— Publié initialement le 20 août 2014
Bien le bonjour, vous. Il y a quelques semaines, nous avons causé de toutes les agressions que nous subissons ou faisons subir au quotidien – ce n’était pas l’éclate, quoi.
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Aujourd’hui, pour nous donner un peu de baume au cœur et voir les choses en rose, je vous propose qu’on aborde un p’tit truc qui pourrait nous aider à apaiser nos quotidiens : la « Communication NonViolente » — oui, moi aussi, la première fois que j’en ai entendu parler, j’étais sceptique (une communication en mode Bisounours ? Un truc de développement personnel un peu bancal ?).
Même le Bisounours bleu a l’air carrément sceptique.
En fin de compte, quelques années plus tard, grâce à un directeur en or et des formateurs-trices qui envoient du lourd, je me dis qu’une touche de « CNV » peut contribuer à apaiser nos relations avec les autres… et avec nous-mêmes. On en parle ?
La Communication NonViolente, c’est quoi ?
Le terme de Communication NonViolente (ou CNV) a été développé par Marshall B. Rosenberg, docteur en psychologie clinique et fondateur de cette méthode. Pour lui, les mots et le langage ont un rôle déterminant dans nos existences, et si on a la sensation que notre façon de nous exprimer n’a rien de violent, en fait, nos paroles peuvent souvent heurter.
Face à cette observation, Rosenberg a mis au point un mode de communication qui favorise la bienveillance envers les autres et envers soi-même – une communication consciente, axée sur ce qu’il nomme « l’élan du cœur ». Dans son ouvrage Les mots sont des fenêtres (ou bien ce sont des murs), le psychologue définit sa méthode comme « une pratique du langage qui renforce notre aptitude à conserver nos qualités de cœur, même dans des conditions éprouvantes ».
WESH, rien que ça mes poules.
Observations, sentiments, besoins, demandes
Comment fait-on, alors, pour flanquer à nos communications les élans de nos cœurs ? Selon Rosenberg, l’une des premières étapes serait de « reconsidérer la façon dont nous nous exprimons et dont nous entendons l’autre ». La CNV s’articulerait autour de 4 composantes :
- L’observation — pour entamer une communication non violente, Rosenberg nous conseille d’observer ce qu’il se passe dans une situation donnée, sans jugement. D’identifier quels sont les faits concrets que nous apprécions, ou ceux qui nous dérangent.
Par exemple, si vous dites à votre petite sœur, adepte des grasses matinées, qu’elle est « vraiment paresseuse vu qu’elle dort tout le temps », vous émettez un jugement ; elle va probablement le sentir et se place dans une position d’autodéfense… ce qui n’aidera pas la communication.
En mode CNV, nous aurions pu dire à cette petite sœur quelque chose comme « j’ai remarqué que ces derniers jours, tu te réveillais en fin de matinée » : cette fois, nous sommes dans l’observation d’un fait concret (et personne ne juge personne).
- Le sentiment – lorsque vous avez identifié un fait concret, vous pouvez alors essayer d’identifier ce que vous ressentez face à ce lui. Est-ce que cela vous agace, vous attriste, vous énerve ? Ici, l’objectif est de vous centrer sur votre sentiment, et pas sur l’interprétation des actes de l’autre.
Si, par exemple, depuis quelques jours, votre cher-e et tendre passe ses soirées sur WoW, vous pouvez être tentée de lui dire qu’il/elle « passe trop de temps sur son ordinateur et que vous vous sentez délaissée »… et là, double bug : vous avez émis un jugement (« trop de temps ») et vous avez interprété son action (« tu me délaisses »).
Pour s’essayer à la CNV, nous pourrions opter pour « lorsque tu joues à WoW le soir en rentrant du travail, je me sens seule ». Cette fois, c’est bingo : vous avez observé un fait, et vous avez exprimé votre sentiment !
Leslie Knope et Ann Perkins dans Parks & Recreation, championnes des discussions calmes et respectueuses
- Le besoin — pour moi, avec cette étape, nous entrons dans l’essence de la CNV. Finalement, nos sentiments sont liés à des besoins. Lorsque nos besoins sont satisfaits, nous pouvons nous sentir heureux, apaisés, tranquilles… et lorsqu’ils ne le sont pas, nous pouvons alors ressentir de l’affliction, de l’anxiété, de l’énervement, etc. Nous n’avons pas toujours conscience que nos sentiments sont liés à nos besoins et, du coup, nous pouvons avoir tendance à croire que ce sont les situations, ou les autres, qui causent nos sentiments.
Dans l’exemple précédent, nous pouvons nous dire que « bordel, ce-tte conjoint-e qui joue pendant des heures, c’est vraiment un-e naze très énervant-e »… Alors qu’en fait, nous sommes énervé-e-s parce que l’un de nos besoins est insatisfait.
Dans cet exemple tout à fait fictif, lorsque mon compagnon joue à un jeu vidéo pendant 5 heures, je me sens seule parce que j’ai besoin de partager des moments d’intimité avec lui. De son côté, il pourrait tout à fait me répondre « mon sucre d’orge adoré, quand je vois que tu interromps ma partie à plusieurs reprises, je suis énervé parce que j’ai besoin de solitude… ».
En exprimant (et en assumant) nos besoins, nous donnons l’opportunité à l’autre de nous comprendre, de pouvoir nous proposer une solution ou une alternative.
- La demande — après avoir observé sans juger, identifié ses sentiments et besoins, nous pouvons essayer d’exprimer notre demande, de demander des actions précises qui vous aideront à satisfaire vos besoins… Pour que cette demande ait toutes les chances d’être entendue, vous pouvez la formuler de façon positive (en demandant ce que vous souhaitez, plutôt que ce que vous ne souhaitez pas), sans « imposer » (en prenant soin de formuler une requête, et non une exigence : exit les « il faudrait que »), le plus simplement et précisément possible.
Si, par exemple, dans une situation encore tout à fait fictive, mon compagnon laissait traîner ses chaussettes et que ça me courait sur le haricot, au lieu de lui dire « OH LA LA tes chaussettes traînent » (ce qui n’est pas vraiment une demande, n’est-ce pas) ou « DIS, il faudrait ranger tes chaussettes, QUAND MÊME (merde) » (ce qui peut être perçu comme une exigence), je pourrais essayer de lui dire que j’ai remarqué quelques chaussettes sur le sol, et que ça m’agace parce que j’ai besoin d’ordre… et finir par lui demander s’il est d’accord pour trouver une solution qui nous va à tous les deux.
Pour vous assurer de la clarté de vos demandes, vous pouvez demander à l’autre de reformuler ce que vous venez de dire : cela vous permettra de reformuler vous-même votre demande si celle-ci n’était pas claire, ou d’être certain-e d’avoir été compris-e.
L’importance de soi et de l’autre
Dans son approche, Rosenberg, élève de Carl Rogers (qui a développé une psychologie humaniste « centrée sur la personne »), souligne l’importance de l’empathie envers soi-même et envers autres.
Souvent, il peut être facile de juger, d’étiqueter : « il a tort », « ce n’est pas juste », « ce n’est pas normal », « je suis nulle », etc. On s’étiquette, on étiquette les autres, les autres nous étiquettent et dans ces cas-là, nous sommes dans l’incapacité d’avoir une relation réelle et sincère.
La Communciation NonViolente de Rosenberg nous propose d’être à l’écoute de nos perceptions, d’accueillir nos sentiments, de les lier à nos besoins et, lorsque l’autre s’exprime, de chercher à déceler ce qu’il observe, ce qu’il ressent, ce dont il a besoin.
Prends soin de toi, ou fais-toi kiffer : une bien belle devise
En somme, Rosenberg nous propose une méthode pour prendre soin de l’autre, de soi et de nos relations ! C’est une démarche qui n’est ni facile, ni magique : nous ne parviendrons peut-être pas tout le temps à identifier nos besoins, à exprimer nos demandes, à prendre soin de l’autre. Ce ne sont pas des règles, mais plutôt des repères, des astuces qui pourront nous filer un coup de pouce dans des moments inconfortables, des conflits, des désaccords, qui nous faciliteront la bienveillance.
Pour aller plus loin…
- L’ouvrage de Rosenberg, Les mots sont des fenêtres (ou bien ce sont des murs), Introduction à la Communication NonViolente
- Un article du Monde sur la méthode
- Une interview de Rosenberg
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