J’entends régulièrement des personnes raconter qu’elles se sont aperçues que leurs amis étaient partis en vacances sans elles, ou s’inquiéter de perdre contact avec leurs potes en changeant d’établissement à la rentrée.
Je comprends cette peur ; si vous la partagez, elle est tout à fait légitime.
Perdre les personnes qui nous sont chères est une inquiétude très répandue — et c’est un euphémisme. Mais après seulement 19 années de vie, je me rends compte que c’est inévitable, et même plutôt sain.
Gérer pléthore d’amis et amies est compliqué. J’imagine que c’est possible ; personnellement, j’ai du mal à être en lien avec beaucoup de personnes en même temps sans perdre en qualité de relation.
Au fil du temps, j’ai perdu beaucoup d’ami·es… Mais cela me satisfait pleinement.
Alors, si vous vous inquiétez de l’état de vos lien, ou si vous avez peur de ne jamais réussir à renouer avec une personne en particulier, peu importe la raison, voici mon expérience et comment j’ai appris à bien perdre mes amis.
Un nouveau départ peut rimer avec la perte d’une amitié
Les différents changements d’établissements scolaires et/ou de ville d’études m’ont permis de faire un tri nécessaire dans mes relations.
Entre sauts de classe, redoublements, internat, départ à l’université, ou début de ma vie professionnelle, j’ai vécu un bon nombre de fois des périodes de changement, déstabilisantes et durant lesquelles j’ai été inquiète que certaines personnes qui comptaient fort pour moi disparaissent de ma vie.
Je ne vais pas vous mentir : c’est arrivé. Pas toujours, parfois les liens ont dépassé le temps et la distance — je vous en parle plus bas — mais la plupart du temps, ça a été le cas.
Évoluer dans des sphères différentes, avec des préoccupations qui varient, un emploi du temps chargé et de nouvelles connaissances peut distendre les liens les plus solides.
L’avantage, lorsqu’il s’agit de gros changements de situation de mon côté ou de celui d’un·e ami·e, c’est que je m’y attends.
Je peux me préparer à cette éventualité, et me faire à l’idée que, oui, éventuellement, cela peut mettre un terme à une ou plusieurs relations.
Cette anticipation m’offre le luxe de dédramatiser avant même que cela arrive. Et même si parfois je suis triste, je suis dans ces cas-là prête à accueillir cette tristesse, à l’exprimer si j’en ai besoin, puis, avec le temps, à passer à autre chose.
D’un autre côté, ces moments sont une occasion idéale pour perdre mes ami·es. Parfois, les relations s’essoufflent. Parfois, je n’ai plus envie de voir quelqu’un sans savoir comment le lui dire. Parfois, je n’ai pas réussi à rompre correctement avec un·e pote.
Or, la personne en question comprendra probablement autant que je comprends moi un éloignement, un délitement de notre relation, jusqu’à ce qu’elle se transforme en souvenir.
Sans pour autant ghoster quelqu’un, lui faire comprendre gentiment que nos chemins divergent, que je n’ai plus le temps de le ou la voir pourra permettre une rupture toute en douceur.
J’ai perdu des amis… mais notre relation ne menait à rien
Tout ne se passe pas toujours comme je le souhaiterais, et il m’est arrivé de perdre des amis ou amies autrement. Ne serait-ce qu’entre la fin d’une année scolaire et le début de la suivante ! Un été peut suffire à faire que nous n’avons plus grand-chose en commun.
Or, finalement, la plupart du temps… je n’ai pas perdu grand-chose.
Attendez, je sais que ça peut paraître méprisant écrit ainsi, mais c’est loin d’être le cas, car j’ai toujours un souvenir ému des anciennes amitiés !
Je m’explique.
Si je ne me sens plus rien en commun avec certaines personnes, malgré tout ce que j’ai pu partager avec elles, c’est qu’il est arrivé un moment où nous ne pouvions plus rien nous apporter l’une l’autre.
Ce n’est pas grave : la planète est remplie de personnes merveilleuses, et d’autant plus à l’ère des réseaux sociaux, s’enrichir humainement en rencontrant tout plein de monde est tout à fait possible.
Si je suis dans une autre situation, si mes ami·es ont agi d’une manière qui ne me convient pas, alors il est peut-être temps de mettre un terme à une relation dans laquelle les notions de respect, le contrat d’amitié ne sont plus compris ni partagés.
Communiquer avec ses amis dans l’espoir de ne pas les perdre
Je vais reprendre l’exemple que j’avais évoqué dans mon introduction : imaginons que mon groupe d’ami·es est parti en vacances sans même m’en parler — honnêtement je pense que ça ne me dérangerait pas, mais partons du principe que c’est le cas.
À leur retour, pour ne pas ruminer ma frustration, je cherche à être dans une démarche de communication pour comprendre ce qu’il s’est passé, et surtout expliquer pourquoi cela me blesse.
Car oui, mes amis et amies ont tout à fait le droit de partir ensemble ! Je ne peux pas leur reprocher de l’avoir fait, sauf si je leur ai précisé expressément que cela me dérangeait… et encore.
Par contre, je peux exprimer ce que j’ai ressenti, pourquoi, de quelle manière mes sentiments se sont manifestés. Je peux aussi entendre les réactions de mes ami·es, tenter de me mettre à leur place, de comprendre leurs raisons.
Et si une discussion ne me suffit pas, alors je peux proposer des solutions : prévoir une sortie tous ensemble le week-end à venir, demander à aller boire un verre pour qu’ils me racontent leur expérience, faire une soirée chez moi pour avoir l’impression d’être la reine de la fête…
Bref, m’organiser pour recevoir l’attention dont j’ai besoin.
Avec un peu de chance, cela suffit à solder le problème.
Les ruptures amicales, ça arrive, et c’est plutôt sain !
Mais peut-être que cela ne fonctionnera pas du tout, que mes ami·es ne seront pas à l’écoute ou que je serai incapable d’entendre ce qu’ils et elles ont à me dire.
Si c’est vraiment important pour moi, si je ne parviens pas à passer au-dessus, l’amitié viendra à rompre. Mais ce n’est pas grave.
Tout comme je considère légitime de me séparer d’un·e partenaire si la personne n’est plus en capacité de répondre à mes attentes ou de respecter le « contrat » que nous avions instauré, c’est sain de clore une amitié lorsque celle-ci devient douloureuse.
J’essaie de faire en sorte que ce soit avec le moins de rancune possible, puisque si quelqu’un ne peut répondre à mes besoins d’affection, ce peut être aussi car ceux-ci sont trop importants ou que nous fonctionnons différemment, tout simplement.
Et surtout, j’ai l’impression que lorsqu’une relation s’achève de manière claire, calme et franche, en faire le deuil est plus simple, tout comme en garder un souvenir doux.
En bref, lorsqu’une de mes amitiés ne mène plus à rien, je dois apprendre à cesser de vouloir la faire poursuivre effrontément jusqu’à ce qu’elle débouche sur une falaise et que nous soyons deux à nous casser la gueule.
Garder les souvenirs de ces amitiés passées
Parfois le cas de figure est différent.
Parfois j’essaie désespérément de relancer la machine, mais elle ne prend pas. Parfois je me désole de voir des liens s’étioler alors que pour rien au monde je ne le souhaite.
Parfois, j’ai beau essayer de sauver une amitié, rien n’y fait.
Je parle d’amitiés importantes et précieuses, de personnes qui sont passées dans ma vie comme des étoiles filantes, illuminant le ciel. Des soleils qui ont réchauffé mon quotidien et éclairé mes joies. J’aimerais ne jamais les voir quitter mon horizon.
Et parfois, subitement, je ne vois plus ces lumières briller dans le ciel de ma vie.
Ça m’est arrivé de passer par la surprise, le déni, la colère, la culpabilité. Vous remarquez peut-être que j’ai l’air de parler d’un deuil ? C’est tout à fait le cas.
La fin d’une relation est un deuil à faire. La difficulté réside en ce qu’il s’agit d’un deuil symbolique : la personne n’a pas réellement disparu, et pourtant il faut se faire à l’idée que c’est terminé.
Comme pour le cas précédent, j’essaie de voir plutôt la place que crée dans ma vie la fin de cette relation. Mais bien sûr, j’ai beaucoup plus de mal.
Alors plutôt que de teinter mes souvenirs de nostalgie, de remords ou de rancœurs, je fais en sorte de les chérir, de les ressortir parfois comme un souvenir de la chaleur que ces moments m’ont apportés.
Je me projette aussi vers l’avenir, en espérant que la vie me permettra à nouveau de croiser le chemin de mes « ex » (amis et amies).
Et je vis au présent, en restant ouverte aux nouvelles rencontres et en souhaitant du fond du cœur que cette personne que j’ai aimée profondément est elle aussi heureuse et bien entourée.
Je garde en tête que, si quelqu’un a été une étoile filante dans mon quotidien, de nombreuses autres arriveront, plus ou moins intenses, plus ou moins longues. Et que mon horizon ne sera jamais tout à fait éteint.
La vie n’a pas fini de vous surprendre
Si je perds souvent des amitiés, il est plus rare que je les oublie. Vivre en paix avec cela me permet de ne pas nourrir d’attentes ni d’espoirs sur l’avenir… et surtout d’être agréablement surprise lorsque le hasard remet de vieux copains sur ma route.
Si vous avez l’impression que cela n’arrive que dans les films, je me permets de partager quelques expériences, toutes plutôt récentes.
Lorsque j’étais au collège, j’étais en classe avec une fille. Nous n’étions même pas vraiment amies. Nous avons perdu contact au lycée, puisque j’ai sauté une classe.
Quelques années plus tard, alors que je poursuis mes études supérieures à Avignon, elle me contacte car elle a entendu dire que j’étudiais l’espagnol, et que cela l’intéresse.
Je la renseigne, puis l’aide dans ses démarches d’inscription. Nous nous rendons compte que nous avons bien plus en commun que lors de nos années collège !
Par la suite, j’ai inopinément redoublé. Nous nous sommes retrouvées dans la même promotion, et sommes devenues extrêmement proches.
Plus récemment encore, je suis arrivée chez madmoiZelle et me suis installée à Paris. Un jour, alors que j’étais au bureau, j’ai reçu un texto d’un numéro inconnu.
C’était une jeune fille qui était dans le même internat que moi lorsque j’étais en seconde – mais elle était en première. Cet internat, j’y suis restée moins d’un trimestre, mais nous avions eu le temps, elle et moi, de partager quelques cours de boxe.
Elle m’avait reconnue sur une vidéo de madmoiZelle. Elle me contactait car elle vit à Paris et voulait me proposer que nous nous voyions.
J’ai accepté, et c’est alors qu’elle m’a expliqué « Juliette aussi sera là avec son copain ». Juliette, elle, était en terminale, toujours dans ce même internat. Elle vit entre l’Uruguay et la France depuis un bout de temps, et pas du tout à Paris.
Elle était là, pile le jour où nous nous sommes vues.
Ces deux personnes qui m’ont beaucoup marquée malgré le peu de temps passé ensemble, je ne les avais pas vues depuis presque 6 ans. Nous nous sommes retrouvées par hasard, par surprises, et avec beaucoup de joie et de naturel.
Ce ne sont là que deux exemples, mais j’en ai d’autres !
Alors, lorsqu’une amitié clignote avant de s’éteindre, je sais que ce n’est pas forcément définitif. Cette idée me fait du bien.
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Arrêtons de nous en vouloir quand une amitié se termine
L’amitié comme le couple sont tellement considérés comme primordiaux, dans notre société, qu’auparavant je vivais ces ruptures comme des échecs.
L’impression de n’avoir pas été assez présente ou au contraire envahissante et trop exigeante me taraudait. Je me demandais ce qui n’allait pas chez moi, pourquoi ces gens que j’ai chéris ne voulaient plus de moi dans leur vie.
Je me suis aperçue que le problème ne venait pas de celle que je suis. D’ailleurs, je me suis aperçue que ce n’est pas un problème.
Les va-et-vient des relations sont changeants, c’est bien normal : c’est ce qui caractérise la vie et l’oppose à l’inertie de la mort.
D’ailleurs, depuis le début de cet article, j’ai parlé de « perdre » des amitiés, mais je ne le vois en fait pas comme cela.
La fin n’est selon moi pas une perte : chaque amitié, en cours ou achevée, m’a toujours apporté beaucoup plus que ce que j’ai « perdu ».
Au lieu de « perdre une amitié », je préférerais utiliser des termes comme « accepter la fin d’une relation » ou « laisser nos chemins prendre des caps différents ».
Et qui serais-je pour m’approprier des personnes au point de pouvoir considérer que je les ai « perdues » ?
Non, pour moi, rien ne s’arrête lorsqu’une amitié prend fin : elle vit dans mes souvenirs et laisse de la place à de nouvelles relations. C’est au contraire un commencement !
Toutefois, savoir que mes relations auront une fin me permet de les chérir et de les choyer.
Et vous, comment vivez-vous la fin de vos amitiés ?
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