— Image d’illustration par Denis Bocquet.
Je peux dire exactement à quel moment j’ai accepté mon corps, presque à la minute près.
C’était en première année d’université, au printemps, dans le bureau d’une chirurgienne esthétique.
Une poitrine pesante
Adolescente, j’étais mal dans ma peau, comme beaucoup. Mes seins en particulier me posaient problème : ils ont poussé très vite à une taille conséquente.
Puis à 17 ans, j’ai commencé à prendre la pilule et ma poitrine a pris encore plus de volume. Elle est vite devenue lourde et tombante.
J’avais l’impression que mes seins étaient la seule chose que les gens voyaient lorsqu’ils me regardaient.
Avec mes grands bonnets et mon petit tour de taille, trouver des soutiens-gorge dans les magasins de lingerie est devenu un chemin de croix.
Surtout, j’avais l’impression que mes seins étaient la seule chose que les gens voyaient lorsqu’ils me regardaient. C’était vraiment in your face.
Mon copain de l’époque et ma famille me disaient que j’étais tout à fait normale ; que certes mes seins étaient un peu au-dessus de la moyenne, mais qu’ils n’avaient rien de choquant.
Ces paroles ne rentraient pas dans ma tête. Après tout, elles étaient dites par des gens qui se souciaient de moi et étaient censés dire ce genre de choses pour me rassurer.
Ma poitrine restait à mes yeux anormale et je ne me sentais pas bien du tout.
Vers une réduction mammaire
Voyant ce grand malaise, ma mère a mentionné plusieurs fois la possibilité de me faire opérer, une réduction mammaire.
Pendant longtemps, cette idée m’a paru incongrue.
J’avais conscience d’être une jeune femme mal dans ma peau, comme beaucoup d’autres dans le monde, mais je me disais que ça passerait quand je grandirai.
L’idée de passer sous le bistouri pour des questions esthétiques plus que médicales, pour me sentir mieux dans mon corps, me mettait tout autant mal à l’aise.
Surtout qu’après des recherches sur Internet, j’ai appris que les réductions mammaires peuvent laisser des cicatrices importantes sur les seins.
L’idée de la chirurgie a fait son petit bonhomme de chemin dans ma tête.
J’avais conscience que ces marques me mettraient probablement tout aussi mal à l’aise que l’état actuel de ma poitrine.
J’ai continué à vivre avec ce malaise pendant ma première année d’université. Loin de ce que j’avais pensé, cela ne passait pas.
L’idée de la chirurgie a donc fait son petit bonhomme de chemin dans ma tête. Un jour où je me sentais particulièrement mal dans mon corps, j’ai accepté l’idée.
La chirurgienne et le déclic
J’ai pris un rendez-vous avec une chirurgienne. Ma mère est venue avec moi dans la salle d’examen.
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Je ne me souviens pas du visage de la chirurgienne, juste qu’elle était bienveillante.
Elle m’a posé quelques questions sur mes motivations pour me faire opérer. Puis elle m’a demandé d’enlever mon haut et mon soutien-gorge pour m’examiner.
Je me suis sentie très vulnérable d’être ainsi exposée dans cette salle d’examen froide, devant cette personne que je venais de rencontrer deux minutes plus tôt, ainsi que ma mère qui ne m’avait pas vue nue depuis des années.
La chirurgienne m’a examinée assez vite et a dit quelque chose se rapprochant de :
« Tes seins sont généreux mais tout à fait normaux. Tout comme ta silhouette. »
Et c’est là. C’est à ce moment précis que le déclic s’est fait.
Une illumination salvatrice
Cette femme ne me connaissait ni d’Eve ni d’Adam, et elle n’avait rien à gagner ou l’obligation de me dire que mon corps était normal ou beau ou quoi que ce soit.
Au contraire, elle y aurait plus gagné si elle m’avait opérée. Face à ces mots complètement spontanés et libres, je crois que j’ai dû me rendre à l’évidence.
Ses paroles ont causé comme une illumination dans ma tête. Tout d’un coup, j’ai accepté mon corps.
J’étais normale. Mon corps était objectivement normal.
Je me suis mise à pleurer, comme ça.
Je n’ai pas su pourquoi sur le coup, j’éprouvais juste le besoin de laisser sortir toutes ces émotions, le rejet de mon corps pendant toutes ces années, les complexes envahissants et destructeurs.
Tout est sorti d’un coup avec mes larmes. Là, sur cette table de consultation dans une salle d’examen d’hôpital au ton verdâtre.
Je n’avais pas l’habitude d’exprimer mes émotions comme ça, surtout des sentiments si profonds et refoulés pendant si longtemps.
Ma mère était assez confuse et je pense embarrassée de sa fille de 20 ans qui pleurait comme une enfant, sans raisons apparentes, devant la chirurgienne.
Elle m’a demandé ce qu’il se passait. Je n’ai pas su quoi lui répondre. Mes pensées et émotions étaient trop bouillonnantes, trop emmêlées.
Je ne pouvais que pleurer et étais sur le moment incapable de mettre des mots sur ce qu’il se passait.
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On est sorties de l’hôpital boire un café, j’avais encore quelques larmes qui coulaient et ma mère désemparée continuait à me demander : « Mais pourquoi tu pleures ? ».
Il m’a fallu quelques heures, jours, voire semaines afin de vraiment comprendre le déclic.
J’étais toujours incapable de lui expliquer. D’ailleurs je pense qu’il m’a fallu quelques heures, jours, voire semaines afin de vraiment comprendre le déclic, la soudaine acceptation de mon corps qui m’avait envahie à ce moment-là.
Un blocage dépassé
Nous n’en n’avons pas reparlé depuis. Et aujourd’hui, cinq ans plus tard, je suis capable de mettre des mots dessus.
Ces paroles extérieures, crédibles, d’une figure d’autorité et de connaissance médicale, ont déconstruit tous mes complexes, m’ont comme enlevé le poids de ce complexe des épaules.
Je voudrais remercier la chirurgienne pour m’avoir permis de dépasser ce blocage dans ma tête, ce malaise par rapport à mon corps, même si elle n’en a pas conscience ou n’a probablement pas non plus compris ce qu’elle avait fait pour moi.
Depuis, j’ai appris à aller plus loin que l’acceptation pour même l’apprécier. L’arrêt de la pilule a aussi aidé, puisque ça a un peu fait dégonfler mes seins.
Tout autant que de découvrir la pole dance et toutes les choses géniales que mon corps pouvait faire avec un peu d’entrainement.
Aujourd’hui, je suis complètement réconciliée avec mon corps.
Bien sûr, il y a des jours où je me trouve moche, comme tout le monde.
Où je ne peux pas mettre certaines robes ou tops parce que ne pas porter de soutien-gorge n’est pas une option pour moi.
Mais au final, je sais que ces moments ne sont que passagers et que, dans le fond, mon corps, je l’aime comme il est.
Comme ils diraient en anglais, I’ve got 99 problems but my chest ain’t one.
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