Alors qu’approche l’élection présidentielle de 2022, le Rassemblement National arrange sa vitrine et joue la carte de l’intime. Tout sourire, Marine Le Pen mentionne les chats qui partagent son quotidien alors que Zemmour sort les griffes.
Pour étendre son électorat, le parti doit draguer les femmes mais aussi les votants et votantes LGB — lesbiennes, gay, bi. Mission impossible ? Rien n’est moins sûr.
Les LGB soutiennent de plus en plus l’extrême droite
Le constat est édifiant. Dans une enquête commandée par Têtu, l’Ifop montre que 16% des personnes homosexuelles et bisexuelles interrogées sont prêtes à voter pour le RN à la présidentielle. 16%, c’est plus que les estimations de 2017 et 2012.
Les candidatures d’Éric Zemmour, Marine Le Pen et Nicolas Dupont-Aignan cumulent 30% d’intentions de vote. Résultat, l’électorat hétérosexuel et LGB soutiennent tous deux le parti d’extrême droite dans les mêmes proportions. Et ça n’a pas toujours été le cas.
Bien sûr, de nombreuses personnes LGBT s’en soucient. Selon ce rapport commandé par Têtu, la victoire du RN reste redoutée par une large partie de la communauté dont l’ancrage à gauche reste fort.
Dans le sondage ci-dessous, l’Ifop interroge les personnes LGBT sur leur inquiétude pour leurs droits en cas d’élection des candidats à la présidentielle. Si Éric Zemmour cristallise de grandes inquiétudes, une victoire de Marine Le Pen apparaît aussi comme une menace pour 59% des sondés et sondées.
Pourquoi parler d’un vote LGBT ?
Les personnes LGBT sont-elles des électeurs et électrices comme les autres ? Y a-t-il quelque chose de spécifique dans leur expérience politique pour que la question d’un vote LGBT se pose ?
Pour Mickael Durand, oui. Interrogé par Madmoizelle, ce chercheur en sociologie politique à Sciences Po montre que l’expérience homosexuelle est suffisamment forte pour politiser quelqu’un ; de plus, les électeurs gays et les électrices lesbiennes reproduisent moins le vote de leurs parents que le reste des votants. Les rencontres sexuelles, amoureuses et militantes tendent à changer la façon de penser (et de voter) de nombreuses personnes LGB.
« L’homosexualité va être une expérience sociale assez forte à travers différents aspects : le militantisme, les rencontres à la fac, boire des coups dans un espace communautaire, le couple… Différentes expériences liées au vécu sexuel vont contribuer à faire émerger des formes de conscientisation. »
Il reste compliqué, comme vous le constatez, d’obtenir des données sur le vote des personnes transgenres et/ou intersexes. Les études statistiques sont rares, la problématique des papiers d’identité freine potentiellement l’accès au bureau de vote…
L’expérience qu’elles font de la société diffère pourtant grandement de celles des LGB et leurs intentions de votes seraient passionnantes à connaître.
Mais faute de données, cette analyse se cantonne donc aux votes gay, lesbien et bisexuel pour l’extrême droite. Et les niveaux atteints sont stupéfiants.
Un vote masculin ?
Le constat de cette montée n’est pas nouveau. Des personnes homosexuelles ou bisexuelles expriment leur soutien pour l’ex-Front National depuis des années. Il y a dix ans, Didier Lestrade, journaliste et co-fondateur d’Act Up-Paris, analysait le vote LGBT en faveur des parties de droite. Sa conclusion ? Plus qu’un vote LGBT, il s’agit d’un vote gay et bisexuel, un vote masculin.
En 2019, François Kraus montrait en effet que les lesbiennes et bisexuelles étaient plus marquées à gauche et à l’extrême gauche. Dans l’introduction d’un rapport sur les intentions de vote LGBT aux élections européennes, le directeur du pôle politique de l’Ifop percevait donc la dimension genrée du vote.
Sauf que depuis 2019, les choses ont changé. Si les électrices lesbiennes ne concèdent que 3% d’intentions de vote à Éric Zemmour, perçu comme un candidat misogyne, Marine Le Pen suscite l’assentiment de 21% des lesbiennes interrogées (contre 16% chez les gays). La percée de l’extrême droite dans les rangs de la communauté LGBT va donc au-delà des seuls électeurs gays et bisexuels.
Le paradoxe d’un vote LGBT+ en faveur du RN
Pourquoi s’interroger sur cette percée de l’extrême droite dans les cercles LGB ? Tout simplement parce qu’il y a longtemps déjà que le parti d’extrême droite est coutumier des « dérapages » de ses petits candidats, notamment sur la question de l’homosexualité.
Les sorties tristement célèbres de Jean-Marie Le Pen témoignent d’une longue tradition propre au FN (devenu RN en 2018) : celle des propos outranciers et insultants à l’égard des minorités.
Il déclarait en 1995 « Il doit y avoir des homosexuels au FN » avant de préciser « mais il n’y a pas de folles, les folles on les envoie se faire voir ailleurs. »
Cas pratique la même année : le 29 août, Jean-Claude Poulet-Dachary, adjoint au maire FN de Toulon, est assassiné. L’homme politique était un habitué de l’Olympe, un bar gay, et revendiquait ouvertement son homosexualité. Cette même homosexualité que Jean-Marie Le Pen qualifiait « d’anomalie biologique et sociale ». Imaginez le malaise au moment de l’enterrement de Poulet-Dachary.
Si on s’entend répondre qu’il y a prescription, il faut avoir à l’esprit que l’homophobie des élus RN n’a rien perdu de sa violence.
« Ces sales gouines sont vraiment moches, en effet, quel est le mec qui voudrait d’elles ? À part les blacks et les rebe (sic) » tweet Chantal Clamer, candidate Front National à Pamiers en 2015. Interrogée, l’élue évoque une méprise.
La même année, Louis Noguès, du même parti, s’étonne au beau milieu du Conseil municipal du Mans qu’il n’y ait pas de référence à la zoophilie dans l’acronyme LGBT. La stratégie de dédiabolisation, si chère au FN post-Jean-Marie Le Pen, prend un coup dans l’aile. Le parti a pourtant toujours cultivé cette ambiguïté à l’égard des homosexuels.
Le diable se cache dans les détails
En 2016, Marie-Pierre Bourgeois, journaliste, signe un livre particulièrement fourni : Rose Marine. L’autrice y analyse l’évolution de la place de l’homosexualité au FN en interrogeant de nombreux cadres du parti, notamment ceux qui sont out et qu’elle appelle « la jeune garde de Marine le Pen ». Elle montre les contradictions du FN sur le sujet. Dans cet essai, Marie-Pierre Bourgeois se questionne :
« Faut-il être un intime de Marine le Pen pour que son homosexualité ne soit pas considérée comme gênante ? Le FN accepte-t-il les homosexuels si et seulement s’ils oublient toute revendication politique d’égalité des droits et restent discrets sur leur vie privée ? »
L’autrice montre les ambivalences d’un parti dont le siège est surnommé « La Cage aux Folles » (souvent par des militants qui déplorent la présence d’hommes gays et bisexuels à la tête du parti) mais dont de nombreux discours trahissent une hostilité aux droits des personnes LGBT+.
« Nous nous opposerons donc à toute demande de création d’un mariage homosexuel et/ou d’une adoption par les couples homosexuels ».
C’est écrit noir sur blanc dans le programme politique du Front National pour 2012, cité par Marie-Pierre Bourgeois (mais qui n’existe plus en ligne). Dans le programme de la campagne présidentielle suivante, celle de 2017, il était encore question de remplacer le mariage pour tous par un « pacs amélioré ».
Pour 2022 ? Silence radio. Pourquoi le parti a-t-il décidé de faire table rase de ses propres propositions ?
En 2022, le RN ne peut plus s’offrir le luxe de l’ambiguïté sur les minorités sexuelles
Pour Marie-Pierre Bourgeois, Marine Le Pen ménageait deux lignes au sein du RN : une ligne sécuritaire au vernis progressiste, comme une forme de conservatisme à la carte, et une autre plus traditionnelle, plus dure, incarnée par sa nièce.
À l’époque, Florian Philippot, ouvertement gay, est l’un des plus proches conseillers de Marine Le Pen alors qu’en 2016, Marion Maréchal (Marion Maréchal-Le Pen, à l’époque) a pu assumer de virulentes sorties LGBTphobes — dans les rangs de la Manif pour Tous comme dans un déplacement en Italie, l’ancienne députée FN martelait que le mariage entre homosexuels était la porte ouverte à de nombreuses dérives, comme la polygamie.
En janvier 2015, on l’entendait au meeting de Rouen dénoncer les pressions « des lobbies communautaires » en faveur du mariage homosexuel et affirmer « sans ambiguïté » son opposition. La dirigeante du parti d’extrême droite s’est en revanche abstenue de scander aux côtés de sa nièce les slogans rétros de la Manif pour Tous.
Sauf qu’avec l’arrivée d’Éric Zemmour dans le champ politique, cette stratégie de la double ligne du parti en a pris un coup. Et le 7 mars dernier, Marion Maréchal a officialisé son soutien pour le candidat de Reconquête.
Zemmour peut donc porter pleinement sa lutte contre un supposé « lobby LGBT ». De son côté, Marine Le Pen cherche une nouvelle ligne politique, plus en phase avec ses ambitions d’ouverture du parti.
Les LGBTphobies passent moins bien en 2022, mais la xénophobie, ça va
Dans notre podcast Un coup de pied dans les urnes, Maëlle Le Corre, journaliste politique chez Madmoizelle, expliquait à quel point il pouvait être plus facile — sinon plus opportun — pour les candidates à cette présidentielle de se (re)positionner sur des thématiques féministes et LGBT+ friendly, surtout face à Éric Zemmour, accusé d’agression sexuelle par huit femmes.
La candidate Les Républicains, Valérie Pécresse, exprimait ainsi des doutes sur les motivations de la Manif pour Tous… des années après y avoir elle-même participé. Il en va de même pour Marine Le Pen qui a lissé son discours.
Plutôt que de taper directement sur la communauté, cette dernière a trouvé une cible bien plus consensuelle pour l’électorat conservateur : les immigrés. Car depuis longtemps, à la tête du Rassemblement National, une stratégie est à l’œuvre. Celle du conflit de civilisation. Les minorités sexuelles (blanches) deviennent les victimes à protéger dans la rhétorique du parti. Leurs bourreaux supposés sont les populations immigrées, auxquelles on confère le monopole de l’intolérance.
Même stratégie pour les femmes et les LGBT
Cette stratégie du RN qui consiste à se poser en défenseur d’une minorité au détriment d’une autre n’est pas sans rappeler celle que le parti a déployé sur la question du droit des femmes. Études sociologiques à l’appui, Médiapart a montré que face à la candidature d’Eric Zemmour, Marine Le Pen cherchait à conquérir le vote des femmes.
Cette rhétorique « fémonationaliste » consiste à opposer une société occidentale prétendument tolérante où les femmes sont libres et respectées à des envahisseurs supposés, des migrants porteurs de valeurs radicalement opposées aux nôtres.
« J’entends de plus en plus de témoignages sur le fait que dans certains quartiers il ne fait pas bon être femme, ni homosexuel, ni juif, ni même français ou blanc. »
Marine Le Pen, le 10 décembre 2010, à Lyon.
Et la stratégie s’avère payante : le vote féminin en faveur du FN a été multiplié par 4 entre 1988 et 2017, au point qu’aux dernières élections présidentielles le vote pour le parti d’extrême droite devienne majoritairement féminin.
Et comme l’indique Marie-Pierre Bourgeois dans son livre, Marine Le Pen doit diversifier sa base électorale pour avoir une chance de remporter les présidentielles en y intégrant celles et ceux qui ne votent pas encore pour elles : « les plus diplômés, les urbains, ceux qui se sentent porteurs des valeurs d’ouverture et de tolérance ».
L’essor du discours homonationaliste
Pour draguer l’électorat LGB, la recette reste la même que pour les votantes. On oppose une société occidentale où chacun est libre de vivre pleinement sa sexualité à des cultures du Moyen-Orient, homogénéisées et fantasmées, où le corps est contrôlé, surtout celui des minorités. Pour théoriser cette opposition caricaturale, l’universitaire américaine Jasbir K. Puar parle d’homonationalisme, contraction d’homosexualité et nationalisme.
Selon Puar, l’homonationalisme correspond à l’articulation de trois phénomènes.
« L’exceptionnalisme sexuel américain »
L’idée est simple : les Etats-Unis (et les pays occidentaux, par extension) seraient un paradis pour les personnes LGBT+, un pays qui garantit la liberté de chacun, de chacune, quelle que soit son identité sexuelle.
La chercheuse Jules Falquet rappelle pourtant que la sodomie entre adultes consentants est interdite dans certains États américains. Et la Floride vient tout juste de montrer, avec la loi « Don’t say gay », que l’homophobie structurelle a encore pignon sur rue.
« La normalisation du queer »
Comprenez l’embourgeoisement des personnes LGBT+. Les personnes LGB sont bien plus visibles et acceptées qu’elles ne l’étaient il y a quelques années. Avec l’accès au mariage, institution bourgeoise par excellence, la normalisation s’est encore accélérée en France.
Les marginaux et marginales d’hier deviennent des citoyens et des citoyennes comme les autres.
« Le renforcement ou le privilège accordé à la blanchité »
C’est-à-dire exiger des personnes LGBT+ racisées qu’elles choisissent entre deux pans de leur identité. Si elles sont LGBT+, pas question pour elles de revendiquer les questions raciales.
Un homonationalisme à la française ?
Jules Falquet a tenté de repenser ce terme d’homonationalisme — marqué par les politiques américaines post-11 septembre 2001 — dans un contexte français où le queer a une histoire différente. Car pour elle, c’est bien dans cet imaginaire homonationaliste que s’inscrit le discours de Marine Le Pen en faveur des LGB.
En vérité, la dirigeante du RN ne fait qu’appliquer les méthodes des partis d’extrême droite norvégiens et néerlandais. Aux Pays-Bas, Geert Wilders, le leader du Parti pour la Liberté, un des plus conservateurs du pays, a ainsi fait du discours sécuritaire un moyen de refondre les thématiques progressistes dans son imaginaire politique. Dans son programme de 2010, le parti néerlandais impute donc les LGBTphobies aux personnes musulmanes.
Pour Jules Falquet, cette méthode développe une « image de supériorité morale, de supériorité civilisationnelle de l’Occident » sur le reste du monde.
Les victimes de ce vote RN sont aussi… LGBT+
Si les personnes LGB sont perméables à la xénophobie ambiante, il ne faut pas oublier qu’une partie de la communauté en fait directement les frais. Sous-représentées dans les milieux militants et présumées hétérosexuelles, les personnes LGBT+ racisées sont l’angle mort des discours homonationalistes.
Dans son travail sur les « queers non blanc·hes », l’universitaire Najwa Ouguerram-Magot parle de « conflit d’allégeance » pour évoquer la difficulté à porter cette casquette de double minorité. L’intersection est d’autant moins visible qu’elle se cumule parfois à une précarité et une irrégularité administrative — car oui, certaines personnes LGBT+ n’ont pas le droit de vote en France et payent cependant plein pot le choix de certains membres de la communauté.
Dans la rhétorique du RN, les minorités sexuelles racisées sont-elles victimes ou bourreaux ? Existent-elles seulement ? La question mérite d’être posée à l’heure où les personnes issues de l’immigration africaine sont perçues comme plus homophobes, bien que des travaux universitaires (comme celui de Damien Trawale sur l’homophobie dans les communautés noires) brisent cette idée reçue.
Ces travaux montrent en tout cas qu’il est impossible de parler d’un seul vote LGBT+. Les intérêts au sein de la communauté divergent souvent — en raison du genre, de la classe, de la génération, de la religion ou encore de la race sociale. Jules Falquet pointe la ségrégation croissante au sein de la communauté à cause de laquelle ses membres peinent à se projeter dans la réalité des autres.
Être LGBT, un sujet privé ?
Des LGBT+ sont même en rupture avec le reste de la communauté. Au point de considérer qu’ils n’en font pas partie. Au RN, les homosexuels sont ainsi les bienvenus, pourvu qu’ils ne soient pas « communautaires » (ou revendicatifs). La communauté est suffisamment divisée pour que cette rhétorique fonctionne.
De nombreux homosexuels (mais aussi et surtout de nombreux bisexuels) refusent de conférer à leur identité sexuelle une charge politique. Après tout, n’est-ce pas un sujet privé ? Qui est concerné par ce que les gens font dans leur chambre à coucher (ou ailleurs) ?
C’est d’ailleurs la réponse de Sébastien Chenu, cofondateur de GayLib (l’association de défense des droits LGBT+ marquée à droite) à Marie-Pierre Bourgeois quand elle l’interroge sur la réaction d’Aymeric Chauprade, Bruno Gollnish et Marion Maréchal quant à son arrivée au FN en 2014.
« Je leur ai expliqué que personne ne pouvait être réduit à sa sexualité. Je leur ai parlé de mon parcours et je leur ai montré que je n’étais pas communautaire. »
C’est là une preuve de l’hypocrisie du RN pour Jules Falquet. Ses membres « s’autorisent, en bons privilégiés, pour eux-mêmes des choses qu’ils interdisent aux gouvernés ».
La normalité à tout prix
Du côté des électeurs, il s’agit surtout de rentrer dans le rang, d’être conforme aux normes sociales.
Mickael Durand a interrogé de jeunes homosexuels opposés au mariage pour tous et ancrés à droite ; le sociologue montre que souvent, des minorités se montrent plus conservatrices, plus radicales pour mieux correspondre aux attentes de la société. Ils essaient « de se faire plus royalistes que le roi », résume-t-il.
Ainsi, des gays vont parfois sortir des propos particulièrement virulents à l’encontre de la communauté LGBT+.
« Quand on est socialisé dans un monde hétéronormatif, en tant que gays et lesbiennes, on est socialisé à une infériorité qu’on intériorise ; en gros, les parcours de politisation, c’est choisir ce qu’on fait de cette infériorisation. »
Mickael Durand
Ces minorités sexuelles conservatrices vont d’ailleurs parfois imputer le rejet qu’elles subissent aux militants LGBT+. Comme si les militants qui venaient mettre en cause l’ordre social créaient l’homophobie « en agaçant les “normaux” », explique Mickael Durand.
Les thématiques LGBT+ au second plan
Plus simplement, des électeurs gays et bisexuels de la droite conservatrice relèguent leur orientation sexuelle au second plan derrière des thématiques jugées plus importantes.
Selon le sociologue, les homosexuels conservateurs mettent en avant d’autres pans de leur identité, quitte à risquer la contradiction en votant pour un programme qui ne défend que certains de leurs intérêts. On peut imaginer que c’est aussi parce que certains parmi eux adhèrent à la rhétorique homonationaliste du RN.
Après les votes sur la PMA, sur le mariage pour tous et la fin des thérapies de conversion, il semble que les candidats et candidates aient écarté les enjeux LGBT+ de la campagne. On comprend aisément que les décisions des votants se déportent sur d’autres thématiques. Jules Falquet reconnaît :
« C’est aussi un problème d’offre politique. Si personne, de toute façon, ne défend particulièrement les droits des femmes et les droits LGBT+, voter pour [le RN] ou quelqu’un d’autre, finalement… »
Des analyses plurielles et contradictoires
Les raisons avancées par la sociologie politique pour expliquer le vote LGB en faveur du RN sont nombreuses — et restent souvent hypothétiques.
Restent deux logiques bien distinctes chez les votants LGB pour le parti d’extrême droite. D’un côté, un vote pour lequel l’orientation sexuelle n’a pas d’importance, que ce soit par contestation ou pour privilégier d’autres enjeux jugés plus importants. De l’autre, un vote justement en raison de l’orientation sexuelle.
C’est là le tour de force de la rhétorique homonationaliste : repolitiser l’identité LGBT+… but make it d’extrême-droite.
Ce que l’étude de l’Ifop montre de toute façon, c’est la difficulté à donner une explication simple et unique pour une communauté aux intérêts parfois opposés et aux modes de vie très différents.
En vérité, l’engouement pour le RN s’inscrit aussi dans une dynamique qui dépasse la seule communauté LGBT : celle d’une longue dépolitisation du jeu politique, et notamment du vote. Les personnalités prennent plus d’importance que les programmes. Une logique qui va de paire avec la stratégie de dédiabolisation du RN.
Difficile de balayer l’importance de l’image dans le débat électoral d’un revers de la main. Marine Le Pen et ses chats n’ont-ils pas touché les téléspectateurs d’Ambitions intimes, l’émission de Karine Lemarchand ?
Victime, bouc émissaire ou angle mort des partis, la communauté LGBT+ permet aux politiques de se positionner, de se repositionner auprès d’un électorat. À travers les discours qui la concerne se dessinent des projets politiques.
Reste aux votants lesbiennes, gay, bisexuels, transgenres la charge d’installer un rapport de force pour faire bouger les lignes et s’installer durablement dans l’agenda politique.
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Les Commentaires
Je tiens cependant à féliciter aussi @Maëlle Le Corre, notre rédac société, qui l'a solidement épaulé sur ce papier !