Voilà quelques mois, je prends nonchalamment un bain de soleil quand ma fille, 5 ans, surgit en criant que le lapin est mort. Mi-suspicieuse, mi-paniquée, je me précipite vers Tinder (ça ne s’invente pas !). Je le trouve alors les quatre fers en l’air et l’œil (ouvert) dépourvu de vie. Pas de doute possible, le mammifère lagomorphe a bien rendu l’âme, et devant le regard attristé de ma fille, je comprends qu’il est temps d’aborder ce sujet si crucial qu’est la mort.
Parler de la mort avec ses enfants, une mission délicate
Une mission délicate qui s’accompagne d’une foule de questions. Faut-il par exemple lui parler à cœur ouvert ? Si oui, quels mots employer ? Y a-t-il un bon âge pour le faire ? « Il n’y a pas de protocole précis à suivre, juste un conseil à garder en tête : la vérité vaut mieux qu’un mensonge, même si celui-ci, dans son intention première, serait de vouloir protéger ses proches, répond d’emblée le psychologue Simon Gessiaume que j’ai appelé à la rescousse.
Concernant le choix des mots, ce dernier recommande d’adopter un vocabulaire limpide et adapté à l’âge de l’enfant. Des termes « sans ambiguïté », complète Sophie Gidrol, palliatothérapeute et auteure du site Duntempsalautre.com. « Dites notamment « Papy est mort » au lieu de « Papy est parti » ou « Il nous a quittés ». Vos explications doivent aussi être en adéquation avec ce que vous pensez de la mort. En clair, restez vous-mêmes sans chercher à minimiser la réalité. »
Mort des proches : le bon timing
Face à la perte d’un être cher, nous ne sommes pas égaux. Selon notre personnalité, notre vécu, nos antécédents familiaux, notre âge, nos réactions diffèrent d’un individu à l’autre. Du silence, des larmes, de l’incongru… telles peuvent aussi être les réactions des enfants.
Il importe de « valider leurs émotions » pour le rassurer. S’ils sentent que ce qui arrive est décrit sans gêne, ils accepteront d’autant mieux le caractère définitif de la mort. Ils apprendront qu’elle est certes un grand bouleversement, mais qu’elle est aussi dans l’ordre des choses. De quoi lui offrir les bons outils pour surmonter les décès qui interviendront dans sa vie.
Malgré son regard éploré, ma fille n’a pas pleuré, mais elle m’a submergé de questions très concrètes, telles que « Pourquoi on meurt ? », « Est-ce qu’on peut revenir après être mort ? », « Où va-t-on ? », « Est-ce que tu vas mourir aussi ? ». Mon job, et celui de tout parent, est d’y répondre. Sans quoi l’imaginaire peut s’emballer et bonjour les nuits d’angoisse à les consoler.
Pour m’assurer un sommeil tranquille, j’ai pris le parti de lui fournir des explications aussi sincères que possible, au besoin, j’ai répété jusqu’à ce que je la sente apaisée. C’était là un autre conseil que m’avait donné Simon Gessiaume, à savoir de prendre le temps de l’échange en s’accordant un moment pour être à l’écoute l’un de l’autre.
Se tenir prête
Qu’on se le dise, ce genre de discussion ne peut pas avoir lieu entre deux portes. Exit donc les quelques minutes précédant le coucher ou le rush du matin avant l’école. De même, il vaut mieux éviter le moment juste après l’annonce, surtout s’il s’agit d’un décès « brutal ».
« L’idéal est d’avoir déjà un peu digéré l’information pour ne pas transmettre un message d’angoisse diffuse à l’enfant », suggère le psychologue de sa voix douce comme mon assouplissant. Attention toutefois à ne pas trop trop repousser l’échéance ! De même, si un membre de la famille est malade et que sa fin de vie est inéluctable, il sera beaucoup plus facile d’« encaisser la nouvelle » s’il a été tenu au courant régulièrement de l’état de santé du proche.
Dans tous les cas, il peut arriver que l’enfant n’ait pas de questions. Ceci ne veut pas dire qu’il n’en aura pas plus tard ou qu’il n’a pas compris l’information. « Il va assimiler, ne rien dire pendant plusieurs jours et d’un coup, cela reviendra. À l’adulte de se rendre disponible pour l’écouter. Par contre, tout changement soudain de son comportement ou de son humeur doit inquiéter. Il peut alors être nécessaire de consulter un tiers », avertit Sophie Gidrol.
Reste la question du corps : l’autoriser à le voir ou pas ? L’emmener à l’enterrement ou pas ? Cette démarche relève du choix de chacun. Ce qui compte est de lui laisser la possibilité, s’il le souhaite, de venir voir l’être qu’il a aimé ou de lui faire un dernier adieu à la cérémonie ou au cimetière. Toutes ces paroles adressées au défunt et à l’entourage sont précieuses pour l’aider dans le processus de deuil.
Quant à moi, j’ai profité d’un moment d’inattention de ma fille pour faire « disparaître » le lapin, un léger pincement au cœur tout de même. Morale de l’histoire : la prochaine fois, j’adopte un blob (ça meurt les blobs ?).
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