Retrouve en fin d’article les conseils d’une psy pour mieux gérer le confinement avec un trouble du comportement alimentaire.
Ce confinement, c’est mon enfer personnifié.
Je ne veux pas avoir l’air de me plaindre, loin de là. Je fais partie des chanceuses, et même des très chanceuses.
Je fais partie des chanceuses au niveau du confinement
Je vis seule, je n’ai pas d’enfants, de conjoint à devoir supporter H-24. Mon mode de vie est assez peu impacté : bien habituée à passer des périodes assez longues, seule, enfermée dans mon appartement — qui me suffit, avec ses 35m².
Je ne suis pas spécialement angoissée par la situation, juste un peu. Comme tout le monde, j’ai l’impression.
Je pense être dans le juste milieu où je réalise assez bien la gravité de la situation pour respecter le confinement, mais ne pas être paralysée par la peur à l’idée de sortir faire mes courses lorsque la nécessité s’en fait ressentir.
Je n’ai pas de troubles psychiques (anxiété, dépression, ou pire) qui pourraient rendre cette situation invivable.
Ma famille est en sécurité, normalement, et personne de proche de moi n’est gravement atteint de ce fléau.
Je suis une des grandes chanceuses dans cette situation : je le crois, je le dis, et je le vis comme tel.
Mais lorsque je dis que ce confinement représente aussi mon enfer personnifié, je le crois, je le dis, et je le vis comme tel également.
Mon trouble du comportement alimentaire : l’hyperphagie
J’ai dit plus tôt ne pas avoir de troubles psychiques… mais ce n’est pas tout à fait vrai.
Je vis, depuis presque aussi longtemps que je peux me souvenir, avec un TCA : un trouble du comportement alimentaire, appelé hyperphagie ou binge eating.
Binge, comme le terme qu’on associe aujourd’hui à Netflix. Sauf qu’au lieu de m’enfiler 12 épisodes dans la journée, ce sont des paquets de chips que je m’enfile en quelques heures.
Je dis chips parce que c’est ce qui est le plus reconnaissable, mais ça marche avec d’autres choses. Les bonbons, les gâteaux, la junk food en tous genres.
C’est comme de la boulimie, un trouble souvent mieux connu, sauf que je ne vomis pas ensuite.
Selon Nathalie Dumet dans Cahiers de psychologie clinique :
« L’hyperphagie est un trouble consistant en une abondante prise alimentaire, survenant pendant les repas (on parle alors d’hyperphagie prandiale) ou entre ceux-ci (hyperphagie interprandiale).
Si de prime abord l’hyperphagie ressemble à la boulimie ou semble constituer une variante de celle-ci, elle s’en distingue réellement dans la mesure où le sujet hyperphage ne mange en général aucunement dans l’urgence et la précipitation qui caractérisent le sujet (ou le raptus) boulimique.
De plus, à la différence de celui-ci, l’hyperphage ne recourt en principe pas à des pratiques d’élimination (telles que vomissement après le remplissage alimentaire ou usage de diurétiques et laxatifs), ce qui explique d’ailleurs chez lui prise de poids ou maintien du surpoids. »
La chirurgie bariatrique, ma « solution » face au TCA
Mon TCA est la chose la plus intime de ma vie. Moi qui suis un véritable livre ouvert, je n’en parle (parlais) jamais.
C’est (c’était) mon jardin secret, la chose que je ne révélais à personne, même pas à mes amies les plus proches qui savaient pourtant tout de moi. La chose que je faisais en cachette, à l’abris des regards indiscrets.
Sauf que c’est une maladie qui ne peut pas rester secrète et qui finit par se voir.
Un peu comme l’alcoolisme que des yeux avertis finiront par remarquer, ma maladie ne reste secrète que pendant les quelques minutes ou heures où je l’exerce, quand personne ne peut me voir.
Très vite, les kilos s’accumulent et deviennent incontrôlables. Alors il y a quelques années, j’ai décidé de prendre le problème à bras le corps et me soigner.
J’ai eu la chance de trouver une solution radicale : subir une chirurgie bariatrique, me faire découper 80% de l’estomac, ce qui rendrait obsolète mon habitude malsaine.
Et ça a marché. Pendant au moins 2 ans, je n’ai plus fait de crise de binge, parce que mon corps ne me le permettait plus : je ne pouvais manger qu’en petite quantité.
Alors j’ai perdu tous mes kilos accumulés.
Mais parce que la magie n’existe pas vraiment, ce vieux démon est revenu toquer à ma porte dès lors que mon corps l’a laissé faire…
Lutter contre mon trouble du comportement alimentaire
On dit qu’il suffit de 21 jours pour abandonner une habitude
mais 730 jours ne m’ont pas suffi pour lui dire au revoir pour de bon, malgré mon incroyable foi et espérance.
Peut-être que c’est ça, qui différencie une habitude d’une addiction ? C’est que le temps n’y change rien ?
En tout cas, mes crises de binge ont repris et comme je ne voulais pas retomber dans la spirale dont j’avais eu tant de mal à sortir, j’ai demandé de l’aide.
À mes proches, mais aussi à une psy d’origine italienne, à l’accent chantant et à la bonne humeur communicative, qui me suit depuis des années maintenant.
Elle m’a aidée à comprendre mon addiction, à mettre en place des processus, de bons réflexes, des stratégies d’évitement.
Oui mais voilà… c’était sans compter sur ce fléau qui viendrait bientôt ravager la Terre entière. Ce démon du nom de Covid-19 qui tue à bras raccourcis, en s’attaquant entre autres à la nation dont ma psy provient.
Et ce gros démon a ouvert la porte à mon « plus petit » démon appelé TCA.
Ma distanciation sociale de mon trouble du comportement alimentaire
Ce confinement est mon enfer personnifié, parce que même si je suis bien dans ce bel appartement dont j’ai rêvé, que j’ai scruté et cherché pendant des mois, c’est ici qu’il vit, TCA. De façon permanente.
Ne pas le laisser m’atteindre, alors qu’il vit dans le même endroit et dort avec moi dans le même lit, est suffisamment difficile en temps normal… Mais au fur et à mesure des mois, j’avais trouvé des parades.
Le travail, la journée, le gardait loin de mon esprit, et les sorties, le soir, m’en libérait. Parce que TCA se fait silencieux lorsque je suis loin de la maison ou qu’il y a des gens autour de moi.
Mes voyages aux quatre coins de la France et du monde le week-end me permettaient aussi de faire de la distanciation sociale avec lui, ce qui m’a permis, pendant quelques semaines, de réussir à plus ou moins ignorer son existence.
Ou au moins ne pas le laisser gagner.
Certes, ça ne marchait pas tout le temps, il y a certains soirs et certains week-ends où il gagnait quand même, et certains jours ou c’est moi qui le laissais gagner.
Mais suffisamment peu souvent pour sentir que je commençais à remporter une bataille.
Sauf que.
Le confinement avec un trouble du comportement alimentaire
Comme tu le sais, mi-mars, le président de la République, conseillé par le corps médical tout entier, instaure le confinement. Le seul moyen de combattre Covid-19, c’est de rester chez soi.
Alors je fais ma part du travail pour combattre celui qui décime mes semblables. Mais ce faisant, je laisse chaque jour un peu plus de place à TCA, que j’avais presque réussi à ranger au placard.
C’est drôle comme expression parce que c’est justement là qu’il vit, dans mes placards, ces placards qui doivent désormais sans cesse rester pleins — par crainte du dehors contaminé par le Covid-19.
Je n’achète pas de « grignotage » malgré mon TCA
J’essaye de faire attention. Je n’écoute pas TCA, pendant mes rares sorties au supermarché, lorsqu’il me dit de stocker ces 18 paquets de chips et de bonbons.
Après tout, il n’est pas dans ma tête, il est à la maison. Mais une fois que je rentre, il est bien installé. Il vit dans toutes les pièces, je n’ai nulle part où je peux lui échapper, dans ce 35m².
Certes, je ne grignote pas de choses toutes prêtes, parce que je n’en ai pas achetées, mais c’est encore pire, parce que je cuisine moi-même ce qui nourrira mes crises de binge. Je suis cette fois l’architecte de ma propre décadence.
Celles qui ont la chance de ne pas connaître les troubles du comportement alimentaire se disent peut-être qu’il me suffit de légumes vapeur, de quelques bâtonnets de carotte. Mais TCA ne fonctionne pas comme ça.
Il me chuchote que c’est de sucre, de gras dont j’ai besoin. Il n’y a que ça qui le fait taire.
Je vous assure que j’ai déjà essayé toutes les autres parades, aussi nombreuses soit-elle, j’ai eu des années pour le faire ! Rien d’autre ne fonctionne.
J’ai peur de ce que va me faire ce confinement avec mon TCA
Alors voilà, je suis bloquée ici, chez moi. Avec TCA, ce dangereux partenaire de vie.
Bien sûr, je ne compare pas mon expérience avec celles des personnes confinées dans des relations toxiques, violentes… mais je sais que ma cohabitation forcée avec mon trouble me laissera des traces. Même s’il n’a ni poings ni pieds.
Je me sens complètement impuissante face à ça. Et ça me terrifie.
Comme le reste du monde, je suis surtout terrifiée de ne pas savoir combien de temps ça va durer. Ne pas savoir combien de temps cette douloureuse colocation va rester en place.
À l’inquiétude face aux conséquences que le Covid-19 aura sur le monde s’ajoute celle qui me saisit quand je pense aux conséquences de mes semaines seule avec mon TCA.
Mais comme le reste du monde, je suis obligé de rester confinée, attendre que ça passe, rester positive. Et espérer que, comme nous réussirons à combattre le virus, je réussirai moi aussi, à combattre TCA.
Sur Rockie, une psychologue te donne ses conseils pour mieux gérer les troubles du comportement alimentaire en période de confinement.
Courage à toutes et à tous ♥
À lire aussi : Après des années de troubles du comportement alimentaire, j’apprends à m’aimer
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Les Commentaires
D'abord, un grand merci a toutes pour vos jolis mots et vos partages d'experiences qui me rechauffent le coeur en cette periode difficile. J'ai ecrit cet article pour que les autres personnes souffrant de TCA sachent qu'elles ne sont pas seules, et c'est vous qui me faites me sentir moins seule! Trop chou <3
J'aimerai repondre a un commentaire qui a particulierement sucite ma curiosite, celui de @Earl ! Merci beaucoup pour ton commentaire que j'ai trouve tres interessant, et pas du tout maladroit, no worries
Alors en effet, comme le dit @torii , les deux addicitons sont difficilement comparables parce que je ne peux pas 'couper' la nourriture de ma vie, qu'elle est legale et visible partout (ca a failli etre une partie de l'article d'ailleurs). Cependant, tu as tout a fait raison lorsque tu dis qu'il faut d'abord 'maitriser' les crises avant de les arreter completement, et c'est exactement un des pare feux que ma psy a mis en place avec moi avant le confinement! Elle ne m'interdisait pas de faire des crises, mais de les faire sur un 'planning', ou alors une quantite max par la crise. Pour retrouver un minimum de controle sur quelque chose que je ne peux pas controler. Arreter completement, ca sera la derniere etape, mais on ne commence pas par un arret total directement, trop dangeureux.
Ton dernier point sur le fait que ce n'est peut-etre pas le moment de se retenir se tient aussi, et c'est egalement ce que d'autres on pu me dire. Mais comme souleve par @100drillon , selon combien de temps le confinement va durer, ne pas le controler du tout pourrait etre bcp trop long et dangereux... Et surtout, s'installer dans plusieurs semaines de crise rendra encore plus dur d'en sortir une fois le retour a la vie normale...
Mais j'ai mon premier rdv psy visio post confinemenent la semaine prochaine, donc je lui fait confiance pour m'aider a mieux naviguer cette periode difficile!
Encore merci a vous toutes, et bon courage pour le reste de ce confinement! <3