Article initialement publié le 1er avril 2019
Dans un monde idéal, les pères et les mères partageraient à égalité les responsabilités éducatives, ils et elles s’arrêteraient successivement pour passer du temps avec leur bébé et les entreprises seraient totalement détendues du slip sur le sujet. D’ailleurs, dans ce monde-là, les discriminations liées au genre ne seraient plus qu’un mauvais souvenir. (Laissez-moi rêver)
Dans la réalité, avoir un enfant et partir en congé maternité est encore une source d’inquiétude pour de nombreuses salariées (et indépendantes – mais pour des raisons différentes que j’évoquerai dans un futur article).
« Il y a une réalité statistique – en moyenne, les femmes s’occupent plus des enfants que les hommes – et une présomption de culpabilité de la part des entreprises : elle va avoir un bébé donc elle va être moins disponible », explique Pauline Chabbert, directrice associée chez le groupe Egaé, une entreprise de conseil et de formation spécialisée sur les questions d’égalité femmes-hommes.
Vous avez prévu d’avoir des enfants dans les trois prochains siècles ?
Résultat des courses : les employeurs mettent la pression aux jeunes femmes dès l’entretien d’embauche. Si vous aussi vous avez déjà passé un entretien où on vous a demandé – dans l’illégalité la plus totale- si vous pensiez vous reproduire prochainement, vous devez voir de quoi je parle…
Et ça continue une fois embauchée, de manière plus ou moins insidieuse. Pensée émue (non) pour une de mes anciennes cheffes qui passait son temps à me dire sur le ton de la blague : « c’est pas le moment d’avoir un bébé, Clémence ».
Normal que, dans ces conditions, certaines femmes se posent la question du « bon moment » dans une carrière pour faire un enfant. Spoiler : il n’y en a pas. Ou plutôt : c’est toujours le bon moment (si vous en avez envie).
C’est en tout cas l’avis de Sophie Muffang, executive coach et autrice de Femmes, osons pour réussir.
« Ça ne sert à rien de vouloir tout planifier ou anticiper, car rien ne se passe comme prévu : on peut mettre du temps à tomber enceinte, ou attendre des années une promotion ».
Congé maternité : une femme avertie en vaut deux
Alors, comment préparer le terrain quand on est enceinte et salariée pour que le départ en congé mat’ (et surtout le retour) se passe bien ?
Premier conseil de Pauline Chabbert : bien s’informer sur ses droits.
« Il faut collecter de l’information sur vos droits en tant que femme enceinte dans le Code du travail, dans la convention collective de l’entreprise ou auprès des représentants du personnel. C’est ce qui va vous permettre de vérifier ensuite si l’entreprise respecte vos droits, car malheureusement c’est loin d’être toujours le cas. »
Rien ne vous oblige légalement à prévenir votre employeur (ou un recruteur) que vous êtes enceinte, mais plus vous le faites tôt, plus vite vous pourrez bénéficier de certains droits (réduction du temps de travail prévue dans certaines conventions collectives, autorisation d’absence pour les examens médicaux, interdiction de licencier une femme enceinte sauf rares exceptions, etc.). Vous pouvez vous contenter d’informer votre entreprise à l’oral, mais le mieux pour être tranquille (surtout si vous êtes en période d’essai), c’est d’envoyer un courrier recommandé aux RH avec accusé de réception.
Ne pas attendre la dernière minute pour annoncer sa grossesse au travail
Reste qu’il vaut mieux ne pas attendre la dernière minute pour prévenir votre N+1, afin de lui laisser le temps de s’organiser pour vous remplacer pendant votre absence. Donner bien en amont votre date de départ et de retour prévu, lui permet d’anticiper. En général, l’usage est de l’annoncer autour des trois mois de grossesse.
Sophie Muffang conseille également de
« ne pas annoncer sa grossesse en culpabilisant », mais d’en faire un moment heureux, voire festif. Ce qui n’empêchera pas, hélas, certains collègues de réagir complètement à côté de la plaque, mais hé, ce n’est pas votre problème s’il y a des schtroumpfs grognons dans la boîte.
« Ensuite, je conseille de continuer à montrer sa motivation et son ambition pour l’avenir. Attention à ne pas “partir avant de partir”, même si c’est bien sûr beaucoup plus facile si on a la chance d’avoir une grossesse qui se passe bien », ajoute la coach.
De quoi ai-je vraiment envie ?
La grossesse est aussi un bon moment pour réfléchir à ce dont on a vraiment envie professionnellement et personnellement. “Il faut redéfinir ses priorités seule et en couple, penser à son investissement professionnel futur, en termes d’horaires, de déplacements, etc.”, complète Sophie Muffang.
Pauline Chabbert conseille, elle, de préparer le terrain avant son départ en congé maternité en organisant un rendez-vous avec son ou sa manager et les RH.
« C’est l’occasion de faire le point sur là où l’on en est aujourd’hui : niveau de responsabilité, dossiers en cours, etc. Mais aussi de parler de ses ambitions pour la suite. »
Cet entretien (enfin, surtout son compte-rendu écrit) vous permettra de faire à nouveau le point quelques semaines après votre retour de congé maternité pour vérifier si vous avez toujours le même niveau de responsabilités et de perspectives pour la suite.
Autre conseil : ne pas perdre totalement le contact avec le bureau pendant votre congé maternité. Il ne s’agit pas de travailler (vous êtes en CONGÉ rappelons-le), mais juste d’envoyer un ou deux mails à vos collègues pour les tenir au courant (et prendre des nouvelles de la vie de l’équipe) ou de passer leur présenter votre bébé (et vous renseigner sur de potentielles ouvertures de poste… vous voyez l’idée).
Retourner au boulot après un congé maternité
Une fois rentrée, vous devez retrouver le même poste — ou un poste équivalent — avec le même niveau de rémunération, c’est la loi qui le dit ! Et vous êtes protégée du licenciement pendant dix semaines.
Au-delà de ces considérations légales, sachez qu’il est normal d’avoir besoin d’un peu de temps pour (re)prendre ses marques. N’hésitez pas à communiquer avec vos managers sur votre nouvelle organisation et à rendre visibles votre travail et vos résultats. Genre : je ne peux plus faire de réunion après 17h30 parce que je dois partir à la crèche, par contre j’arrive désormais à 8h tous les matins.
Encore mieux : vous pouvez mettre ce point à l’ordre du jour d’une réunion d’équipe. Si ça se trouve, d’autres mères et même des pères seront heureux d’avoir un espace pour exprimer leurs besoins en termes d’organisation.
Vous pourrez notamment en profiter pour parler des possibilités de télétravail, une solution qui permet d’avoir plus de flexibilité pour articuler votre vie perso et pro. Surtout qu’il est maintenant encouragé légalement. Tous les salariés peuvent le demander à l’entreprise et si elle refuse, elle doit justifier sa décision.
Le risque du passage à 4/5e
Si Pauline Chabbert plébiscite le télétravail, elle est plus sceptique sur le passage à 4/5e après une naissance.
« On perd du salaire, mais on a souvent la même charge de travail. Si c’est possible, il vaut mieux privilégier un aménagement des horaires dans la semaine : rester aux 35 heures, mais prendre son mercredi après-midi par exemple, en faisant de plus gros horaires les autres jours de la semaine. »
Enfin, si malgré tout on se sent discriminée à l’issue de son congé maternité, elle conseille d’en parler à son ou sa N+1 et aux RH.
« Parfois, ils ne s’en rendent pas compte, mais pensent être sympas en vous retirant des dossiers stressants (mais intéressants), par exemple. »
Et si vous avez l’impression de parler dans le vide, vous pouvez ensuite vous tourner vers les représentants du personnel ou les syndicats pour tenter de régler le problème en interne.
Enfin, si vraiment rien ne bouge, il vous reste la solution des Prud’hommes, en vous faisant accompagner par le Défenseur des droits par exemple.
« Les employeurs savent que s’ils discriminent pour maternité, ils risquent d’avoir de grosses indemnités à verser, ils ont donc plutôt intérêt à chercher une solution à l’amiable », explique Pauline Chabbert.
Pour aller plus loin :
- Renseignez-vous sur vos droits en lisant la convention collective dont dépend votre entreprise ou le site service-public (si vous bossez en France).
À lire aussi : Suivi médical et démarches administratives : tout savoir sur le premier trimestre de grossesse
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Les Commentaires
Je ne suis pas d'accord avec l'analyse sur le 4/5 non plus. Déjà, tout le monde n'a pas des emplois de cadre ou de bureau où la charge de travail est indépendante du temps de travail. Il y a des boulots ou une journée = tant de travail et il n'y aura pas à travailler plus par jour si la semaine est de 4 jours. Dans les autres cas, la question à se poser est "est-que je sais/peux dire non ?". Être capable de dire "si je suis sur le dossier x, qui se charge du dossier y ? " ou "si je priorise le dossier A, il aura un délai pour le B" permet d'éviter une charge de travail de 5j pour 4 travaillés. Je sais que ce n'est pas possible partout mais sachez que ça peut vous donner une réputation de fiabilité et de sérieux (vous rendez le travail pour lequel vous avez dit OK dans les temps, vous êtes capable d'alerter en cas de surcharge). En vrai c'est valable même hors cas de retour de maternité. Toujours sur le 4/5, tant que votre enfant n'est pas scolarisé, vous pouvez choisir des jours non "désirés" comme le mardi ou le jeudi ou le choisir en fonction de la charge de travail si elle varie selon les jours, c'est une façon de montrer sa bonne volonté.
Et dernier truc surtout si c'est votre premier enfant, sachez que vos désirs professionnels d'avant le départ ne seront pas forcément les mêmes après. Ça change beaucoup de choses d'avoir un bébé. Vous n'aurez pas forcément la même énergie, la même condition physique et les mêmes envies. Rentrer plus tôt pour s'occuper de votre précieuse progéniture sera peut-être plus important pour vous que d'accéder à un poste à responsabilités que vous briguiez avant de partir.
Quoi qu'il en soit, prenez bien soin de vous. La grossesse et l'après bébé peuvent être des périodes de vulnérabilité. Et paradoxalement, cette aventure peut aussi vous donner le courage de mettre le boulot à la place qui lui correspond dans votre vie (pour moi par exemple, c'est pas en plein milieu !).
Merci à ceux et celles qui ont lu jusqu'au bout.