Ce n’était pas prévu au programme. Comme tant d’autres trentenaires actives un peu cliché, je n’avais même pas l’espace mental — sans parler de l’envie spécifique — d’envisager d’ajouter un plan cul régulier à mon couple libre fort épanouissant : il semblait que j’étais condamnée à répéter « Ces temps-ci je suis charrette mais la semaine prochaine ça va se calmer » jusqu’à ma mort, sans que « ça » ne se calme jamais puisque je suis l’idiote qui se cale une soirée chaque jour et se demande le dimanche pourquoi elle est surbookée.
Faisons le tour du propriétaire : au moment où cette histoire débute, j’ai un compagnon avec lequel je roucoule le parfait amour, un job qui m’épanouit, des amies et amis aussi fidèles que drôles, une sexualité tout à fait délicieuse, et trop de séries en retard pour avoir envie de passer mes soirées ailleurs que devant Netflix.
Bref, je suis bien, merci les jolis garçons mais vous pouvez aller voir mes potes célibataires plutôt, elles seront ravies de prendre un verre en votre compagnie.
Mais vous savez comment ça se passe. Ça arrive quand on ne s’y attend pas, quand on n’a « pas le temps », « pas besoin de ça en plus ». Débarque alors une personne qui a le toupet d’être intéressante, amusante, charmante, et d’avoir des jolies mains qu’on se surprend à imaginer un peu trop souvent ailleurs que dans ses poches.
En tout cas, c’est ainsi qu’a commencé l’aventure du sex friend qui m’a reconnectée à ma sensualité.
Un sex friend inattendu, mais bienvenu
La rencontre n’est que peu originale, je vous la fais courte. Un pote de pote, loin d’être désagréable à regarder ; des passions en commun ; des discussions de plus en plus fréquentes, d’abord au fil de la journée puis le soir aussi, et le matin, tiens ; et puis un jour on parle de sexualité — d’abord comme une blague, puis plus franchement.
Il aime ce que j’aime, je pratique déjà ce qui l’intrigue, son imagination me taquine délicieusement le cerveau et à ce moment-là, bien que rien ne soit encore fait, bien que je ne sache pas s’il est seulement intéressé par moi, il me faut bien l’avouer : j’ai déjà envie de coucher avec lui.
Bonus indispensable, je suis en relation libre et peux donc avoir des relations sexuelles avec d’autres hommes que mon compagnon (et vice versa) sans que ça ne remette en question mon couple. Sur le papier, rien ne m’empêche de me lancer.
Dont acte. Quelques regards par en dessous autour d’une bière n’ayant pas suffi à transmettre mes intentions, je me suis fendue, après un petit mois de conversations soutenues, d’un subtil « J’ai très envie de coucher avec toi ».
Ô joie, ô culotte qui s’envole, lui aussi !
Depuis, nous nous explorons joyeusement et régulièrement, tout en devenant bons potes — avec des discussions franches pour nous assurer qu’aucun de nous deux ne développe des sentiments, et que cet « arrangement » informel continue à ne nous apporter que du plaisir. Car vous le savez, je le sais, l’ingrédient secret des relations saines, c’est ? La communication, oui, voilà, une gommette pour tout le monde !
Je vous imagine curieuse mais je vais vous décevoir : je ne suis pas là pour vous raconter par le menu les parties de jambes en l’air avec mon nouvel amant tout beau tout chaud. Tout juste vous confierai-je qu’elles sont aussi intenses que plaisantes.
Car le sujet qui m’anime aujourd’hui, ce n’est pas ce petit move secret qu’il fait avec ses doigts, c’est la façon dont cette relation m’a reconnectée à ma sensualité après des mois à l’avoir mise de côté.
Sensualité covidée, sensualité abandonnée
Je ne vous apprends rien : 2020, 2021, c’était la hess. À plein de niveaux plus importants que ma petite personne. Mais aussi au niveau de ma sensualité (un terme que je préfère à « féminité », un peu trop stéréotypé), de ma désirabilité, que j’avais grosso modo remisée dans un placard avec mes plans de voyage au bout du monde.
Confinements en pyjama, télétravail en jogging et déprime généralisée n’ont pas fait grand bien à mon rapport à moi-même, je m’en rends maintenant compte. Bien que j’ai mieux vécu les isolements que beaucoup, bien que ma santé mentale n’en a heureusement pas trop pâti, j’ai peu à peu déconnecté de mon corps, lequel se retrouverait enfermé dans une routine sans fin, réduit à une forme de machinerie efficace que personne, ou presque, ne voyait.
Je ne suis pas de celles qui « s’habillent bien » même seules chez elles : entre sens pratique (on ne va pas salir ses jolies tenues pour rien) et amour du confort, je suis devenue il y a des années cette personne qui se change en rentrant du boulot pour « se mettre à l’aise ». Ma mère, donc, mais passons.
Alors quand le boulot est devenu la maison, eh bien mes tenues de maison sont devenues celles du boulot. T-shirts extra larges, legging de sport et chignon brouillon, vous connaissez l’outfit que je baptiserai « de la réunion Zoom avec webcam éteinte ».
Par chance, je ne suis pas non plus de celles qui ont intégré l’idée selon laquelle il faut toujours être désirable aux yeux de « son homme ». Pendant les confinements, mon mec m’a vue pas lavée, pas épilée, pas maquillée, pas sapée, mais il avait déjà vu tout ça avant, à chacun de nos dimanches paresseux, et il n’était pas en meilleur état ! Loin de lui l’idée de me mettre la pression là-dessus — et c’est réciproque. Ça ne l’empêchait pas de faire voler mes culottes en coton quand l’envie nous en prenait.
Je me suis sentie respectée et aimée, même pendant tous ces mois de pandémie. Mais sensuelle ? Pas vraiment.
Ma vie sexuelle de couple a pris les contours confortables d’une routine agréable : sans nous prendre le chou avec la fréquence ou l’intensité de nos rapports, mon compagnon et moi avons suivi nos instincts, nous chatouillant parfois quotidiennement lorsqu’on avait la tête à ça, faisant parfois des pauses de plusieurs semaines quand le cœur n’y était pas. Car comme tout le monde, nous avons pâti de cette période stressante, et nous avons traversé des bouleversements personnels, professionnels, amicaux, familiaux. Assez de prises de tête pour nous couper de temps à autre l’énergie de faire des bêtises sous les draps.
Rien ne me déplaisait, dans cette routine. Rien ne me manquait. Mais quand est arrivée cette brise de nouveauté sur ma sexualité, c’était comme redécouvrir le piment d’Espelette : ce n’est pas que la nourriture est fade sans, c’est que parfois, ça fait du bien de varier les plaisirs bon sang !
Vivre à nouveau sa sexualité comme une terre à explorer
On nous promettait des pénuries de capotes à cause des restrictions sanitaires poussant les gens à ne faire que coucher ensemble pour se divertir. On prédisait des tsunamis de bébés-confinements issus de couples ayant profité de ce temps pour concevoir. On croyait que le Covid allait nous rendre horny on main.
Bon, eh bah, pas du tout. Pas chez moi en tout cas. Le Covid m’a mise en mode self-care : ce n’était pas le moment de me challenger, de me faire violence, de sortir de ma zone de confort. Tenir bon et être heureuse, bon an mal an, un jour après l’autre jusqu’à la fin de cette foutue pandémie, c’est déjà très bien.
Sauf que j’avais oublié un petit détail : s’il y a bien une « petite » chose qui peut me rebooster, c’est d’explorer ma sexualité !
J’ai toujours vu le sexe comme un terrain de jeu, un immense parc d’attractions dans lequel se lancer avec joie, fast-pass autour du cou et barbe à papa géante à la main. Mais les confinements m’avaient poussée à arrêter d’explorer les allées, préférant monter encore et encore dans le même manège. (J’arrête là la métaphore sinon je vais finir par comparer le Big Splash à ma chatte et ceci n’est pas un article sur le squirting.)
Une sexualité épanouie pour la femme que je suis passe par de l’exploration, des tentatives, de la nouveauté, des surprises, des ratés, des fous rires, des découvertes. Que ce soit avec un partenaire différent, en tentant des pratiques inédites, ou en twistant simplement des actes que je fais déjà régulièrement. (En parlant de ça, je valide cette position pour le doigtage, c’est très sympa.)
La chance a fait que mon nouveau sex friend a deux qualités — en plus de ce fameux petit move dont je vous ai déjà parlé — idéales pour mon envie d’explorer : il est très curieux, et très franc.
Ce qui veut dire que 99% des choses qui me tentent l’intriguent au moins assez pour qu’il leur donne une chance, et qu’il me dit clairement ce qui lui l’excite, l’intéresse, lui plaît ou le bloque totalement. Eh oui, la communication, on y revient !
Il m’a très vite posé, et me pose encore très souvent, la question à mille euros. Celle que j’avais un peu trop oubliée dans la routine du Covid et des pyjamas froissés. Celle, pourtant, qu’il faut se poser, régulièrement, franchement, et sans peur !
À savoir : au fait, tiens, dites donc… qu’est-ce qui me plaît, à moi, au lit ?
« Qu’est-ce qui te plaît au lit ? »
Derrière cette question se cachent mille autres interrogations qui m’ont poussée, l’air de rien, à refaire le tour d’aspects de moi que j’avais laissés se mettre en sommeil.
Comment est-ce que je me sens désirable ? Mon compagnon n’est pas très lingerie, mon plan cul est fou de dentelle, mais ce n’est pas ce que je veux savoir. Comment est-ce que moi, je me sens la plus sensuelle, la plus excitante, la plus puissante dans mon désir et mon plaisir ?
Comment est-ce que j’ai envie de me sentir, pendant le sexe ? Réconfortée, libérée, accompagnée, portée, sublimée, dominée, vénérée ? Quelle énergie me permet le plus de lâcher prise et de me sentir en connexion avec moi-même ?
Pourquoi est-ce que telle pratique me plaît ? Qu’est-ce qui se passe dans mon corps et dans ma tête quand je fais ceci, quand on me fait cela ? Qu’est-ce qui fait que certains actes vont m’attirer, d’autres me révulser ?
Est-ce qu’il y a des pratiques que je réserve à mon couple ? Si oui, pourquoi est-ce que je les considère plus intimes ou amoureuses que d’autres ? Qu’est-ce que ça dit de mon rapport à la sexualité ?
Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise réponse à ces questions. Il n’y a pas de résultat éliminatoire, et c’est OK de ne pas savoir y répondre du premier coup — sinon, les discussions intéressantes seraient bien courtes !
C’est se poser ces questions qui compte, comme un petit check envers soi-même, pour vérifier qu’on est toujours alignée avec sa sexualité, qu’on est toujours épanouie, qu’il n’y a pas de frustrations sous-jacentes ou d’envies non exprimées. D’ailleurs, j’en place une pour les ressources comme MojoUpgrade ou le BDSM Test (malheureusement en anglais) et les jeux du style de l’excellent Discultons, une création de la maison féministe Gender Games pour ouvrir les échanges sur la sexualité, sans stéréotypes dépassés ni culture du viol larvée !
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La sensualité, ce précieux secret
Forcément, m’interroger sur ma sexualité, et la pratiquer de façon différente, avec un nouveau partenaire, m’a menée à y penser beaucoup plus souvent qu’auparavant. Là où c’était devenu un non-sujet, un aspect de ma vie simple et plaisant, c’est à nouveau un terrain de jeu dans lequel je prends plaisir à m’amuser, seule comme accompagnée.
Et comme le dit le slogan, ce qui fait du bien à l’intérieur se voit à l’extérieur.
Ce n’est pas tant que ce plan cul régulier a amélioré ma vie sexuelle de couple, parce qu’elle n’en avait pas besoin ; c’est que me reconnecter ainsi à ma sexualité, et donc à ma sensualité, a amélioré ma vie à plein de petits niveaux.
Je me sens plus désirable, ce qui me fait traverser le monde avec un peu plus de confiance en moi, les épaules plus droites, le menton plus haut, les yeux plus pétillants. J’ai réfléchi à ce qui me mène à me sentir belle, ce qui fait que je me sens plus souvent belle, puisque je sais quelle jolie culotte, quelle tenue, quel maquillage correspond le plus à l’image de moi que j’ai envie de présenter.
Je me suis rappelé que je peux séduire, plaire, surprendre, exciter ; qu’au milieu de toutes les facettes qui me composent, il y a celle d’un être sexuel et sexué, d’une femme qui désire, qui aime être désirée. Que loin d’être une honte, cette sensualité est une force parmi tant d’autres, et que cette énergie qui me fait traverser les journées avec un peu plus de vivacité ne tient pas à un homme qui me valide, mais à quelque chose qui est en moi, qui n’appartient qu’à moi.
Elle m’est revenue en mémoire par le biais de ce sex friend, mais ça aurait pu venir d’un nouveau body en dentelle, d’une séance de thérapie autour de la sexualité, d’un shooting dénudée, d’un cours de booty therapy ou d’effeuillage burlesque, d’une initiation au shibari ou de la découverte d’un sextoy particulièrement efficace.
L’important c’est de me rappeler de la chérir, de l’entretenir, de l’arroser comme une jolie plante, cette sensualité. Pas dans une forme d’injonction à rester baisable aux yeux de mon mec ou d’un autre, mais parce qu’elle fait partie de moi et me fait du bien à moi.
S’il y a des jolis garçons dont ça fait pétiller les yeux, c’est du bonus. En attendant, qu’un homme pose ou non les yeux sur la culotte en dentelle cachée sous mon pyjama, l’important c’est que je sais qu’elle est là — et qu’avec elle, je me sens un peu plus armée face au seum du quotidien.
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Crédit de une : Dainis Graveris / Pexels
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