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Source : Fabian Montaño / Canva
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« Comparé à ce que subissent des milliers de femmes, je me trouve loin d’être courageux » : ils ont fait une vasectomie et témoignent

Longtemps délaissée, la vasectomie séduit de plus en plus d’hommes, comme le révèle la récente enquête Epi-Phare. Pourquoi choisissent-ils cette méthode de contraception ? Quelles sont les conséquences sur leur vie de couple et sexuelle ? Trois hommes ayant opté pour la vasectomie ont accepté de témoigner. 

Que s’est-il passé en 2023 ? Longtemps boudée par les hommes, qui lui préféraient le préservatif ou laissaient le soin à leur compagne de se charger de la contraception du couple, la vasectomie a connu un regain d’intérêt l’an dernier. 

Cette méthode de contraception définitive, qui consiste à bloquer les spermatozoïdes via une ligature des canaux leur permettant de migrer depuis les testicules, a été plébiscitée en 2023 par 31 000 hommes, rapporte l’enquête Epi-Phare menée par l’Assurance-maladie et l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) publiée le 12 février dernier. C’est quinze fois plus qu’en 2010.

Mais la vasectomie, autorisée en France depuis 2001, reste encore très marginale en France, surtout comparée à d’autres pays européens, comme l’Angleterre et les Pays-Bas. Selon l’enquête Epi-Phare pourtant, cette tendance de recours à la vasectomie devrait s’amplifier dans les années à venir. Pourquoi les hommes, autrefois si frileux à franchir le pas, optent-ils désormais pour cette méthode de contraception irréversible ?

À lire aussi : 14 hommes parlent de contraception masculine

Une démarche mûrement réfléchie

Pour Thomas, 36 ans, qui a eu recours à la vasectomie en 2019, il s’agissait surtout de ne plus laisser sa compagne s’occuper seule de la « charge contraceptive », comme l’ont théorisée les autrices Clémentine Gallot et Caroline Michel dans La charge sexuelle (éd. First, 2020). Aujourd’hui père de quatre enfants âgés de 10 ans et demi à presque 5 ans, ce professeur des écoles raconte : 

« Au cours de la dernière grossesse, nous avons acté que ce serait notre dernier enfant. La question de la contraception de long terme s’est posée. Ma femme avait 33 ans, nous partions donc sur 20 ou 25 ans de contraception. Elle refusait de reprendre la pilule et des hormones, et j’étais d’accord. Elle avait évoqué la possibilité d’un stérilet cuivre, mais le risque de devoir supporter des règles plus abondantes pendant toutes ces années lui a déplu. »

C’est lui qui a suggéré l’idée de se faire vasectomiser, pour épargner à sa compagne la contrainte de la pose d’un stérilet. Mais surtout pour lui un moyen concret d’œuvrer pour plus d’égalité dans son couple : 

« Elle avait supporté les grossesses, les allaitements et donc les nuits bien plus que moi, le périnée fragilisé, les prises de poids… Cela me semblait normal de faire ma part à mon tour. Elle a adoré l’idée. Nous en avons beaucoup parlé. Pour elle, c’était à moi de prendre la décision, puisque c’était mon corps, mais elle me soutenait pleinement. »

Olivier, 48 ans et père de deux adolescents, a suivi un cheminement similaire. Après deux grossesses, il lui semblait normal de prendre sa part de charge mentale contraceptive, d’autant que les contraceptifs hormonaux généraient trop d’effets secondaires chez sa femme, et qu’« une opération équivalente chez la femme » (la ligature des trompes, ndlr) est « plus lourde » en termes d’effets post-opératoires que la vasectomie. 

Chez Marc*, 36 ans, le recours à la vasectomie était une option qu’il envisageait depuis longtemps : 

« J’avais déjà pensé à cette éventualité avant même la grossesse de ma compagne, alors même que je n’étais pas en couple. Je m’étais un peu mis dans la tête qu’à 40 ans, je me ferai vasectomiser, ou alors après avoir eu un enfant. »

S’il a évidemment consulté sa conjointe, Marc a donc pris la décision seul. « Le cheminement mental n’a pas été très long car la réflexion était déjà posée depuis quelque temps. »

En revanche, trouver les bonnes informations a été un peu plus compliqué. 

« Je pensais trouver des infos au Planning Familial, mais je me suis trompé. Et les pages Facebook sur le sujet sont complètement parasitées par des mecs souhaitant se faire vasectomiser ‘pour niquer sans risques’… Je n’y ai trouvé que très peu d’infos intéressantes. Il n’y avait pas non plus de livre fiable et bien fait sur le sujet quand j’ai commencé mes recherches. »

Difficile aussi de trouver le praticien qui allait réaliser l’opération. 

« J’ai mis du temps à trouver où m’adresser. Pour caricaturer, je n’avais pas envie de tomber sur un urologue catho intégriste, qui m’aurait tenu avec un discours paternaliste ou culpabilisant. Je n’avais pas envie de m’embrouiller sur des considérations éthiques et/ou politiques avec un toubib. J’ai donc pris le temps de me renseigner aussi parce que je tenais par principe à passer par le service public (et non la médecine privée). C’est finalement une amie médecin qui m’a conseillé de contacter le service d’urologie du CHU de Quimper. »

Un long chemin jusqu’à l’opération

De son côté, Olivier n’a pas eu de mal à trouver un urologue expérimenté et dénué de jugement.

« Il s’agissait d’un chirurgien d’une petite quarantaine d’années, il était très ouvert et a confirmé les informations que j’avais trouvées, à savoir que cela ne changerait rien à ma vie sexuelle, si ce n’est le fait que je ne pourrais plus procréer. Il m’a détaillé l’opération, les précautions à prendre les jours suivants, et m’a aussi proposé de faire conserver mon sperme dans le cas où je voudrais malgré tout avoir un jour un enfant à nouveau. »

Thomas, lui, a exposé son projet à son médecin traitant après la naissance de son quatrième enfant. « Elle m’a expliqué dans les grandes lignes ce qui m’attendait. » Mais s’est permis une remarque pour le moins surprenante. 

« Elle a voulu me pousser à la réflexion en me disant : ‘Imaginez que vous perdiez votre femme et vos enfants dans un accident de voiture. Vous avez seulement 31 ans. Vous auriez le temps de rencontrer quelqu’un et de vouloir refonder une famille.’ » 

Pour les trois hommes que nous avons interrogés, la procédure a ensuite été la même. Après un rendez-vous chez l’urologue, tous se sont vus fixer un délai légal de réflexion de quatre mois, à l’issue duquel a ensuite été réalisée l’opération. 

« Durant cette période de quatre mois, je n’ai jamais été pris de doutes, nous confie Thomas. Au contraire, j’ai trouvé ces mois très longs, car une fois la décision prise, je voulais passer à autre chose. »

Si en théorie, une opération inverse existe – la vasovasostomie – son taux de réussite est en réalité assez faible. C’est aussi pour cette raison que les hommes optant pour cette méthode de contraception se voient proposer une conservation de sperme « au cas où »

« Pour ma part, je n’ai pas fait de dépôt de sperme, car je considère que laisser cette porte ouverte à une potentielle reproduction future par FIV veut dire qu’on n’est pas complètement sûr de soi dans le processus de stérilisation volontaire et définitive. S’il y a un quelconque doute, pourquoi se faire opérer ? Ce n’est pas une opération de confort ! », insiste Marc. Le père de famille a en revanche choisi de faire un don de sperme au CECOS « avant que ça ne soit plus possible ». « Dans le Finistère, il y a très peu de dons chaque année, j’étais ravi de pouvoir participer à cela. »

Des douleurs post-opératoires supportables 

L’opération – prise en charge à 70 % par l’Assurance-maladie et le reste par la mutuelle – est réalisée en ambulatoire, et est plutôt bien tolérée, si on en croit nos trois témoignants. Olivier rapporte n’avoir ressenti « aucune douleur, mais une gêne et une sensation de lourdeur qui ont persisté une bonne semaine, diminuant de jour en jour »

« La friction avec les cuisses était assez gênante et j’ai eu l’impression de marcher comme Nicolas Sarkozy pendant 4 ou 5 jours, confesse Marc. Moi, j’avais juste peur que les fils cassent et qu’il faille que je retourne à l’hôpital. » 

Quant à la vie sexuelle, elle a repris doucement son cours pour tous les trois. « Au bout de cinq jours, tout d’abord avec délicatesse, puis de manière normale au bout de trois semaines, quand les fils de suture sont tombés », se souvient Olivier. Marc, lui, a dû attendre d’être complètement remis de l’opération pour reprendre les rapports avec sa compagne, « après trois semaines »

Il faut cependant attendre trois mois après l’opération, et la réalisation d’un spermogramme, pour arrêter définitivement d’utiliser des préservatifs ou un autre moyen de contraception

« C’est le spermogramme qui confirme le succès de l’opération et nous ouvre le chemin d’une sexualité libérée du stress de la contraception », analyse Olivier. 

La vasectomie, un choix militant

Mais pour Olivier, Marc et Thomas, faire le choix de la vasectomie n’était pas seulement un moyen de vivre leur sexualité sans la peur d’une nouvelle grossesse. C’est aussi un choix militant, porté par l’envie de participer de manière effective à plus d’égalité entre les femmes et les hommes. 

« Ma génération et les suivantes semblent évoluer sur la question de la vasectomie, analyse Thomas. L’idée de partager la charge de la contraception est de moins en moins choquante, même s’il reste encore des gens qui pensent que cela doit revenir aux femmes. »

Il explique d’ailleurs parler « sans tabou » de sa vasectomie autour de lui : 

« Régulièrement, j’explique et je rassure des hommes qui se posent eux aussi la question, mais n’osent pas forcément franchir le pas. Il m’est aussi arrivé d’en parler avec des femmes dont le conjoint n’était pas prêt, qui me demandaient d’essayer de les convaincre. »

Olivier abonde :  

« Je crois que dès lors que l’on sort de l’image caricaturale de la virilité qui passerait par la faculté à se reproduire, il n’y a plus vraiment de frein. Tout comme la ligature des trompes chez la femme, il s’agit d’une opération chirurgicale sur une zone qui ne pose aucun problème de santé. Mais la vasectomie est une opération bien plus simple et légère à subir que l’opération chez la femme. »

C’est aussi pour cette raison que Marc n’est pas d’accord quand on lui dit qu’il a été « courageux » de faire une telle opération. « Ça m’énerve pas mal ! La ligature des trompes est bien plus vénère comme opération, c’est un chemin de croix bien plus lourd pour se faire opérer. Et puis la contraception quotidienne des femmes est à mes yeux la démarche la plus contraignante au quotidien en termes d’impact sur le corps. Les conséquences sur le quotidien de l’homme vasectomisé sont infimes comparées à l’impact des hormones, de la pilule, des stérilets ou même de l’IVG…Comparé à ce que subissent des milliers de femmes, je me trouve loin d’être courageux. »

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Les Commentaires

8
Avatar de Arsinoee
22 février 2024 à 12h02
Arsinoee
De ma petite expérience d'un an au secrétariat d'un service d'uro pratiquant les vasec, il y avait je pense 1 vasec/semaine. La très grande majorité était des hommes en couple avec enfants, fin trentaine, dans la quarantaine si je me souviens bien.
C'est des "stat" à la louche et de souvenir. J'étais pas dans les bureaux avec eux donc j'ai pas leur motivation.
Je peux donner en revanche celles de mon compagnon qui s'est fait vasectomiser y'a 2 ans (avant 30 ans, après 8 ans de couple et étant moi même déjà ligaturée depuis avant notre mise en couple ) :
Il ne veut pas d'enfant, jamais, ni avec moi, ni avec d'autres.
Ça fait double précaution, ça le rassure,
On est en couple libre, il est sûr de pas semer même si le préservatif craque (et ça évite de se reposer sur l'éventuel contraception de l'autre)
Il en a d'autres mais je me souviens plus.
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