Le 19 octobre 2021
Comme nombre d’entre nous, je n’avais jamais entendu parler du don de lait — en tout cas pas avant la naissance, il y a trois ans, de ma petite cousine. Très grande prématurée, il était vital pour elle de pouvoir être nourrie au lait maternel.
Sa maman a alors tiré son lait pour pouvoir la nourrir avec. Mais pour des raisons multiples (de sécurité, de procédures…), avant que sa fille ne puisse y accéder, celui-ci a dû être analysé et traité.
Et pour patienter, pendant les jours nécessaires à ces analyses, elle a pu compter sur du lait maternel issu de dons.
Le don de lait maternel, d’une grande aide pour les bébés prématurés
D’après l’Association des lactariums de France (ADLF), le lait maternel est essentiel pour la santé des enfants nés prématurés : il soutient le développement du tube digestif et la défense de l’organisme contre les infections, et contribue à prévenir certaines complications spécifiques liées à la prématurité.
C’est ici que les lactariums interviennent, en recueillant du lait auprès de mères qui souhaiteraient donner leur surplus.
Non concernée par le sujet au moment où j’ai appris tout ça, j’ai rangé cette information dans un coin de ma tête, et je suis passée à autre chose.
L’allaitement et moi, une vraie question
Deux ans plus tard, c’est mon tour d’être enceinte. Et rapidement, au cours de ma grossesse, on me pose des questions sur l’allaitement — comme si j’avais déjà tout prévu… Alors qu’à ce moment-là, je n’ai aucune idée de ce que je compte faire pour alimenter mon nourrisson.
Dans ma tête, les choses étaient floues : comment aurais-je pu me rendre compte de ce qu’était l’allaitement sans l’avoir jamais fait ? J’étais partagée par beaucoup de doutes : j’avais le sentiment que c’était ce qu’il y avait de mieux pour ma fille, mais en même temps, avais-je envie de partager mon corps au-delà de ces neufs mois de grossesse ? D’être la seule à nourrir le bébé ? D’avoir ce sentiment d’être indispensable à tout moment ?
J’ai décidé de repousser la décision au moment de l’accouchement.
Ce jour est arrivé, et après la tétée d’accueil ( la première, qu’on peut proposer même sans vouloir forcément allaiter par la suite), j’ai eu ma réponse : j’avais très envie de le faire !
Comment j’ai choisi de faire don de mon lait maternel
Les premières semaines se sont écoulées ainsi, et j’ai repris le travail quand ma fille a eu quatre mois. J’ai décidé de stocker mon lait à l’avance, en utilisant un tire-lait électrique tous les soirs, pour que la crèche de ma fille puisse lui donner dans ses biberons. Le rythme était intense.
Au sept mois de ma fille, je suis arrêtée par mon médecin pour une dépression-post partum et ne reprendrai qu’à ses quatorze mois. Cette période d’arrêt est difficile, et je souffre de mon inactivité. J’ai l’impression persistante d’être inutile à la société.
Sans devoir aller au travail tous les jours, je poursuis l’allaitement plus facilement. Je peux tirer mon lait l’après-midi, et me reposer le soir si je suis trop fatiguée. Peu à peu, mes stocks de lait augmentent et remplissent mon congélateur.
C’est là que les discussions autour du don de lait me reviennent en tête. Alors je prends le parti de contacter le lactarium de ma ville (il y en a dans plusieurs grandes villes de France), pour me renseigner un peu.
Au cours d’un rendez-vous téléphonique avec un médecin du lactarium, j’en ai appris un peu plus sur ce que cela impliquerait pour moi : si c’était compatible avec certains médicaments, par exemple. Après quelques échanges, je décide de devenir donneuse et m’inscris.
Quelques jours plus tard, je reçois mon matériel par la Poste et la grande aventure commence !
Le don de lait maternel, ça ressemble à ça
J’ai reçu un kit de prise de sang, à faire effectuer chez moi par un infirmier ou une infirmière (et à renouveler tous les trois mois pendant toute la durée des dons), un gros carton de bouteilles de 300ml stérilisées pour y mettre mon lait, un lot d’étiquettes avec mes informations à placer sur mes bouteilles, et un fascicule me résumant les consignes que j’avais déjà reçues au téléphone.
Les critères étaient clairs : pour pouvoir donner, il est indispensable d’avoir une bonne hygiène corporelle (une douche par jour par exemple, ce qui n’est pas si simple quand on a accouché il y a peu !), de stériliser son matériel (embouts du tire-lait) après chaque utilisation, de ne pas prendre certains médicaments précis (dans le doute, toujours en parler avec les médecins du lactarium), de conserver le lait au frigo pendant 48 heures maximum le temps de remplir les bouteilles, et de toujours conserver les bouteilles pleines au congélateur.
C’est un processus assez clinique, puisqu’il vise à reproduire un environnement le plus propre possible. Après tout, on ne fait pas de don du sang depuis son salon !
Dans mon cas, une fois par mois, une personne chargée de la collecte passait récupérer le lait congelé à mon domicile, en m’apportant de nouvelles bouteilles vides pour que je puisse poursuivre mes dons. Selon les endroits, il est possible que vous deviez vous-même vous rendre au lactarium, cependant : ces pratiques varient.
Le don de lait maternel, une pratique fatigante mais importante
Je n’ai pu donner mon lait que pendant trois mois, le lactarium près de chez moi n’acceptant pas de lait des mamans dont l’enfant avait plus de 12 mois. En tout, j’ai donné 6 litres répartis en petites bouteilles de 300mL.
Ce n’est pas tant que ça, et pourtant, c’est beaucoup ! Et un peu plus contraignant que de tirer son lait pour soi : aux 15 à 20 minutes de tirage de lait s’ajoutent 15 à 20 minutes de stérilisation de matériel à chaque utilisation, soit deux fois par jour dans mon cas.
Pour être honnête, c’était une expérience fatigante : après tout, le lait, c’est de l’énergie mise en bouteille. Le soir, après ma journée, même si j’étais claquée, il fallait faire l’effort de sortir le matériel, supporter la sensation peu agréable du tire-lait, le tenir, me tenir droite, aller mettre le lait dans des bouteilles, l’étiqueter, le mettre au congélateur…
Ajouter cette tâche du quotidien à un bébé qui ne fait pas encore tout à fait ses nuits, ce n’est pas simple ! Surtout que, consciente du fait que je n’avais que trois mois pour donner, j’avais envie d’en faire un maximum, en augmentant mon rythme de tirage pour pouvoir subvenir aux besoins de ma fille et faire des dons conséquents.
Ce don, c’est une immense fierté
Au total j’ai pu donner plus de six litres de lait au lactarium, et c’est une immense fierté ! Pendant toute ma période d’arrêt, donner mon lait m’a aidée à sortir de cette impression d’inutilité que j’avais, à me sentir exister dans cette société, et à me sentir moins malheureuse.
J’ai eu la surprise, après mon dernier don, de recevoir un joli carton imprimé sur lequel le lactarium me remerciait pour mes dons, au nom de tous les bébés qui ont pu en profiter, un petit geste qui m’a énormément touchée. Je ne saurai jamais combien de personnes j’ai pu aider, mais ça reste très beau et émouvant.
Si je pouvais le refaire, je le referai mille fois. Pendant ma grossesse, sur Instagram, j’ai découvert des récits de parents dont les bébés sont passés par des périodes d’hospitalisation, qui ont eu besoin de ce lait pour survivre… Et contribuer, à sa petite échelle, à aider et sauver des bébé, c’est fou !
Ce don est essentiel et ne peut être réalisé que par une toute petite partie de la population, il est donc essentiel d’informer les jeunes mamans sur ce merveilleux cadeau à faire.
En ce moment, une pénurie de lait maternel inquiète les hôpitaux. Si le don de lait vous intéresse et que vous souhaitez en savoir plus, rendez-vous sur le site de l’Association des Lactariums de France.
À lire aussi : Enfin une pub qui montre la réalité de l’allaitement (la vraie, pas celle des magazines)
Crédit photo : Rainer Ridao / Unsplash
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Les Commentaires
Mais sinon, ce qui est bien, c'est que les lactariums essaient de faciliter au maximum la vie des mères : on n'a pas à se déplacer sauf si on le souhaite, et ça, quand on est nouvelle mère paumée, ça n'a pas de prix.