Article initialement publié le 16 décembre 2013
En Irlande, il faut conduire à gauche : le cauchemar de tout-e bon-ne Français-e qui se respecte. Ou, tout au moins, de toute jeune fille au pair fraîchement arrivée dans un pays ayant subi l’influence britannique, et ayant l’incommensurable chance d’avoir une voiture à disposition. Sauf que voilà : l’indépendance, ça se mérite.
L’angoisse commence lorsque, attendant ma valise, mes pensées vagabondent et mon regard, qui doit avoir quelque chose de distinctement bovin sur le moment, s’arrête sur une valise en métal. Une petite valise, ancrée au socle surmontant le tapis roulant (sur lequel tout le monde a déjà rêvé de surfer, ne mentez pas), décorée de trois bandes verticales aux couleurs de l’Irlande qui représentent une voie à gauche, une voie à droite et… un truc blanc, au milieu, pour le fun.
Il y a des flèches, des petites voitures de dessinées, et un petit « Always drive on the left » (« Conduisez toujours à gauche ») sur le côté. Pour mettre la pression, mais pas trop quand même. Ils sont gentils les Irlandais, hein ? Avec quand même une petite traduction en français et en allemand : on ne voudrait pas que ces sauvages envahissent les routes dans tous les sens, au cas où ils souffriraient d’une myopie sévère et ne capteraient pas qu’un truc cloche un peu, la première fois qu’ils s’aventurent sur le bitume local.
Conduire en Irlande, c’est dur ? Bah, si ce n’est les premiers jours où tu fais face à des situations assez gênantes, comme faire rentrer les enfants à l’arrière de la voiture, puis monter à l’avant et te retrouver face à… un tableau de bord bien lisse, sous le regard discrètement moqueur de l’aîné, ce n’est pas si terrible (oui, c’est facile de dire ça après 3 mois).
Le fait est que les Irlandais semblent avoir une notion très abstraite du concept de code de la route, que ce soit en matière de feu rouge, de stationnement, de priorités, de limitations de vitesse… Du coup, quand tu n’as jamais conduit à gauche de ta vie, tu te fonds assez facilement dans la masse, pour peu que tu saches manier le volant et les appels de phares.
Il faut juste savoir que dans une rue d’approximativement 3,20m de large, un Irlandais va réussir à garer sa voiture sur un côté. Sans mordre le trottoir. Dans une rue à double sens. DEVANT UNE ÉCOLE MATERNELLE, À 8H30 DU MATIN (et des fois, ils alternent : une voiture à gauche, une à droite… un vrai bonheur).
Ensuite, ce même Irlandais va remonter dans sa voiture, te passer devant parce que tu as calé, ta pauvre Mitsubishi ayant autant de mal que toi le matin, se diriger vers le feu, et ne pas passer au orange mais au rouge. Dans l’intervalle de temps de quelques micro-secondes avant que le feu inverse ne passe au vert. Ils sont fous ces Irlandais.
Il va démarrer en trombe, pour s’arrêter dix mètres plus loin, et laisser sortir d’une rue transversale une autre voiture qui n’avait absolument pas la priorité, et avait tout le temps d’attendre. L’Irlandais est poli. Imprévisible, mais poli. Ou alors, il aime bien faire des appels de phares, et donc n’importe quelle excuse est bonne pour en faire. Un mystère de plus à éclaircir.
Un autre aspect de conduire en Irlande est le taux d’alcoolémie autorisé au volant
. Il est tellement peu clair qu’il s’apparente à une légende urbaine, c’est le sujet de discussion favori des étrangers ici — surtout, soyons honnêtes, pour pouvoir organiser son retour de soirée. La rumeur est qu’il est de zéro, ce qui, selon certains, est physiquement impossible, ce qui fait le bonheur des taxis, mais selon le site de la RSA (Road Safety Authority), la réalité est un peu différente.
Il y a trois taux : 0,8 mg d’alcool par litre de sang, 0,5 mg et 0,2 mg, correspondant à différentes catégories de conducteurs. Le comté du Kerry a même récemment voulu l’augmenter à 1 mg par litre de sang, pour sociabiliser les autochtones paraît-il.
De toute manière, il est déjà difficile de conduire à l’inverse de ce qu’on a appris, sans en plus altérer volontairement ses capacités. Non, vraiment. T’es bourré, tu prends un taxi. Ou un pousse-pousse (à ranger dans la même liste que surfer sur un tapis à bagages, ça). Mais pas ta voiture. Pour le bien de toi, tes amis, et de la société en général.
Non, je ne parlerai pas des nids-de-poule, le traumatisme est encore trop vif.
En résumé, conduire en Irlande est un joyeux bordel, mais on s’habitue. Les chances de se prendre une voiture en face sont relativement minces, et on récolte plus de griffures en roulant trop à gauche que le contraire.
On rentre des premières excursions avec des crampes à force d’être ramassé comme une retraitée de 90 ans sur son volant (ou un adolescent de dix-sept ans terrorisé par son moniteur d’auto-école, au choix), on a mal à l’épaule gauche à force de passer des vitesses d’une manière bizarre, on a un torticolis à force de tourner trop rapidement la tête parce qu’on n’a pas regardé du bon côté avant de s’engager, on se fait des petites frayeurs avec les rues à sens unique, et celles qui ne le sont pas, et au final, avant de s’engager pour la première fois sur une autoroute, on finit par adopter une phrase longtemps honnie, symbole de ces adolescents qui nous ont succédé: « YOLO ! » (je ne parlerai pas de doubler une autre voiture : c’est un processus tout autre, que je n’ai pas encore osé tester après trois mois, faut pas pousser non plus, eh ho).
Ce qu’il faut se dire, c’est qu’une fois qu’on a compris qu’il faut tout inverser, et toujours avoir les voitures qui arrivent en face de son côté, les choses s’enclenchent toutes seules. À peu près.
Vous aimez nos articles ? Vous adorerez nos newsletters ! Abonnez-vous gratuitement sur cette page.
Les Commentaires
@Lou-Anne HA LA POUSSETTE. Je ne sais même pas comment j'ai pu oublier de la mettre dans l'article, j'ai déjà du m'arrêter le temps que la dame daigne monter sur le trottoir, pas du tout perturbée par les voitures roulant à 60km/h dans l'autre sens, et donc pouvant potentiellement avoir la même chose roulant derrière elle.
@Aunbrey J'ai parfois l'impression que la confusion est plus grande quand tu ne conduis pas, car tu n'es pas concentrée sur la route, et tu n'as pas besoin d'y faire tout le temps attention, du coup quand tu remets les yeux sur la route, ou pour traverser, ça fait bizarre ! Enfin c'est ce que j'ai pu observer auprès de mes amies qui n'ont pas de voiture sur place, en tout cas.