça, c’est la norme, faut s’y faire. C’est comme l’éventualité de faire des pets foireux. Tout humain accepte malgré lui la possibilité que les pets de Damoclès soient au-dessus de sa tête pendant toute son existence, quoi.
Les préjugés, c’est pareil.
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Les Commentaires
Eh bien notre histoire a duré quasiment quatre ans les gars ! La rupture n'avait aucun rapport avec notre différence d'âge (plot twist : on peut être un sombre connard à 18 ans comme à 40).
Et sinon, pour les rageux qui croyaient que j'étais une croqueuse de diamant... ce garçon était un vrai panier percé.
Concernant les gamins, il en voulait, moi non, mais le mec qui a suivi aussi alors qu'on avait 20 ans tous les deux.
Haters gonna hate