Initialement publié le 7 janvier 2019.
« T’as tes règles ou quoi ? », « Tu peux faire le compte-rendu de la réunion comme t’es la seule fille ? », « Les femmes n’ont pas le sens de l’orientation de toute façon », « T’as pas intérêt à tomber enceinte dans les prochains mois, ça mettrait en péril la boîte ». Ça vous rappelle quelque chose ? Nous sommes en 2019 et le sexisme ordinaire continue de sévir dans les open spaces et près des machines à café.
Selon une étude du Conseil Supérieur de l’Égalité Professionnelle, 80% des femmes salariées considèrent qu’elles sont régulièrement confrontées à des attitudes ou des décisions sexistes dans le monde du travail.
Ça fait un paquet de remarques pénibles et de collègues misogynes !
Pourtant, le sexisme ordinaire au boulot est complètement illégal. Le Code du Travail condamne tout « agissement lié au sexe d’une personne, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant ».
C’est inscrit dans son article L. 1142-2-1 (mon nouveau chiffre porte-bonheur). L’auteur de tels agissements peut être sanctionné disciplinairement : avertissement, blâme, voire licenciement…
Dresser un plan d’attaque contre le sexisme au travail
Je trouve ça important de le répéter, même si j’ai bien conscience qu’entre la théorie et la pratique il y a tout un monde…
Pas sûr qu’on ait envie de passer sa vie dans le bureau des ressources humaines pour réclamer des sanctions ni qu’on puisse distribuer des exemplaires de l’article L.1142-2-1 à tous ses collègues sexistes (même si ça pourrait vous donner des idées).
Alors, comment réagir concrètement à ces micro-agressions du quotidien ? Avant de faire un plan d’attaque, je conseille de dresser un constat des forces en présence (pardon pour cette métaphore guerrière, mais on ne mettra pas fin au patriarcat avec des chamallows).
D’où viennent les réflexions ? À quelle fréquence ? Qui les fait ? Est-ce qu’ils ou elles sont susceptibles d’écouter mes arguments et d’apprendre (ou pas) ? Comment réagissent les autres collègues ? Est-ce que j’ai des personnes alliées autour de moi si je réplique ? Et moi, d’ailleurs, avec quelle option suis-je la plus à l’aise : ne rien dire (mais potentiellement accumuler de la frustration) ou risquer de créer un conflit ?
Une fois que vous êtes au clair avec vous-même et la situation, vous pouvez piocher des idées pour réagir parmi les témoignages de lectrices que j’ai recueillis.
1 – Réagir avec fermeté (et dès que possible) face au sexisme
Face à une remarque ou un comportement qui vous mettent mal à l’aise, vous pouvez tout simplement le dire, sans vous excuser ni faire preuve d’agressivité, en restant solide sur vos appuis et factuelle.
Comme Florence, qui est commerciale dans une PME :
« Mon patron a eu quelques remarques déplacées à l’occasion, même face à d’autres personnes. Pour ma part, je l’ai rembarré fermement à chaque fois et il n’a jamais insisté. Il sait désormais qu’il ne sera jamais gagnant à ce petit jeu là. »
L’avis de l’experte
Mathilde Groazil est directrice du conseil chez Social Builder, une startup sociale qui construit la mixité et l’égalité femmes-hommes dans les métiers du numérique.
« Il est peut-être plus facile de réagir suite à UNE remarque ou un comportement sexiste qu’après des mois de telles remarques/comportements. »
2 – Manier l’humour pour répondre aux remarques sexistes
Si vous y arrivez et si c’est votre came, l’humour peut être un bon moyen de faire passer le message en douceur.
C’est ce qu’a appris à faire Marion qui bosse dans l’industrie automobile :
« Lorsque quelque chose me choque ou me déplaît : je le dis. J’essaie toujours de faire ça avec humour pour que ça passe mieux, mais je le dis. »
Si l’on n’a pas la répartie idoine, on peut tout simplement éclater d’un grand rire forcé ou ironique pour bien souligner l’absurdité des propos de son interlocuteur. Ou alors on peut adopter la méthode « Toujours plus » de Manon qui bosse dans la musique.
« Quand un mec dit des trucs du genre “elle, je lui repeindrais bien la façade (rire gras) », je réponds carrément avec un grand sourire enthousiaste “Oh, un artiste !”. Ça ne marche que s’il n’y a pas la moindre once de mépris dans ma voix/mon regard/ma posture. Je la joue naïve et enthousiaste et ça les déconcerte. »
L’avis de l’experte, Mathilde Groazil :
« L’humour est une solution bien sûr, même si dans la plupart des cas, les personnes objet de sexisme n’ont pas vraiment envie de rire, je pense. L’humour est donc peut-être plus adapté pour les personnes qui observent et qui souhaitent contre-attaquer ».
3 – Trouver des alliés et alliées en entreprise face au sexisme
Si vous avez du mal à monter au front seule (oui, je continue avec les métaphores guerrières), vous pouvez essayer de chercher des personnes alliées parmi vos collègues
. Ça vous fera du bien de voir que vous n’êtes pas seule à souffrir du sexisme ordinaire de votre open space, et vous vous sentirez plus forte pour répliquer.
C’est ce que raconte Kelly qui a un environnement de travail bien gratiné, à base de réflexions sexistes et de blagues sexuelles.
« Le truc qui me donne la force de continuer à aller au travail, c’est que j’ai un ou deux collègues qui s’intéressent, qui ne veulent pas être sexistes, qui me posent des questions sur les règles, sur la contraception, sur les inégalités, car ils veulent s’instruire. On peut parler de tout, je peux leur signaler quand ils disent quelque chose de macho, ils y réfléchissent, on en débat, et ça me fait du bien. »
MESSAGE DE SERVICE : Si jamais vous êtes un homme, et que vous êtes témoin d’une réflexion ou d’un comportement sexiste, n’hésitez pas à prendre la parole pour répliquer ! Étrangement (non), les mecs écoutent plus les mecs.
4 – Jouer la naïve et faire répéter les remarques sexistes
Personnellement, c’est ma tactique préférée quand je n’ai pas beaucoup d’énergie. Je fais ma poker face et je fais semblant de ne pas comprendre en invitant la personne à développer son idée pour lui permettre de se rendre compte du caractère inapproprié de ses propos.
Par exemple, je demande naïvement à Jean-Mi de m’expliquer ce qui est drôle dans sa blague « retourne dans la cuisine, femme ». (Fonctionne aussi pour les blagues racistes).
On peut également décliner ça pour les blagues graveleuses chuchotées dans l’open space, en disant très fort : « J’ai pas entendu ce que t’as dit, tu peux répéter ? » C’est aussi ce que fait Adeline qui bosse dans l’industrie.
« Je ne laisse jamais la place à la moindre ambiguïté, et je fais expliciter leurs propos aux messieurs indélicats… En général, ils sont gênés. »
« Game over » comme dirait l’autre.
5 – Faire dévier la conversation (ou la clore)
Si l’on n’a pas envie d’aller au conflit, on peut aussi tout simplement faire dévier la conversation. Ça marche notamment lorsqu’on aborde des sujets d’actualité où l’on sent le terrain glissant et une forte probabilité que ses collègues lâchent des réflexions sexistes énervantes.
N’hésitez pas non plus à couper court à la conversation pour vous préserver. Personnellement, j’ai fait ça la dernière fois que je me suis retrouvée coincée dans un dialogue de sourds (pas chez Madmoizelle, je vous rassure…). Et c’était vraiment jouissif de dire très tranquillement : « Je n’ai pas le temps ni l’envie de discuter avec vous de ces sujets que vous ne maîtrisez visiblement pas ».
Je n’ai rien inventé, c’est la règle des 300 secondes que j’ai découverte grâce à la coach Marie Dasylva qui accompagne des femmes victimes de racisme dans leurs carrières.
Elle conseille de ne pas consacrer plus de 300 secondes (5 minutes) à gérer une micro-agression. Un collègue vous a fait une réflexion sexiste ou raciste (ou les deux) ? Faites-lui remarquer, mais ne passez pas une demi-heure à lui expliquer pourquoi c’est sexiste ou raciste de dire ça.
6 – Passer par l’écrit
Sinon, vous pouvez suivre le conseil de Lucie, 25 ans, qui vit aux Pays-Bas, et passer par l’écrit pour avoir le temps de choisir vos mots.
« Rédiger un mail aide non seulement à faire la part des choses et à comprendre son propre ressenti, mais aussi à utiliser « les mots justes » qui ne froisseront pas, mais qui seront aussi fermes que tu le penses. »
Et en plus, ces mails peuvent se révéler utiles, à titre de preuves, si la situation s’envenime et que vous ressentez le besoin de faire remonter le problème aux ressources humaines.
7 – Demander de l’aide
C’est mon dernier conseil : si la situation est trop douloureuse et met en péril votre bien-être, il ne faut pas hésiter à aller chercher de l’aide, auprès des représentants du personnel ou des syndicats par exemple.
Ensemble, vous pourrez ensuite aller voir les RH avec un plan d’attaque pour que les auteurs de sexisme soient sanctionnés.
Et si vraiment la situation ne s’arrange pas, préservez-vous en cherchant un nouveau job. C’est injuste, on est d’accord (ça devrait plutôt être aux sexistes de partir…), mais en attendant qu’on renverse le patriarcat, vous pouvez peut-être trouver un environnement de travail moins toxique. C’est tout le mal que je vous souhaite…
À lire aussi : Comment réagir face aux violences sexistes ou sexuelles au travail ?
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