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Féminisme

Je connais un violeur, et vous aussi, sans doute

Mymy connaît un violeur. Peut-être plusieurs, même. Parce que si les victimes sont si nombreuses, les agresseurs le sont forcément aussi.

Il arrive de plus en plus régulièrement que des personnes utilisent les réseaux sociaux pour accuser des gens de les avoir violées. Souvent, les réactions sont violentes : les victimes sont cibles de messages haineux, on les traite de menteuses, on les insulte…

C’est comme quand Amber Heard a porté plainte pour violences conjugales contre Johnny Depp, son ancien compagnon. De très nombreuses personnes se sont retournées contre elle, l’accusant de tous les maux, et ont refusé ne serait-ce que d’envisager la possibilité qu’elle dise vrai.

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C’est dur d’imaginer quelqu’un dont on apprécie le travail, les engagements, la personnalité être coupable de crimes aussi graves qu’un viol. C’est encore plus dur quand il s’agit de quelqu’un qu’on connaît.

Si je connais des victimes de viol…

C’est une réflexion qui me travaille depuis plusieurs années maintenant. Comme bien des gens, je connais de très nombreuses victimes de viol. J’en compte plus d’une dizaine parmi les femmes et les hommes que je fréquente.

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Je sais que l’agresseur n’est généralement pas un déséquilibré dans une ruelle sombre.

74% des viols sont commis par une personne connue de la victime. Les violeurs se trouvent parmi nos pères, nos frères, nos amants, nos maris, nos amis, nos collègues. Les hommes de nos vies. Et parfois les femmes, même si elles sont moins nombreuses.

À lire aussi : Je suis un homme victime de viol

Si je peux, sans réfléchir, compter au moins dix victimes de viol dans mon entourage, la suite logique est que je connais au moins un violeur. Je l’aime bien. Je le trouve rigolo. Je partage une partie de sa vie.

Je ne sais pas que c’est un violeur.

…alors je connais un violeur

C’est très dur d’envisager qu’un de mes proches puisse être un violeur. Je me suis souvent demandé comment je réagirais si on venait me dire :

« Ton ami, Machin, m’a violée. »

Je ne sais pas ce que je ferais.

Je veux croire les victimes. J’en parlerais à mon ami. J’essaierais de comprendre. Je sais qu’on peut violer sans le savoir, tant le consentement est mal enseigné, mal respecté dans notre société ; tant les pressions genrées poussent les hommes à faire preuve d’une virilité parfois toxique qui peut générer des comportements de prédateur.

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Pour réfléchir sur le masculinité, regardez ce docu sur Netflix, vraiment

Je sais que je connais des violeurs. C’est inévitable. Je côtoie trop de gens, trop d’hommes pour que les statistiques m’épargnent.

Je le sais, intellectuellement, mais dans mes tripes, j’ai du mal à l’intégrer. Je comprends les chiffres, les probabilités, même si j’ai fait un bac L. Mais comme tout le monde, j’imagine, je refuse quelque part de l’accepter. Je me préserve.

Qui sont les violeurs ?

Bien sûr, je choisis mes amis. Je les trouve respectueux, bienveillants, la plupart s’identifient comme féministes. Ils ne me font pas de remarques déplacées, de blagues blessantes. Je me sens en sécurité avec eux. Ils dorment dans mon lit. Ils me prennent des verres au bar. Je ne les surveille pas, j’ai confiance.

Mais je sais que les violeurs sont parfois sympathiques, respectueux et même féministes. Il suffit de lire le Tumblr Je connais un violeur pour s’en rappeler.

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Dans Girls, le personnage d’Adam, bourré de côtés positifs, est coupable de viol

Peut-être est-il temps de sortir de ce déni collectif, de cette omerta qui fait tant de mal aux victimes. Peut-être est-il temps d’envisager, aussi douloureux que cela puisse être, que si une partie de vos ami•es ont été violé•es, alors

une partie de vos ami•es ont pu violer.

Peut-être est-il temps d’accorder notre confiance et notre respect à celles et ceux qui font la difficile, la courageuse démarche de prendre la parole.

La présomption d’innocence VS la culture du viol

Selon la Déclaration universelle des droits de l’homme :

« Article 11. Toute personne accusée d’un acte délictueux est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie au cours d’un procès public où toutes les garanties nécessaires à sa défense lui auront été assurées. »

La présomption d’innocence est donc un concept juridique. C’est à la justice de condamner ou d’innocenter une personne mise en cause — cette même justice qui, trop souvent, ne se montre pas à la hauteur quand une victime de viol porte plainte.

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Quand quelqu’un accuse une autre personne sans porter plainte, on peut se sentir forcé•e de faire un choix, de trancher, de remplir soi-même le rôle de la justice. Mais dans la société, cette fameuse « présomption d’innocence » doit fonctionner à double sens.

Si quelqu’un vient me dire qu’un de mes amis l’a violé•e, la présomption d’innocence sera pour moi de chercher à connaître la vérité, mais aussi de ne pas remettre en cause la sincérité de la personne. Ne pas partir du principe que ses intentions sont mauvaises, qu’elle ment sciemment, qu’elle fabule.

Le chemin de croix des accusations de viol

Je vois ce que doivent subir les personnes accusant quelqu’un de viol. Je vois la haine, le harcèlement, les vendettas, le mépris, qui vient parfois de la police, de la justice.

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J’ai accompagné une amie au procès de son violeur. Il a abusé d’elle quand elle avait quatorze ans et lui vingt-sept, à plusieurs reprises. Elle a porté plainte des années plus tard, dans l’espoir de protéger sa petite soeur obligée de vivre sous le même toit que lui.

Il a pris trois mois avec sursis. Il vit toujours dans sa famille.

De son côté, mon amie a été bannie de son foyer parce que sa mère l’a traitée de menteuse. Elle a dû passer son bac en vivant dans un foyer pour jeunes précaires. Elle a traversé d’incroyables violences, a oscillé entre désespoir et combativité. La procédure a duré des années.

Et lui, il a pris trois mois avec sursis.

À lire aussi : Brock Turner, le « violeur de Stanford », sort de prison… après 3 mois

J’imagine ses ami•es qui ne croiront jamais que c’est un violeur. J’imagine le coeur de mon amie se brisant quand sa propre mère refuse d’y croire. Alors je me dis que si on vient me dire qu’une personne de mon entourage est coupable de viol, j’écouterai.

Je me dois bien ça. Je dois bien ça à toutes les autres victimes.

Et j’espère très fort ne pas connaître de violeur. Mais je ne pense pas avoir cette chance.


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Les Commentaires

38
Avatar de Riun
8 mars 2019 à 09h03
Riun
Effectivement, on connait tous quelqu'un qui dans son comportement, est un violeur.
J'essaie de très rapidement écarter ces personnes, surtout lorsque je perçois un comportement de "forceur".

Pour la petite histoire, il m'est arrivé un truc il y a 5 ans.
Contenu spoiler caché.
6
Voir les 38 commentaires

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