Cet article est le deuxième épisode du journal de randonnée de Marie Albert, qui suit son Survivor Tour dans les Pyrénées. Vous pouvez lire le précédent épisode ici :
Ce matin-là, je me réveille dans une autre tente que la mienne. J’ouvre les yeux et je vois sur le matelas gonflable voisin un homme qui me regarde en souriant. Je me penche sur lui et l’embrasse, mais nous devons bientôt nous lever. Nous entendons son ami l’appeler depuis l’extérieur. Ils doivent repartir en randonnée. Nous n’avons dormi que deux heures.
Cette nuit, nous avons fait l’amour dans les douches du camping puis dans sa tente deux places. La mienne est trop petite pour ce genre d’aventures. J’ai rencontré cet homme quelques jours auparavant et malgré la somme de « red flags » repérés, j’ai foncé dans le tas. Je l’ai embrassé après une soirée arrosée et j’ai passé les heures suivantes nue avec lui. J’y ai pris beaucoup de plaisir et je crois que lui aussi.
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Je ne fais plus confiance aux randonneurs
Mais j’ai peur de regretter cette aventure extra-sportive, car la dernière fois que j’ai couché avec un randonneur, l’histoire s’est mal terminée. C’était à l’été 2021, déjà sur mon tour de France à pied. Je longeais alors la presqu’île de Crozon, en Bretagne. J’ai rencontré un homme auquel je me suis attachée trop vite. Nous n’avons passé qu’une nuit ensemble mais j’ai gardé contact et lui ai téléphoné tous les jours pendant trois semaines après ça. Malheureusement, cette personne n’était pas fiable et ne respectait pas mes limites.
Je l’ai donc quitté au bout d’un petit mois mais il ne l’a pas accepté. Il m’a harcelée par téléphone et sur les réseaux sociaux. Puis il a pris le train pour me traquer physiquement sur le chemin où je randonnais (GR34). Après quelques jours, je suis tombée sur lui dans un petit port et j’ai dû porter plainte pour qu’il me laisse tranquille.
Il m’a fallu des mois pour me remettre de cette relation violente. Je ne fais plus confiance aux randonneurs. Mais cet été dans les Pyrénées, c’est différent. Je me sens moins dépendante des hommes. Je n’envisage aucune relation sérieuse. En ce mois de juillet, j’ai donc couché avec un randonneur mais je ne lui donne pas mon numéro. Ce matin-là, il quitte rapidement le camping avec son ami.
Quant à moi, je prends un jour de pause pour me reposer. Je lave tous mes vêtements, je me gave de produits frais et je publie des stories sur Instagram pour informer ma communauté de l’avancée du Survivor Tour. Je pense à mon amoureux d’un soir mais je ne lui écris pas sur les réseaux sociaux.
Je préfère rester seule. Je garde en mémoire ses réflexions sexistes, racistes ou homophobes. Son absence d’éducation féministe. Je refuse de la lui fournir gratuitement. Je veux me concentrer sur mon aventure en solitaire. Je dois traverser les Pyrénées à pied, d’ouest en est. Et depuis mon départ le 1er juillet, j’ai souffert.
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J’avance à mon rythme
Bien qu’entraînée, j’ai subi mes premières semaines au Pays Basque. En partant de Hendaye, le sentier (GR10) grimpe rapidement vers les premiers cols (1 800m, 2 200m, 2 400m). C’est ma première expérience en haute montagne et j’ai du mal à respirer dans les montées. Certaines me prennent cinq heures de temps. Sous une température de 30°C, en plein soleil, je sue de tout le corps, y compris des paupières !
Quant aux descentes, quotidiennes, elles me cassent les jambes et notamment les pieds. Mes ongles d’orteils s’écrasent contre le bout de mes chaussures. À la fin de journée, je compte « à peine » 15 kilomètres parcourus en six heures d’effort, mais c’est largement suffisant. Je prends mon temps et dors dix heures par nuit.
J’arrête de me comparer aux autres randonneurs, notamment aux hommes. Eux tentent de battre des records, de marcher le plus longtemps possible, de multiplier les épreuves difficiles sans pause. Certains se moquent de moi quand je leur dis que je fais un jour de pause après trois jours de marche. D’autres veulent traverser les Pyrénées en à peine 30 jours, quand il m’en faudra plus de 60. J’ai également croisé des hommes blessés qui continuent d’avancer sans se plaindre, malgré la douleur.
Face aux hommes, je pratique l’autodéfense féministe
Leur choix leur appartient mais je souffre également de leurs attaques sexistes et antiféministes. Combien d’hommes me donnent des conseils non sollicités, me font des blagues sexistes « pour rire » ou me demandent de justifier mon féminisme ? Je ne compte plus.
J’ai même rencontré un randonneur de plus de 50 ans qui m’a fait des allusions sexuelles à répétition et en public, sans que personne ne me défende autour. La plupart des personnes que je croise sur le GR10 dans les Pyrénées sont des hommes cisgenres, hétérosexuels, blancs et bourgeois qui se voient comme la norme et me perçoivent comme une anomalie.
Alors, je pratique l’autodéfense féministe, notamment verbale, que j’ai apprise pendant des stages en mixité choisie. J’impose mes limites aux hommes que je rencontre et je m’éloigne lorsque la situation l’impose. Car la fuite est la première des techniques d’autodéfense physique.
Je n’ai plus peur des hommes. Le soir, je rentre dans ma tente et je me roule dans mon sac de couchage sans craindre que l’un d’entre eux me dérange. Je saurai les remettre à leur place, si nécessaire. Et raconter leurs méfaits dans mon podcast Sologamie, dédié aux célibataires qui n’ont besoin de personne…
En attendant le prochain épisode du journal de randonnée de Marie Albert, vous pouvez la suivre sur son compte Instagram, où elle documente son Survivor Tour.
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