« La guerre est totale » a déclaré ce matin le ministre de Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian au micro de France Inter. Une guerre aux portes de l’Europe et aux répercussions mondiales.
Depuis ce jeudi 24 février, la Russie a lancé une opération militaire d’une ampleur sans précédent en Ukraine.
Des frappes aériennes ont débuté, des troupes au sol ont commencé à pénétrer sur le sol ukrainien. Des bombardements ont retenti cette nuit dans plusieurs grandes villes notamment à Kiev, la capitale. Et ce ne sont pas que les infrastructures militaires qui sont visées.
« On ne voulait pas y croire, surtout à Kiev et Odessa, où l’on n’imaginait pas que les forces russes pourraient frapper. C’est mon père qui est venu me dire que c’était bien une explosion, qui visait l’aéroport », témoigne Natalia auprès de 20 Minutes.
Actuellement, les habitants et habitantes de Kiev tentent d’évacuer la ville.
La réécriture de l’Histoire de Vladimir Poutine
Malgré les tentatives de faire redescendre la tension avec la Russie, les rencontres avec plusieurs chefs d’État occidentaux n’y ont rien changé.
L’opération militaire a débuté ce jeudi 24 février. Dans une allocution glaçante, le président russe Vladimir Poutine a affirmé vouloir « protéger les personnes victimes de génocide de la part de Kiev » et engager « une dénazification de l’Ukraine ».
« Il fallait vraiment être très aveugle pour ne pas se rendre compte qu’il ne souhaitait absolument pas négocier. » analyse d’ailleurs Pierre Servent expert en stratégie militaire auprès de France Info au sujet de l’attitude de Vladimir Poutine. Selon lui, l’attaque n’a rien de spontané, elle est au contraire prévue de longue date. Dès l’automne dernier, des mouvements militaires russes avaient été repérés à la frontière.
Deux jours avant le lancement de l’opération militaire, dans une autre allocution à la télévision russe, Vladimir Poutine avait reconnu l’indépendance des zones séparatistes pro-russes, les deux territoires ayant fait sécession en 2014, Donetsk et Lougansk.
Car c’est à la lumière de ce qu’il s’est passé il y a bientôt dix ans que l’on peut comprendre l’escalade de ces derniers jours.
En 2014, des manifestations gigantesques éclatent en Ukraine pour protester contre le rapprochement entre son dirigeant Viktor Ianoukovitch, élu en 2010, et la Russie. Ce mouvement pro-européen porte le nom d’Euromaïdan.
Violemment réprimées, les manifestations vont conduire à la destitution du chef d’État. Dans le même temps, Vladimir Poutine annexe le territoire ukrainien de la Crimée, provoquant des combats dans le Donbass, une région à l’est de l’Ukraine qui partage sa frontière avec la Russie, entre des séparatistes russes et les autorités ukrainiennes.
« Pour la plupart des Ukrainiens, la menace d’une intervention russe plus large en Ukraine n’est donc que le dernier épisode d’une guerre inachevée de huit ans », décrypte la journaliste Léa Masseguin dans Libération.
En usant d’un vocabulaire aussi connoté, Vladimir Poutine multiplie aujourd’hui les références à l’histoire récente de l’Ukraine (sa proximité avec l’Allemagne nazie pendant la Seconde guerre mondiale, notamment) et s’en sert pour fédérer autour d’un soi-disant nécessité d’intervenir sur le territoire ukrainien.
Dans les médias russes, à la botte du pouvoir, la propagande va bon train, comme l’explique la spécialiste de la Russie post-soviétique Anna Colin Lebedev à France Info : « Les chaînes affirment que des trains et des bus remplis de néonazis ukrainiens sont sur le point d’arriver dans le Donbass pour pratiquer une extermination de russophones ».
Les États-Unis et l’Europe veulent sanctionner la Russie
Du côté des dirigeants, Joe Biden a annoncé un ensemble de sanctions.
L’objectif est de frapper aux flancs économique et international : « L’agression de Poutine contre l’Ukraine finira par coûter très cher à la Russie, économiquement et stratégiquement. Nous nous en assurerons. Poutine sera un paria sur la scène internationale. Tout pays qui soutiendra l’agression caractérisée de la Russie contre l’Ukraine sera éclaboussé par association » a déclaré le président des États-Unis.
Du côté de l’Union européenne, les 27 entendent aussi toucher la Russie au portefeuille et la priver d’un accès « aux marchés de capitaux et aux services financiers européens », mais aussi l’empêcher de recevoir certaines ressources technologiques.
Un moyen de « saper progressivement la base industrielle du pays » selon la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen.
Selon le ministre des Affaires étrangères français Jean Yves Le Drian, la sécurité du président ukrainien Volodymyr Zelenskyy serait directement et très sérieusement menacée. Ce dernier a décrété la mobilisation militaire générale mais a déploré l’absence de soutien militaire des autres puissances internationales.
Dans une séquence très forte, l’ambassadeur de l’Ukraine au Conseil de Sécurité des Nations Unies s’est adressé froidement à son homologue russe cette semaine, lui demandant devant toute l’assemblée de lui affirmer que la Russie ne bombarderait pas l’Ukraine. L’ambassadeur russe est resté silencieux :
En Russie, des manifestations et des prises de position
En cette fin de semaine, des manifestations pour protester contre l’opération militaire en Ukraine et exiger la paix ont eu lieu un peu partout dans le monde, comme ici à New York :
La Russie connait une mobilisation, mais sans surprise, elle a été réprimée.
Les autorités russes ont arrêté 1700 personnes dans une quarantaine de villes selon l’organisation russe de défense des droits humains OVD Info.
Le très engagé journal russe Novaïa Gazeta a voulu marquer les esprits avec une Une où apparaissent les drapeaux russe et ukrainien avec ces mots : « Nous publierons ce numéro de Novaïa Gazeta en deux langues — ukrainien et russe. Parce que nous ne reconnaissons pas l’Ukraine comme un ennemi, et la langue ukrainienne comme la langue de l’ennemi. »
Un impact mondial, et pas seulement au niveau diplomatique.
Géopolitiques, militaires, économiques… mais pas que. Les répercussions du conflit se retrouvent sur d’autres terrains. Le dernier coup de tonnerre a retenti dans la compétition internationale sportive : la finale de la Champions League prévue à Saint Petersbourg le 28 mai prochain vient d’être déplacée au Stade de France, après une décision de l’UEFA.
Plusieurs événements sportifs prévus en Russie devraient être a minima reportés voire annulés. La Suède a par exemple fait part de son refus d’affronter la Russie, dans le cadre des matchs pour accéder à la Coupe du monde de 2022.
Plusieurs pilotes de Formule 1 ont aussi appelé au boycott du Grand Prix de Russie.
C’est aussi sur l’Eurovision que des retombées sont attendues. Déjà mi février, la candidate de l’Ukraine Alina Pash a retiré sa participation, au motif qu’elle avait falsifié des documents pour se rendre en Crimée en 2015.
Cette semaine, plusieurs anciens et anciennes participantes côté russe comme côté ukrainien, ont pris la parole sur les réseaux sociaux, comme la chanteuse russe Manizha ou la leadeuse du groupe ukrainien Go_A, Kateryna Pavlenko, toutes deux en compétition l’année dernière :
La chaîne de télévision publique ukrainienne UA:PBC a demandé le retrait de la Russie du concours qui doit avoir lieu en mai à Turin.
En France, plusieurs manifestations de soutien au peuple ukrainien ont eu lieu ce jeudi. Alors que la campagne présidentielle bat son plein à quelques jours de la fin de la course aux parrainages, l’actualité internationale de ces derniers jours s’impose dans les programmes.
Un nouveau rassemblement aura lieu ce samedi 26 février place de la République à Paris, à 15h.
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Crédit photo : Andriy Yatsykiv via Flickr
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