Après les incendies qui parcourent le monde, un autre brasier a jailli de l’actualité au plein cœur de l’été. Impossible de passer à côté de ces images en provenance de l’aéroport de Kaboul où la population afghane tente de fuir par tous les moyens, depuis dimanche 15 août au moins, la ville tombée aux mains des talibans, une formation politique armée, nationaliste et islamiste qui se fait également appeler Émirat islamique d’Afghanistan.
Si l’arrivée des talibans dans la capitale a surpris le monde par sa rapidité, sa probabilité, elle, n’est plus une surprise depuis plusieurs mois. Voici donc notre sélection de ressources pour comprendre pourquoi cette prise de pouvoir était inévitable selon certains, et quelles sont ses répercussions sur le peuple afghan.
Un podcast pour comprendre le rôle des États-Unis dans la situation afghane
Dans le podcast L’Heure du Monde, les journalistes du quotidien éponyme qui couvrent l’actualité sont invités à revenir sur un sujet marquant qu’ils ont couvert, dévoilant les coulisses de leur reportage ou offrant des pistes de réflexion qu’ils n’ont pu glisser dans leurs écrits.
Mis en ligne le 15 juin 2021 et ré-édité ce lundi 16 août, l’épisode consacré à la situation afghane est des plus déroutants… par son aspect prémonitoire.
Intitulé à l’époque de sa sortie Les talibans peuvent-ils reprendre le pouvoir en Afghanistan ?, le podcast donne la parole au correspondant du Monde Jacques Follorou. Le journaliste revient sur l’effet papillon engendré par la décision des États-Unis de rapatrier les troupes militaires américaines, prise en février 2020 et mise en place depuis mai 2021.
Depuis 2001, en effet, les forces états-uniennes sont présentes sur le sol afghan suite aux attentats du 11 septembre. Une offensive américaine officiellement censée chasser les talibans, soutien d’al-Qaïda, et permettre la mise en place d’un gouvernement démocratique stable.
En 2020, sous le président Trump, les talibans sont pourtant invités à la table des négociations pour préparer une transition lors de la signature du traité de Doha. En avril 2021, Joe Biden confirme à son tour le retrait des troupes américaines.
Le journaliste résume :
« Il y a un agenda américain extrêmement “court terme“, qui ne correspond pas avec… finalement, la réalité de ce qu’est reconstruire un pays dans une des régions du monde les plus complexes. »
Un documentaire ARTE sur l’histoire de l’Afghanistan
Aucune nation ne peut être sujette à l’essentialisation. L’Afghanistan ne fait pas exception — son histoire est riche, complexe et nuancée. Sanglante, aussi : avant l’intervention de l’armée américaine, ce fut la guerre, avant cela ce fut l’occupation par les forces soviétiques, et encore avant… ARTE évoque « un pays aussi beau que maudit ».
La chaîne franco-allemande nous invite à (re)visionner une série documentaire en quatre volets qui portent chacun sur une période politique du pays : le temps de la monarchie, l’occupation soviétique lors de la Guerre froide pour maintenir le gouvernement communiste, l’émergence et le conflit avec les talibans, puis enfin l’intervention de l’OTAN et des États-Unis.
ARTE donne la parole à des activistes afghans qui racontent leur point de vue sur l’histoire de leur pays, un retour en arrière nécessaire et poignant pour comprendre comment l’Afghanistan a été pris entre les feux de plusieurs puissances coloniales et dirigé pendant cinq ans, de 1996 à 2001, par les talibans.
Un long reportage de l’AFP sur le sort des Afghanes
Pendant cinq ans donc, les citoyens afghans ont vécu sous le régime de l’Émirat islamique d’Afghanistan et craignent à présent que ses exactions ne redeviennent d’actualité.
Sur Twitter et dans les médias, la formation politique talibane a bien tenté de rassurer la population sur l’avenir du pays, et notamment sur la question des mariages forcés des jeunes filles — « qui ne seraient pas dans leur projet », ont-ils assuré.
Mais dans Ces femmes qui ont tant à tout perdre en Afghanistan, passionnant sujet long format agrémenté de magnifiques photographes, Anne Chaon, rédactrice en cheffe à l’AFP, rétablit la vérité :
« Certains experts et observateurs veulent croire que les talibans ont changé. Mais les témoignages qui parviennent des districts tombés entre leurs mains contredisent déjà cet optimisme : les femmes, forcément bâchées sous la burqa, sont aussitôt interdites de sorties non accompagnées, sans marham, le terme pour désigner un homme de la famille qui fait office de chaperon ; les écoles de filles sont généralement fermées — ou réduites à quelques classes pour les moins de 12 ans. »
Dans cet article-carnet de bord, la journaliste revient sur son séjour à Kaboul au début de l’été organisé dans le but de « faire le portrait des femmes qui avaient tout conquis par la force de leur combat, et tout à perdre d’un éventuel retour des talibans au pouvoir ».
Le témoignage de la journaliste sur les conditions de ce reportage nous permet de mesurer l’impact sur la vie des femmes de la prise de pouvoir des talibans. Ainsi, elle évoque Rada, une Afghane « forte personnalité, forte tête même ». Et pourtant…
« […] son hésitation à mon premier appel m’a prise de court. Elle m’a d’abord demandé de continuer via la messagerie cryptée Signal. Puis il a fallu cinq heures de discussion en tête à tête et l’intervention d’amies communes pour la convaincre de parler devant notre caméra. Rada avait peur. »
Activistes, journalistes : le papier se lit tantôt comme un portrait, tantôt comme un hommage posthume, car des féminicides ont déjà eu lieu.
Un article sur les Afghans et Afghanes qui ont aidé la France
Le sort des Afghans et Afghanes travaillant pour le compte de l’État français, généralement en tant qu’interprètes ou en cuisine, est également préoccupant.
Ils étaient, avant l’entrée des forces talibanes à Kaboul, encore une centaine à attendre leur un visa, d’après Afghanistan: les ex-interprètes des armées étrangères plongés dans l’inquiétude, un focus de RFI sur la situation instable dans laquelle vivent ces personnes. Sonia Ghezali, correspondante à Kaboul, y donne notamment la parole au frère d’un interprète de l’armée américaine égorgé en mai 2021.
Toutes ces ressources ont un sujet différent, mais deux point communs : le souvenir de celles et ceux qui ont déjà perdu la vie sous le régime taliban, et le désespoir des vivants.
À lire aussi : Quelles associations soutenir pour aider les femmes en Afghanistan ?
Crédit photo : ARTE — Afghanistan : retour à la case départ
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Les Commentaires
Ne t'inquiète pas, ton post est clair et pertinent. Tu fais bien la distinction entre le drame humain qui se joue en Afghanistan, et tes inquiétudes pour les droits des femmes en occident à moyen/long terme.
Sur ce 2ème point, je pense que tu vas peut-être un peu loin dans ton raisonnement (parité militaire etc...), mais je suis d'accord sur le fait qu'il y a un risque réel de recul des droits de femmes en occident.
La crise sanitaire déclenchera tôt ou tard une récession économique profonde. Et on sait malheureusement que les droits des femmes sont fortement corrélés avec la situation économique d'un pays (puisque promus principalement par la dépense publique).
Moins de budget pour l'état = moins d'actions en faveur des droits de femmes = risque de perdre certains acquis sur le long terme.