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Actualités mondiales

J’ai avorté en plein confinement

À 19 ans, cette madmoiZelle a dû avorter en plein confinement dû au coronavirus, ce qui a rendu ce moment encore plus anxiogène qu’à l’ordinaire.

Je suis une étudiante en histoire, âgée de 19 ans. J’habite en région parisienne, chez mon compagnon, avec qui je suis depuis deux ans.

Nous sommes au début du mois de mars 2020, la rumeur du coronavirus enfle et prend de plus en plus d’ampleur.

Mon retard de règles pendant la pandémie de coronavirus

Comme tout le monde, au début, je tentais de me rassurer en me persuadant qu’il y avait peu de chance que cela prenne des proportions comme en Chine, que la France était assez loin, géographiquement, pour éviter ce virus.

Je ne suis pas quelqu’un de particulièrement hypocondriaque et il a fallu que les universités ferment pour que je prenne conscience de la gravité de la situation.

En parallèle, il y a cette absence de règles, ce cycle anormalement long.

Après une expérience traumatisante avec un dispositif intra-utérin au cuivre (stérilet de son surnom trompeur), et une ferme opposition à la prise d’hormones, mon copain et moi utilisons la méthode Ogino Knaus ou la méthode du calendrier.

Cela consiste à surveiller la période d’ovulation et ne pas avoir de rapports sexuels sans préservatif durant cette durée fertile. Nous pratiquions cette méthode depuis un an et demi, sans échec.

Si tu veux en savoir plus sur les méthodes de contraceptions « naturelles » — les méthodes de suivi de fécondité, leur efficacité, leurs limites — tu peux lire l’article d’Esther, intitulé La contraception « naturelle » séduit, mais n’est pas sans risque.

À environ cinq jours de retard, je me rends à la pharmacie un lundi matin pour acheter un test de grossesse, qui s’avère négatif. Mon copain et moi sautons de joie, extrêmement soulagés.

Je ne sais toujours pas aujourd’hui si le test était défectueux ou si je l’ai mal fait…

Les tests de grossesses urinaires ont une fiabilité comprise entre 98 et 99%. Ils peuvent donc donner un résultat erroné dans 1 à 2% des cas selon leur marque et leur sensibilité.

Cette différence de sensibilité et donc d’efficacité tient dans leur capacité à détecter le taux d’homornes bêta-HCG (hormone sécrétée lors d’une grossesse).

Certains tests sont capables de détecter les hormones bêta-HCG à partir de 25 UI/litre, ce qui est une très faible quantité.

Pour faire correctement un test de grossesse, il est préférable de :

  • Bien lire la notice d’utilisation du test acheté, et/ou demander directement conseil à l’achat en pharmacie
  • Le faire le matin, avec le premier jet d’urine au réveil
  • Faire pipi dans un récipient et tremper la languette du test dedans plutôt que de faire pipi directement sur le test
  • Bien respecter le temps d’immersion de la languette indiqué sur la notice d’utilisation (environ 10 secondes en général)
  • Bien attendre le délais de résultat inscrit sur la notice d’utilisation (environ 3 à 5 minutes en général)

Une fois l’urine sur la languette et le temps d’attente respecté, plusieurs résultats peuvent apparaître, selon le type de test acheté :

  • Aucun trait ne s’affiche : le test a été mal fait, il faut le refaire
  • Un seul trait s’affiche : le résultat est négatif
  • Deux traits s’affichent : le résultat est positif
  • Un trait est bien net, et l’autre apparait de façon beaucoup moins nette : le résultat est probablement positif
  • Un – : le test est négatif
  • Un + : le test est positif

Il arrive pour les grossesses très précoces que, selon la sensibilité du test, le faible taux de bêta-HCG présent dans l’urine ne soit pas bien détecté et fasse apparaître un deuxième trait très clair, presque inexistant.

Si jamais c’est le cas, il faut impérativement confirmer le résultat par une prise de sang. Elle peut être faite sans ordonnance dans n’importe quel laboratoire d’analyses, le coût sera alors d’environ 18€ sans remboursement.

Ou elle peut être faite avec ordonnance d’un médecin généraliste ou d’un ou une gynécologue, elle sera alors prise en charge par la sécurité sociale.

Un faux négatif peut aussi être envisagé. Si le retard de règles persiste dans la durée, il est souhaitable de refaire un test urinaire ou un test sanguin pour s’assurer du résultat.

Je suis enceinte en plein confinement

Il y a de plus en plus de cas de coronavirus en France. Différents bruits courent sur une potentielle situation sur le modèle italien. Une semaine se passe, mes menstruations sont toujours aux abonnées absentes.

Le lundi 9 mars, j’apprends que je suis enceinte. Je n’ai pas eu à attendre les 3 minutes conseillées pour voir le petit + apparaître sur le test.

Mes mains tremblent, mes jambes faiblissent, j’ai du mal à respirer. J’amène, incrédule, la preuve indéniable de ma grossesse à mon copain.

À lire aussi : Je suis enceinte… je fais quoi ?

Nous étions d’accord sur la décision que nous voulions prendre. Je ne voulais pas mener à terme cette grossesse. Pas à 19 ans. Pas avant d’avoir terminé mes études. Pas sans avoir un salaire stable.

Je n’ai pas eu de réflexion intense, je ne me suis pas imaginée dans 10 ans avec mon enfant, je ne me suis pas fait de films sur un potentiel avenir avec ce bébé.

L’avortement m’apparaissait comme la seule solution envisageable et raisonnable.

Dans la semaine qui a suivi, je passais des examens de mi-semestre à l’université, je rencontrais le personnel soignant du Planning Familial qui allait me prendre en charge et j’effectuais les examens obligatoires : prise de sang et échographie de datation.

J’étais enceinte d’un mois, de quelque chose d’une taille et d’une circonférence semblable à celle d’un petit pois. Mon avortement était prévu le mardi de la semaine suivante, le 17 mars, par voie médicamenteuse.

Jeudi 12 mars, j’allais à l’université comme d’habitude, sans savoir que ce serait mon dernier jour de cours avant un bon moment et que les facultés fermeraient toutes leurs portes à partir de lundi, suite à l’allocution de notre président de la République.

Une certaine angoisse s’emparait progressivement de moi, je craignais des complications pour avorter à cause du coronavirus dont les cas étaient de plus en plus nombreux chaque jour.

Samedi, le lendemain de l’allocution d’Emmanuel Macron, ma sœur m’appelle en me communicant les dernières informations concernant la pandémie : les gens seront bientôt priés de rester chez eux, invités à limiter leurs déplacements.

Ma sœur me conseille expressément de me rendre chez mes parents, habitants dans la campagne de l’Aisne, afin d’éviter de me retrouver près de Paris pour le confinement à venir.

Mon avortement, le coronavirus, ma famille et moi

Ayant mon avortement prévu le mardi, et étant désireuse de rester chez moi pour les durs moments à venir, je ne pouvais pas quitter la région parisienne.

Moi qui ne voulait pas mettre ma famille au courant de ma situation, craignant une non-compréhension et un discours culpabilisant, me voilà mise devant le fait accompli,

obligée de tout leur avouer.

Je ne pensais pas pouvoir trouver un mensonge assez convaincant pour leur justifier la nécessité de ma présence à Paris, aussi leur ai-je tout dit à contre cœur.

Ma sœur et ma mère se sont montrées compréhensives, contrairement à mon père qui a eu un discours plus que culpabilisant, en me qualifiant d’irresponsable.

J’ai ensuite réfléchi à ma potentielle irresponsabilité.

Je pense qu’une attitude irresponsable aurait été de vouloir mener cette grossesse à terme, sans situation.

Cependant, ma famille a respecté mon choix, ils n’ont pas essayé de m’empêcher de faire quoi que ce soit, ils ne m’ont pas fait culpabiliser sur l’acte d’avorter à proprement parler.

Mon avortement pendant le confinement du coronavirus

Le confinement s’est avéré fortement conseillé, pour ne pas dire obligatoire, au début de cette semaine. Des rumeurs circulaient sur une potentielle armée, des amendes si l’ont sortait sans raison légitime.

De mon côté, l’angoisse croissait. J’avais peur de ne pas pouvoir me rendre au Planning pour diverses raisons : transports en commun réduits, barrages de police.

La situation avec ma famille me fatiguait et me stressait en plus de toutes mes questions et appréhensions sur l’avortement.

Mardi matin, jour de l’IVG, ma ville était déserte. On aurait dit une parfaite reproduction d’un film post-apocalyptique. Une cité fantôme.

Au passage, je remercie chaleureusement les chauffeurs de bus et de tramways qui m’ont permis de me rendre au Planning sans encombre.

Nous avons été accueillis, mon compagnon et moi, à notre arrivée au Planning par plusieurs femmes que j’avais déjà rencontrées lors de mon premier rendez-vous.

Pour la plupart féministes et avec de belles valeurs, elles ont su me mettre en confiance, m’expliquer tout le déroulement du processus d’avortement, et répondre à mes questions.

Les mesures d’hygiène et les gestes barrières étaient renforcés, à cause du coronavirus.

La doctoresse qui s’est occupée de moi m’a expliqué les effets des comprimés que j’allais ingérer. Le premier visant à stopper la grossesse, et le deuxième à l’expulser.

J’ai avalé le premier cachet avec elle, dans son bureau. Je suis repartie chez moi, masquée et gantée, me sentant soulagée, libérée d’un poids, persuadée que tout cela serait bientôt terminé.

Comme on me l’avait expliqué, il n’y pas vraiment eu d’effets secondaires physiques à la suite de la prise du premier comprimé, j’ai juste ressenti de légers tiraillements dans le bas-ventre, pas très agréables, mais pas douloureux.

Je devais prendre le second médicament, visant à expulser la grossesse le lendemain, mais sachez qu’il peut se prendre de 24h à 48h à la suite du premier cachet.

Le coronavirus battait toujours son plein, mais j’étais heureuse d’avoir pu me rendre à mon rendez-vous pour avorter sans encombre.

Le lendemain, j’avale des anti-douleurs réputés puissants une demi-heure avant d’ingurgiter les comprimés abortifs. Les premières douleurs se firent ressentir au bout d’une heure.

Je disais à mon compagnon, presque victorieuse que « ça allait », que « je m’attendais à pire ». J’avais manifestement parlé trop vite.

Des douleurs atroces se déclenchèrent. Des contractions à hurler, à se rouler par terre.

Je n’avais jamais ressenti quelque chose de semblable, et je ne pense pas être particulièrement douillette puisque j’ai été habituée à des règles horribles quand j’étais sous stérilet en cuivre.

Même la bouillotte et les mots doux de mon amoureux ne m’apaisaient pas. J’expulsais des caillots de sangs, je devais changer de serviette hygiénique toutes les heures.

Je me suis dit que je devais avoir un mauvais karma car les dames du Planning me disaient que les douleurs de l’avortement dépendaient beaucoup des femmes : certaines ne sentaient rien, et d’autres souffraient le martyr.

Je voulais que tout s’arrête, les anti-douleurs ne me soulageaient pas. J’avais la tête qui tournait et les oreilles bourdonnantes quand je mettais un pied à terre pour aller aux toilettes.

J’ai été à deux doigts du malaise vagal, de perdre connaissance plusieurs fois. Et puis ça a fini par diminuer progressivement puis s’arrêter complètement.

Ce que je retiens de mon avortement en confinement

Je conclue et retiens plusieurs choses de cette expérience.

Tout d’abord, il n’y a jamais de « bon moment » pour une IVG, mais apprendre la nouvelle de cette grossesse en parallèle de l’évolution du coronavirus et avorter en plein confinement a été particulièrement anxiogène.

Cependant, je pense sincèrement avoir bien vécu mon avortement. Psychologiquement du moins. Je ne regrette pas cet acte, je sais que j’ai agis dans mon intérêt, dans l’intérêt de mon couple.

Il vaut mieux que cet œuf n’ait jamais vu le jour, n’ait jamais été considéré comme un enfant. Je ne ressens aucune culpabilité.

Néanmoins, physiquement cet avortement a été plus qu’éprouvant.

Je ne pense pas pour autant modifier ou repenser ma méthode de contraception. En effet, si on enlève les dispositifs intra-utérins et les contraceptifs à base d’hormones, il ne reste plus beaucoup d’alternatives au préservatif.

Mais nous sommes en train de nous renseigner, avec mon compagnon sur les moyens de contraception dits « masculins » ou externes.

À lire aussi : « Choisir sa contraception », un site indispensable

J’éprouve énormément de gratitude envers mon compagnon, bien sûr, qui m’a soutenu sans relâche tout au long de cette période.

Également envers ma famille qui, bien qu’absente corporellement, m’a elle aussi soutenue en m’appelant régulièrement et en prenant de mes nouvelles.

Je pense aussi ici à mes amis. Je tiens à remercier tout particulièrement les merveilleuses femmes qui se sont occupées de moi au Planning familial.

Tant de compétence, de bienveillance et d’empathie m’ont beaucoup émue et m’ont permis de mieux supporter cet avortement.

Pour finir, je suis reconnaissante envers mes ancêtres féministes qui se sont battues pour le droit à la contraception, à l’avortement, pour le droit aux femmes de disposer de leur corps comme elles le veulent.

Je suis consciente de ma chance de vivre en France, pays où l’avortement est légal et se pratique dans des conditions sanitaires correctes avec un personnel soignant compétent.

Je pense que cette expérience a encore plus renforcé mes convictions et mes valeurs féministes. Nous, femmes, nous avons le droit de jouir de notre corps comme bon nous semble, et ce à tous les niveaux.

Nous ne sommes pas irresponsables, nous n’avons pas à rougir d’avoir une sexualité et d’être épanouies dedans. Nous sommes fortes.

Pour finir, je souhaite courage et soutien à toutes les personnes qui vivront cette expérience un jour. Prenez soin de vous en cette période de coronavirus et de confinement.

Prenez soin de vous et de vos proches. J’envoie beaucoup d’amour à toutes les personnes qui prendront le temps de lire ce texte.

Si tu t’inquiètes pour ta contraception ou une potentielle IVG pendant le confinement, tu peux consulter l’article de Faustine : Comment gérer ta contraception (ou une IVG) pendant le confinement.

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Les Commentaires

8
Avatar de Sadala
9 avril 2020 à 20h04
Sadala
Et bien il fallait s'y attendre. Déjà en temps normal il semble que les trolls anti-avortement n'ont que ça à faire de se mêler de l'utérus des autres... mais alors en plein confinement ils s'ennuient les pauvres...
2
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