Mise à jour du 18 avril par Lucie Kosmala
C’est un nouveau combat pour la tolérance qu’entreprend Conchita Wurst, la chanteuse drag queen de 29 ans dont la performance avait créé une polémique en 2014 : elle représentait l’Autriche à l’Eurovision.
Si sa participation à ce concours très médiatisé avait à l’époque permis de lancer un message massif d’acceptation de la communauté LGBT, aujourd’hui, c’est au sujet de la santé qu’elle veut sensibiliser le monde entier et en appeler à cesser de stigmatiser les porteurs du VIH.
Pour échapper à la pression d’un ex petit ami qui la menaçait de faire la révélation à sa place, Conchita Wurst a posté une photo sur Instagram expliquant qu’elle est séropositive :
Le jour est venu pour moi de me libérer d’une épée de Damoclès. Depuis plusieurs années, je suis séropositive. […]
Ça n’avait aucune importance jusqu’à ce qu’un ex petit ami menace de révéler cette information privée, et je ne laisserai à personne le droit de me faire peur et d’influencer ma vie. […]
Cette information ne concerne que mes partenaires sexuels, mais faire son coming out est mieux que d’être outé. […]
J’espère donner du courage à celles et ceux qui font face à la discrimination. […]
Ma séropositivité est sans doute une nouveauté pour vous, mais elle n’est pas nouvelle pour moi. Je suis en bonne santé, plus forte, plus motivée, et libérée. Merci pour votre soutien.
Son courage et son assurance ne sont pas sans rappeler la lettre écrite par Lucie, jeune femme séropositive qui avait témoigné avec beaucoup de sensibilité sur le site Konbini.
Publié le 6 mai 2014
Voilà, on y est, l’Eurovision 2014 commence ce soir, et la grande finale aura lieu ce samedi 10 mai. Je vous dirais bien de préparer les popcorns, mais vous les avez peut-être déjà sortis si vous avez suivi la polémique actuelle, qui a pour nom de code « Conchita Wurst ».
Conchita Wurst, c’est le nom de la candidate qui représentera l’Autriche cette année, avec la chanson Rise Like a Phoenix, dont voici le clip :
Oui, Conchita Wurst a la pilosité développée, mais non, contrairement à ce qu’on a tendance à lire un peu partout, il ne s’agit pas d’une personne transgenre. Thomas Neuwirth a.k.a. Conchita est un chanteur travesti autrichien. Tom dans la vie privée, et Conchita Wurst sur scène, il se travestit pour protester contre l’homophobie.
« Tout le monde devrait pouvoir vivre sa vie comme il l’entend »
Sur son site, Tom Neuwirth se décrit comme ayant deux identités, « deux coeurs battant dans ma poitrine », deux personnalités qui travaillent ensemble. Conchita Wurst prend des allures de personnage créé dans un but bien précis : réagir contre la discrimination dont Tom a souffert pendant son adolescence.
C’est en réponse à l’homophobie dont il a été victime qu’il monte sur scène en tant que Conchita Wurst, et lance des appels à la tolérance. « Tout le monde devrait pouvoir vivre sa vie comme il l’entend », écrit-il, « tant que cela ne blesse ni n’empêche quelqu’un d’autre de mener son propre style de vie ».
Conchita Wurst n’est pas née pour l’Eurovision 2014
: déjà, en 2006, Thomas participait à l’émission autrichienne Starmania et termine deuxième, puis en 2011, sous les traits de Conchita, à ORF, une autre émission dont le but est de choisir celui ou celle qui représentera le pays à l’Eurovision 2012.
S’il termine deuxième en finale, il est retenu deux ans plus tard, alors qu’il n’a que 25 ans, en sélection interne : c’est décidé, Conchita Wurst représentera l’Autriche à l’Eurovision 2014 avec la chanson Rise Like a Phoenix. Le succès est-il assuré pour autant ? Non, car un gros groupe de conservateurs homophobes résiste encore et toujours à l’envahisseur…
« Boycottons l’Eurovision » et autres réactions négatives
Le plus simple serait de se dire que Tom/Conchita a été sélectionné pour une bonne raison et que cette décision signifie que de très nombreuses personnes le soutiennent. Mais rien n’est simple quand on écoute les « conservateurs » du gouvernement autrichien.
L’extrême-droite s’est en effet montrée très opposée à voir « la femme à barbe » monter sur les planches de l’Eurovision à Copenhague, et les réactions ont été plus que virulentes. Dès septembre 2013, au moment de la sélection, certains ont créé une page Facebook pour protester contre la nomination de Tom et demander un nouveau vote démocratique. Sans homophobie aucune, évidemment : les 38 000 personnes qui ont « aimé » cette page protestent simplement contre la manière d’élire le candidat sans demander l’avis des téléspectateurs. Mais c’est bien sûr…
L’affaire retentit jusqu’en Biélorussie, où une pétition est rapidement adressée au ministère de l’information, exigeant le boycott de l’Eurovision 2014, le retrait des artistes sélectionnés au concours international et l’interdiction de sa diffusion à la télé nationale.
En Russie, un certain Vitaly Milonov se saisit de la polémique. Il s’agit d’un politique connu pour son intolérance flagrante à l’égard des questions de genre et de sexualité, et à qui on doit la loi criminalisant la « propagande homosexuelle ». Il a adressé une lettre ouverte au comité de sélection de l’Eurovision, et a tenu des propos très virulents à l’égard de Tom/Conchita :
« Ne serait-ce que diffuser cette compétition en Russie pourrait insulter des millions de Russes. La participation de Conchita Wurst, qui est indéniablement travestie et hermaphrodite, sur la même scène que des chanteuses russes en direct à la télévision est une propagande flagrante de l’homosexualité et un déclin spirituel. »
Que faire de la polémique Conchita Wurst ?
Malgré tout, Tom/Conchita va de l’avant, soutenu notamment par des associations homosexuelles qui approuvent son message de tolérance, et sa revendication à ne pas être jugé sur son apparence. C’est sûr qu’entre ça et les pétitions russes qui luttent avec acharnement contre ce « berceau de la sodomie à l’initiative des libéraux européens » qu’est devenue l’Eurovision, il y a un gouffre.
Mais le message de Thomas Neuwirth passe-t-il correctement pour autant ? Comme je le mentionnais au début de cet article, la plupart des médias relaient l’idée fausse selon laquelle il est un artiste trans. Bien sûr, la tolérance qu’il revendique doit s’appliquer également aux personnes trans, mais cette confusion montre que la transidentité est encore grandement méconnue, et traitée de façon erronée par les médias et la société en général.
Il faut dire qu’on le compare beaucoup à Dana International, une artiste trans qui a gagné l’Eurovision 1998 en représentant Israël.
Un mauvais traitement de l’information de la part de quelques journaux n’est cependant pas du ressort de Tom/Conchita… Et dans tous les cas, il n’y a dans cette affaire rien qui ne justifie les réactions intolérantes et intolérables des conservateurs qui partent en guerre contre les Sodomites de l’Eurovision.
Conchita Wurst viendra comme elle est, Tom délivrera son message, et ce sera une bonne chose.
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