Le Musée des Arts décoratifs de Paris voue à Thierry Mugler une rétrospective témoignant de son impact sur la pop culture des années 1980 à aujourd’hui, des podiums à Cindy Sander, Beyoncé, Cardi B et Kim Kardashian.
« Couturissime ». Il fallait bien inventer un superlatif pour définir le style de ce grand couturier à l’oeuvre trop immense.
Du 30 septembre 2021 au 24 avril 2022, le Musée des Arts Décoratifs de Paris accueilleThierry Mugler, Couturissime. Conçue et déjà présentée par le Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM), cette expo retrace l’oeuvre du fondateur de la maison du même nom.
À la fois grand couturier, parfumeur, photographe, et metteur en scène, c’est un modèle de directeur artistique clairement en voie de disparition. Pourtant, même s’il s’est retiré des podiums, Manfred Thierry Mugler continue bel et bien d’habiller la pop culture d’aujourd’hui.
Thierry Mugler, de petit rat de l’opéra à grand couturier
Encore vivant, celui qui se fait désormais appeler Manfred a ainsi révolutionné les univers de la mode et de la beauté, comme cette rétrospective centrée de ses débuts en 1973 à 2014 l’illustre bien.
Né à Strasbourg en 1948, Thierry Mugler y croise enfant une sirène et l’Homme le plus fort du monde dans une foire. Cette rencontre le marque profondément et résume étonnamment bien son univers, construction hybride entre arts du spectacle, chimères fantastiques et masculinité bodybuildée, pour rhabiller les années 1980 et au-delà.
Celui qui danse d’abord un temps pour l’Opéra du Rhin devient styliste à 26 ans. Il crée sa première collection en 1973 et développe d’emblée une silhouette devenue signature de ce qu’on surnomme alors le power dressing (s’habiller pour le pouvoir), c’est-à-dire des tailleurs ultra épaulées et une taille cintrée.
Sur ses podiums se croisent des mannequins nanties et des drag queens marginalisées — un mélange des genres rarissimes pour l’époque.
Thierry Mugler fait de chacun de ses défilés un spectacle toujours plus monumental. Sa haute couture sert ses visions les plus fantasques, autant inspirées par les bandes dessinées de superhéros que de l’univers automobile. S’y mêlent aussi robots futuristes et créatures sous-marines.
Par ses créations et son art de la mise en scène, le grand couturier atteint rapidement le statut de star.
Thierry Mugler rhabille la pop culture des années 1980 à aujourd’hui
C’est donc en tant que créateur lui-même devenu popstar que Thierry Mugler réalise le clip de Too Funky de George Michael, sorti en 1992.
Le grand couturier y dirige des supermodèles (dont Linda Evangelista, Tyra Banks ou encore Estelle Lefébure) alors habillées de ses créations, dans une vidéo qui parodie le pire de la mode.
Même s’il a arrêté de créer des vêtements commercialisés en 2002 (d’autres personnes dirigent la marque qui porte son nom — aujourd’hui, c’est Casey Cadwallader), ses créations passées continuent de fasciner.
En témoigne Beyoncé qui pioche régulièrement dans ses archives, comme dans le clip de Sweet Dreams sorti en 2009, où elle porte l’un des fameux corsets en guise d’armure de beauté bien carrossée, une quintessence de l’esthétique Mugler que Céline Dion va revêtir à son tour en 2020.
La même année, Beyoncé obtient même que le grand couturier s’occupe de la direction artistique de sa tournée mondiale I am… Il lui taille une cinquantaine de tenues et imagine plusieurs tableaux scéniques.
En 2010, c’est Lady Gaga, autre immense fan du grand couturier qu’elle a l’habitude de référencer, qui s’affiche en tailleur vintage Thierry Mugler daté de 1995 dans le clip Telephone.
De grand couturier à metteur en beauté : Thierry Mugler devient Manfred
Pendant que les popstars se disputent ses archives et son sens du spectacle, Thierry Mugler se rebaptise Manfred. Il arrête de s’occuper des parfums qui portent son vrai nom à partir de 2013 pour mieux se consacrer à des scènes beaucoup plus grandes que les podiums qu’il a quittés en 2002.
Avant la tournée de Beyoncé en 2009, il avait déjà créé un show érotique pour le prestigieux Cirque du Soleil, Zumanity, à Las Vegas, qui a duré seize ans (de 2002 à 2018). Puis ce fut au tour des Mugler Follies, jouées à Paris de 2013 à 2015, ou encore The Wyld à Berlin de 2014 à 2016.
Le point commun entre Cindy Sander, Cardi B et Kim Kardashian : Manfred Thierry Mugler
Habitué des renversements carnavalesques, c’est-à-dire à sacraliser ce qui est généralement conspué et inversement, Manfred jette aussi son dévolu sur Cindy Sander, alors moquée à cause de son audition à la Nouvelle Star en février 2008 puis pour la sortie de son single Papillon de Lumière.
Le metteur en beauté la contacte début 2011, la relooke, l’entoure de coachs, la propulse en tête d’affiche de son spectacle berlinois The Wyld, et lui co-écrit en plus de le co-produire un EP sorti en 2017.
En 2019, alors que beaucoup de créateurs contemporains boudent Cardi B qu’ils jugent trop vulgaire, celle-ci se tourne vers des pièces d’archives de Thierry Mugler. Une façon de revendiquer qu’elle s’inscrit bel et bien dans une lignée de femmes d’abord conspuées avant d’être adulées.
Pour marquer sa renaissance en popstar aux Grammy Awards 2019, la rappeuse enfile ainsi une robe nude sur le buste, à la jupe sculptée comme un coquillage façon Vénus sortant des eaux, qui avait défilé en 1995.
La même année, Kim Kardashian obtient que Manfred Thierry Mugler reprenne le crayon, l’aiguille et le ciseau pour imaginer une robe façon gouttes de pluie qu’elle a portée au Met Gala 2019.
Cindy Sander, Cardi B ou encore Kim Kardashian sont autant de femmes d’abord violemment jugées vulgaires par les médias et que Manfred Thierry Mugler a donc contribué à revaloriser, afin qu’on s’intéresse davantage à leur beauté et surtout à leurs talents.
Offrir ses lettres de noblesse à la culture populaire
Également représentatif de l’esthétique muglerienne, cet art du retournement de situation se retrouve donc dans l’expo mode dédiée au grand couturier et metteur en scène.
Une rétrospective qui permet de mieux se rendre compte de sa trajectoire personnelle et de son impact sur les looks et la culture populaire, à laquelle il offre ses lettres de noblesse, depuis les années 1980 jusqu’à aujourd’hui encore.
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