An de grâce 2011, résumons la situation : les médias ne présentent plus, à longueur de pages et d’écrans, que des femmes longilignes, jeunes, fraîches et de préférence blanches. Les stars qui oublient de se raser les jambes sur le tapis rouge, ou qui ont le malheur de vieillir, se font humilier publiquement à longueur de magazines people. Sans parler de la horde d’internautes qui trouvent normal de juger une femme à un bourrelet qui dépasse, et qui entretiennent la honte à coups de lolpics. Conséquence : les petites jeunes filles qui grandissent sont terrorisées dès qu’un truc pousse de travers, or la nature pousse extrêmement rarement droit. Bienvenue au bal des complexes.
Dans les années 60 il a fallu être mince et c’était parti pour les régimes. On n’en est toujours pas remises. Années 80 : le poil commence à sérieusement se ratiboiser chez Playboy, mais pour les garçons, on passe aux implants capillaires. Avec la mode des mannequins-stars, la beauté devient une carrière carrément lucrative. Années 90 : boom des techniques anti-vieillissement afin d’être désirables à tout jamais (pourquoi pas, hein, mais ne pouvait-on vraiment pas être désirables en gardant quelques rides ?). Lolo Ferrari passe à la télé et un paquet d’autres lui emboîtent le bonnet.
Dans les années 00, on commence à se préoccuper de zones franchement chelou. Le porno conduit au développement de la chirurgie de la vulve. Des gens décident de se mettre du Botox dans des endroits bizarres comme les pieds. Des Chinoises se font allonger les jambes pendant que des Américaines se font extenser les cheveux en blond fluo. Vous savez qu’on peut se faire blanchir l’anus ? Bah on peut.
En 2009, rien qu’aux Etats-Unis, on compte dix millions d’actes cosmétiques. Deux millions et demi pour les injonctions de Botox, un million trois cents mille pour l’acide hyaluronique, presque autant d’épilations au laser, 300 000 augmentations mammaires, presque autant de liposuccions…
En 2011 on a donc la possibilité incroyable d’être complexées par notre âge, même quand on a 14 ans, par notre nez, par notre bouche, par nos cheveux qui ne sont jamais assez lisses, assez bouclés, et toujours trop pelliculés, on ne sera jamais assez épilées, assez minces, assez fermes… et même si on avait tout ça ET une vulve de pornstar, on passerait sans doute pour une conformiste (« mouais, elle est banale, quoi »). Paaarfait.
Alors quelle est l’étape suivante ? Les aisselles, mes amies. C’est vrai qu’on les avait oubliées sous prétexte qu’on ne passe pas notre temps à lever les bras, et aussi parce qu’il fait -12. Heureusement, Dove lance aux States un produit miracle, le Ultimate Go Sleeveless (« va sans manches ma fille »), pour nous hydrater tout en nous déodorisant. Et hop, en cinq jours, on a de nouvelles aisselles incroyablement mieux qu’avant. La pub ici.
Pour marquer le coup, la marque a mandaté son propre sondage qui annonce que 93% des Américaines trouvent leurs aisselles moches (passons sur l’absurde : qu’est-ce qu’une belle aisselle ? Est-ce qu’une aisselle hydratée est une plus belle aisselle ?) – c’est-à-dire que si tu trouves tes aisselles belles, ou normales, ou juste que tu t’en fous pas mal, on te met dans une extrême minorité. Genre, c’est toi qui es anormale. C’est toi qui as un problème si tu n’as pas de problème avec tes aisselles.
Créer un nouveau complexe parce qu’on veut vendre un nouveau produit, désolée, je trouve ça grave. C’est exactement comme balancer des produits chimiques dans la rivière en douce : cette fois, on pollue les cerveaux. Qui n’ont pas besoin de ça.
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Les Commentaires
Les épiler, non merci...
Poilues...Bof...
Rasées ? C'est ce que je fais mais du coup j'ai pleins de boutons...
Et c'est bizarre mais ma peau est beaucoup plus foncée sous mes aisselles donc même quand j'ai pas de poils on voit une tache noire...
Enfin voila, moi j'ai le complexe des aisselles, ce qui ne m'empêche pas de vivre !