La méthode du commentaire de texte est très utile aux bachelier-e-s lors des écrits, mais également des oraux de littérature (pour les Terminales L). Et là je vous vois, l’air dépité : « Mais les textes sont chiants », « De toute façon moi je suis pas littéraire… ». Stop aux mauvaises excuses ! Avec un peu de méthode tout est possible, tout est réalisable !
Cet article s’adresse aux étudiant-e-s ayant eu des profs peu soucieux de la méthode, trop absents, et/ou, pourquoi pas, aux candidat-e-s libres !
Le commentaire de texte, à quoi ça sert ?
Il existe une étape préliminaire nécessaire à tout commentaire de texte. Prenez un bout de papier quelconque et écrivez lisiblement dessus : « De toute façon ça sert à rien, on peut pas savoir ce que l’auteur voulait dire ». Voilà. Maintenant vous me le déchirez en dix petits morceaux que vous brûlerez séparément à la flamme d’une bougie avant d’éparpiller les cendres aux quatre vents. Merci.
Dix ans d’auto-conditionnement à l’échec qui partent en fumée. C’est beau.
Si l’auteur a écrit le texte qui vous est présenté le jour du bac plutôt que d’aller au golf, c’est parce qu’il voulait vous transmettre quelque chose qui pour lui avait de l’importance. Sinon il aurait fait du tricot. Et puisque ce texte vous est présenté le jour d’un examen important, on peut même partir du principe que, malgré vos goûts et dégoûts personnels parfaitement légitimes, il n’est pas trop mal.
L’auteur a souhaité communiquer avec vous, son lectorat, ou bien avec son destinataire dans le cas d’une lettre. Sinon il aurait écrit dans son journal intime et n’aurait jamais envoyé quoique ce soit à un éditeur/son destinataire.
Pour faire passer ce message, l’auteur, rusé tel le chacal, a employé tout une série de moyens qui permettent de transmette une émotion, une information… Ce sont ces techniques, et surtout la façon dont elles pèsent sur la lecture, que le commentaire de texte doit restituer.
Parce que le commentaire de texte littéraire se penche sur un objet artistique, il dépend fortement de votre sensibilité et on ne peut jamais parler de lecture objective. Beaucoup de courants d’interprétation co-existent : faut-il prendre en compte la biographie de l’auteur, par exemple ? Ou bien est-ce qu’on fait comme si on ne connaissait rien de sa vie ?
Laissons là ces considérations d’universitaires et concentrons nous sur l’essentiel : on a un examen à réussir ! L’important est de bien se souvenir qu’il ne s’agit pas de trouver LA vérité cachée et mystérieuse du texte, mais simplement de livrer un compte-rendu argumenté de sa lecture.
Laisser parler sa sensibilité
Le jour de l’examen, arrachez votre coeur hors de votre poitrine. C’est facile : dans Once Upon a Time ils le font tout le temps. Posez-le sur la table.
Un air de winneuse et le coeur sur la main : belle attitude Regina !
Lors de votre première lecture du texte, c’est ce gros organe rouge qui doit orienter votre lecture : libérez les chevaux fougueux de votre sensibilité ! Est-ce que vous aimez ce texte ? Pourquoi ? Est-ce qu’il vous rend triste ? Est-ce qu’il vous ennuie ? Est-ce qu’il est joyeux ? Est-ce qu’il est drôle ? Nous sommes ici à l’étape de la lecture silencieuse : ces élans ne seront pas à poser directement sur la copie, ils passeront par le scanner de votre raison avant.
N’ayez donc pas peur, dans ce premier temps, d’exagérer vos émotions : pleurez avec Racine, hurlez de rire avec Molière ! Le but de ce petit exercice, c’est de briser la pudeur et la gêne qui rendent les jeunes étudiant-e-s parfois si blasé-e-s face à des textes qu’ils/elles se forcent presque à détester.
À ce stade de l’exercice, faites-vous confiance. Si vous trouvez ce texte triste, il l’est probablement. Vous ne savez pas encore pourquoi ni comment, mais pourtant vous ressentez de la tristesse pour ce personnage. Et c’est une très bonne base de départ.
Il va falloir à présent comprendre comment fonctionne ce texte, pourquoi est-ce qu’il a cet effet sur vous. Si vous restez hermétique au récit, remettez-vous en question : pourquoi est ce que je n’aime pas cette histoire ? Parce que je n’aime pas les gens qui se plaignent ? Parce que ce n’est pas mon type d’humour ? Autant d’indices qui vous aideront par la suite, pour peu que vous fassiez preuve de bonne volonté.
« De la musique avant toute chose… » (Verlaine, Art poétique)
Lorsque vous écoutez de la musique, vous comprenez instinctivement les mouvements du morceau. Ici le refrain, là le couplet, dans ce coin le solo, pour un morceau de rock classique. Mais même lorsque vous écoutez un nouveau style de musique jusqu’alors inconnu, vous êtes capable d’en percevoir les variations :
Vous repérez aisément la partie où Timon introduit le morceau, le solo de Pumba, le refrain, le passage plus lent sur le tronc et le final en fanfare.
Figurez vous que dans la littérature, c’est très semblable ! Là encore, il faudra faire preuve de sensibilité pour détecter ces « mouvements » qui vont former les différentes parties de votre commentaire. On en compte généralement entre 2 et 4.
Il est à noter que cette méthode s’applique à l’analyse linéaire de texte, qui me semble la plus adaptée aux débutants ; il est cependant possible de ne pas suivre cet ordre chronologique grâce à une analyse dite « composée ».
Pour des raisons évidentes de clarté, je m’en tiendrai ici à l’analyse dite « linéaire ».
Concernant ce fameux découpage en parties, bien sûr, vous n’êtes pas dépourvu-e d’indices plus terre-à-terre ! Un changement de paragraphe, le passage d’une partie de dialogue à une partie narrative ou encore la fin d’une tirade et le début d’une autre au théâtre… Une rapide lecture vous indiquera les changements de thématique les plus évidents.
Ce qui est important à ce stade est de ne pas paniquer sous la masse d’informations qui va envahir votre cerveau. Concentrez-vous sur votre tâche : découper ce texte en mouvement. Il n’est pas encore temps de flipper parce que vous ne vous souvenez plus de ce qu’est une oxymore.
Procéder avec méthode
Don’t panic Hermione, on y arrive
Vous avez trouvé vos trois parties, c’est très bien. Oh, du calme ! Déjà, je vous vois vous jeter sur votre copie. Que nenni : un peu de réflexion supplémentaire rendra l’exercice de rédaction beaucoup plus rapide, vous verrez.
Prenez le temps, au brouillon, de trouver un titre pour chacune de vos parties. Vous serez alors sûre de bien en avoir cerné la thématique et le sens.
Votre commentaire, à l’image d’une pyramide, va se décomposer en plusieurs sous-parties. Ces dernières doivent rendre compte d’un aspect de la thématique générale, elles n’apportent fondamentalement rien de nouveau. Elles peuvent être chronologiques et suivre le déroulement du texte, ou thématiques et piocher un peu partout dans votre grande partie, c’est comme vous le sentez.
Imaginez que votre grande partie est un supermarché où vous pouvez piocher selon vos goûts et vos envies, comme ici :
« Les sanglots longs Des violons De l’automne Blessent mon cœur D’une langueur Monotone. »
Le poème original de Verlaine Chanson d’automne comporte trois strophes. Mettons que ma première grande partie soit composée de cette première strophe. Je peux choisir de la découper selon les sous-parties suivantes :
1. Une tristesse lancinante
a. Un rythme lent
b. La musique qui rend compte de la mélancolie
c. une tristesse très physique
Ce travail de partie et sous-partie va parallèlement vous permettre de mieux comprendre le texte, car vous prendrez enfin le temps de vous pencher sur les détails. Profitons-en pour rappeler que chaque phrase doit absolument être analysée. Si vous sautez un passage qui vous semble trop difficile ça se verra comme le nez au milieu de la figure, sans compter que vous ne serez sans doute pas la seule !
Mieux vaut tenter quelque chose que de laisser un vide. On n’attend pas de vous que vous ayez un niveau d’étudiant en master de littérature : vous pouvez oser des interprétations tant que vous êtes en mesure de les justifier !
La justification : on rentre dans le vif du sujet !
« Merci Mircéa, ta méthode elle déchire en fait, vas-y continue j’suis en totale confiance là ! »
C’est seulement maintenant que tes connaissances en oxymores, métaphores et autres champs lexicaux vont entrer en jeu.
Lors de l’oral, si tu es bien préparée, toute cette partie de l’explication de texte peut se faire en direct face à l’examinateur. Tu pioches des exemples qui vont dans le sens de tes sous-parties en parcourant le texte rapidement (puisque tu le connais déjà).
Tu vas en effet justifier chacune de tes sous-parties à l’aide de l’analyse d’un point du langage de l’auteur : qu’est-ce qui peut te permettre d’affirmer ce que tu dis ? Il s’agit ici de comprendre pourquoi tu as ressenti cette émotion, cette indignation…
Pour t’aider à ne rien oublier, voici une liste non exhaustive des points de détail que tu dois impérativement checker :
- Le genre de l’oeuvre étudiée. S’agit-il d’une poésie ? D’un sonnet ? Est-elle écrite en prose ?
- Le rythme et les sonorités du texte. Ils proviennent des effets conjugués de plusieurs effets de style : l’usage de la ponctuation et de certaines figures de style comme les assonances ou les allitérations qui, à force de répéter le même son, accélèrent ou ralentissent le rythme de ta phrase. C’est ce qui te dira si le texte est lent, rapide, saccadé, énervé… Pour t’aider à le trouver, relis l’extrait dans ta tête de façon exagérée : hurle au moindre point d’exclamation, accentue les points de suspension, etc.
- Les temps des verbes. Un imparfait, temps de la description, ne s’utilise pas comme un passé composé, temps de l’action. Revois ta liste de valeurs des temps verbaux, elle te sera précieuse car analyser l’usage d’un temps verbal fait toujours son petit effet ! De plus, elle est relativement facile à apprendre car globalement, elle correspond à tes instincts de lectrice. Caser un petit « l’auteur parle au présent d’habitude » ne mange pas de pain et peut s’avérer payant ! Un bon point aussi : savoir repérer si le verbe est un verbe d’action (le sujet est en mouvement) ou d’état (le sujet subit un état).
- Les figures de style. Elles sont là, les coquines ! Les plus fréquentes, tu les connais déjà : métaphores, comparaisons, oxymores, amplification… L’idéal est de te faire ta propre liste de figures de style : les 5 à 10 que tu préfères et que tu n’as même pas besoin d’apprendre, plus 5 que tu ne connais pas encore mais qui te semblent utiles et que tu apprendras pour l’occasion. Savoir ce qu’est une parataxe ne t’aidera pas à avoir ton bac et n’impressionnera pas énormément ton examinateur, surtout si tu te trompes ; savoir analyser correctement une simple métaphore, c’est mieux.
- Les champs lexicaux. Il te faut trois mots, au minimum, pour former un champ, par contre pour les nommer, fais-toi plaisir ! Il n’existe aucune liste officielle, alors profite !
- Le niveau de langage. Il peut être relâché, soutenu, standard (qui ne nécessite pas d’analyse)…
- Le ton, les registres du texte. On ressort sa petite liste car elle aussi est assez facile à apprendre : polémique, ironique, satyrique… En général c’est à ce stade que les étudiant-e-s se trompent car ils vont trop vite : l’ironie peut se cacher dans les détails, faites attention aux sous-entendus, surtout dans un texte humoristique !
En face de chaque sous-partie, tu vas donc trouver un à deux, voire trois exemples qui vont dans ton sens. Par exemple dans mon cas :
1. Une tristesse lancinante
a. Un rythme lent
Les allitérations en « l » qui ralentissent le rythme La diérèse à « vi-o-lon»
b. La musique qui rend compte de la mélancolie
La métaphore « violons de l’automne » comme référence à la pluie ( on peut parfaitement le ressentir autrement, ce n’est que mon interprétation). Les rimes « violons/longs » puis «coeur/langueur » recréent le mouvement de balancier d’un archet
c. une tristesse très physique
Champ lexical de la corporéité (j’ai dit qu’on avait un peu le droit au freestyle sur ce coup, et de toute façon, ce mot existe !) : « blesser » « coeur » « sanglot »
La rédaction proprement dite : ça va chier des bulles !
Voilà qui fait plaisir à voir !
Tu le sens qui part ? Qui ? Mais oui, le stress ! Tu as désormais ton plan avec tes figures de style déjà répertoriées sous les yeux : ton commentaire est quasiment fini ! C’est l’heure du goûter. Fais-toi plaisir, tu l’as bien mérité.
Bon, bien sûr, maintenant, il va falloir rédiger.
Pour ton intro, voici les étapes à suivre (que je résume brièvement car tu dois avoir reçu au moins 10 polycopiés sur le sujet) :
- L’introduction doit marcher comme un entonnoir : tu commences par le plus général (l’auteur, son époque, l’oeuvre dont est issue cet extrait). Pour les épreuves sans programme, on n’attend pas de toi que tu connaisses l’oeuvre, donc ne panique pas si tu n’en as jamais entendu parler. Le pire serait de recaser tes cours sur les mouvements littéraires et de taper complètement à côté : sois sûre de toi ou abstiens-toi !
- Présenter le texte dans l’économie de l’oeuvre : surtout si l’oeuvre en question est au programme. Il s’agit de dire pourquoi il était NÉCESSAIRE pour l’auteur d’en arriver là plutôt que de raconter la floraison des pâquerettes dans le Nord-Est de la France.
- Présenter l’enjeu du texte. On dit « enjeu » plutôt que « problématique », mais on peut aussi parler de « sujet ». De quoi parle ce texte ? Et j’ai bien dit CE texte. CELUI-LÀ très précisément. Dans le cas de mes violons de l’automne, le bon sujet n’est pas : « Nous verrons comment ce poète parle de la tristesse », vu que des poèmes sur ce thème, y en a un peu des milliards. C’est en fait l’occasion d’exposer ta sensibilité : qu’est-ce qui t’a personnellement marquée dans cette oeuvre ? Par exemple : « Nous verrons comment Verlaine utilise le mouvement d’une valse pour évoquer la mélancolie ». Et là on touche à des choses intéressantes : on parle de valse car tout le poème est rythmé en trois temps ! Tu montres à ton examinateur dès l’introduction que le texte t’a plu et que tu as quelque chose à dire.
- Le plan de ton analyse.
Pour la rédaction proprement dite, je te laisse gérer grâce à ton merveilleux plan. Un point important cependant à ne pas négliger : les transitions.
Elles servent à expliquer pourquoi tu as fais le choix de couper ici et pas ailleurs ton analyse du texte.
« L’auteur fait un nouveau paragraphe car il aborde une nouvelle thématique : après la tirade de Phèbre lui déclarant sa flamme, Hyppolite va à présent lui répondre. »
Ce n’est pas sorcier, il s’agit juste de justifier cette coupure que tu avais placée presque par instinct au début de ton travail.
Enfin vient le temps de la conclusion : tu reprends et résumes ton développement. Si possible, durant la rédaction de ta copie, garde deux trois punchlines pour l’occasion ! Reprends alors ton sujet, celui de ton introduction, pour y apporter ta réponse définitive. Tout le monde est d’accord pour dire que l’ouverture en fin de conclusion est un exercice casse-gueule qui ne sert à rien.
La paraphrase est ton ennemie
Elle est là. Elle est partout. Entre les lignes, dans tes paragraphes… L’odieuse, la machiavélique paraphrase.
Moi dans ta tête à chaque fois que tu seras menacée par la paraphrase
En fait, lors de ta rédaction tu vas : donner ton argument, donner un exemple, expliquer en quoi cet exemple est pertinent pour comprendre ton argument. Je parle d’argument car il s’agit de défendre ta vision du texte qui est forcément subjective ! Encore une fois, il ne s’agit pas de comprendre l’auteur mieux que lui-même, mais de rendre compte de ta propre lecture du texte.
Dans cette optique, la paraphrase t’attend au tournant lorsque, ayant fini d’expliquer ta figure de style, tu vas vouloir en montrer l’intérêt au sein de ton texte. Exemple type :
« Verlaine rend presque physique la mélancolie dont il veut parler. Pour cela il utilise le champ lexical de la corporéite avec les termes « blessent », « coeur » et « langueur ». Ce champ lexical montre que la mélancolie du poète est physique. »
En restant organisé-e et méthodique, tu pourras cependant éviter facilement le piège en te posant cette simple question : quelle information nouvelle j’apporte ?
Chaque phrase doit en effet être simple, compréhensible d’une seule traite lorsque tu la récites à l’oral dans ta tête, et contenir une information. Si c’est juste pour faire joli, passe ton tour !
« Verlaine rend presque physique la mélancolie dont il veut parler. Pour cela il utilise le champ lexical de la corporéite (décidément je l’aime celui là) avec les termes « blessent », « coeur » et « langueur ». Ce champ lexical exprime la façon dont la mélancolie, qui est un état psychologique, envahit l’auteur au point de prendre une forme physique : la douleur. »
Voilà, tu es désormais armée pour ton épreuve de philosophie et de littérature. Si tu recherches des conseils plus variés, je te recommande notre liste d’astuces pour le bac 2014 !
Bonne chance à toutes, vous allez déchirer !
Écoutez l’Apéro des Daronnes, l’émission de Madmoizelle qui veut faire tomber les tabous autour de la parentalité.
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