Cet article est le premier épisode du journal de bord d’Anouk Perry sur un voilier queer et féministe. Vous pouvez lire les épisodes suivants ici :
Il y a quelques mois, ma vie a connu une sorte d’effondrement. Ça a commencé par une rupture amoureuse, suivie quelques semaines plus tard du non-renouvellement d’un contrat professionnel, les deux menant, je le savais, à un déménagement forcé comme je n’avais plus du tout les moyens de payer mon appart’ parisien.
Sans accroche, sans enfant, sans crédit, et avec quelques sous de côté, j’ai réalisé qu’au milieu de cet ouragan, le moment était venu de réaliser un rêve qui me poursuivait depuis l’adolescence : faire un grand et long voyage.
J’ai tout d’abord pensé à aller en Asie du Sud-Est, ou bien en Amérique du Sud, mais l’idée de prendre l’avion me chagrinait. Après tout, j’avais le temps, donc autant prendre des moyens de transport moins polluants, comme le voilier par exemple…
Les voyages en voilier m’avaient toujours fait rêver, tout en me semblant impossible d’accès, car trop chers et demandant trop de compétences que je n’avais pas. J’ai grandi en ville, je n’ai jamais connu de marin, ce n’était dans ma tête juste « pas pour moi ». Mais après avoir décidé de me renseigner pour voir s’il existait d’autres solutions, j’ai rapidement trouvé une piste qui pouvait fonctionner.
Comment trouver un voilier pour naviguer pour les nul•les
La plupart des voiliers nécessitent d’être plusieurs pour pouvoir les manœuvrer, et de nombreux skippers cherchent à agrandir leur équipage afin de se relayer, notamment lors de longues navigations. Une traversée de l’Atlantique, par exemple, peut prendre de 2 à 4 semaines !
On parle alors d’être recruté comme « équipier », c’est-à-dire que l’on intègre le voyage en échange d’aide à la navigation, mais aussi à l’entretien du bateau, à la cuisine, au ménage, etc. En général, il est bien vu d’avoir fait des stages de navigation avant de se lancer. Personnellement, j’en avais fait trois par le passé (avec les Glénans et l’UCPA), mais certains bateaux acceptent cependant les débutants.
Et sur la question d’où est-ce qu’on trouve ce bateau, eh bien, il y a plusieurs techniques.
Se rendre dans un port… Ou sur internet
La première est de se rendre dans un port, et de tout simplement proposer aux skippers présents d’embarquer avec eux. Certains voyageurs impriment et déposent des annonces bien en évidence à l’entrée de la marina, indiquant leur expérience de navigation et leur souhait de destination.
Vivant encore à Paris au début de mes recherches, cela me semblait un peu trop compliqué, alors je me suis tournée vers internet et les très multiples annonces que l’on peut y trouver sur des sites gratuits ou des groupes Facebook.
Quelques jours à peine après le début de mes recherches, j’ai trouvé mon premier plan de voyage : un couple me proposait de l’accompagner pour une transatlantique. Un de mes rêves, j’avais du mal à y croire !
Sauf que dans le même temps, je suis tombée sur un groupe Facebook dédié à la sécurité des femmes en mer et là, je suis tombée de haut.
Au milieu de la mer, il n’y a pas d’issue
La mer est un milieu dangereux, et il est évident qu’il faut s’assurer des compétences du ou de la capitaine, ainsi que des équipements à bord pour éviter tout accident fatal.
Mais au-delà de ce risque, le monde de la navigation n’est pas exempt de sexisme, de cas d’agressions sexuelles ou encore de viols. La spécificité du bateau, c’est que les espaces sont très restreints et qu’une fois au large, il est impossible de s’enfuir. Le Guardian a récemment écrit un article sur ce sujet trop peu traité.
Pour prévenir les futurs équipiers et éviter au maximum que les cas ne se répètent, Leila Gold, la créatrice du groupe Facebook Safety Precautions for Female Crew on Leisure Boats, a lancé une page Patreon avec un système de « blacklist » des skippers accusés par d’autres membres d’agressions. Le système est simple : vous lui donnez 1€, elle vous communique en échange des informations sur le skipper avec lequel vous êtes en contact, et notamment s’il a déjà été rapporté comme étant dangereux.
Des règles de sécurité à suivre avant d’embarquer sur un bateau où on ne connaît personne
Je l’ai contactée pour connaître son avis sur le couple qui me proposait la transatlantique. Une heure plus tard, elle m’a répondu de fuir, l’homme ayant été accusé d’agression, une plainte étant en cours.
La découverte de Triton, un bateau queer, féministe et safe
À la suite de ce plan bien heureusement évité, j’ai décidé de changer d’approche. Je n’étais plus du tout rassurée à l’idée d’embarquer avec un homme inconnu, et il fallait que je trouve une alternative.
C’est là que je suis tombée sur le post Facebook d’un voilier nommé Triton, se présentant comme un projet queer, féministe, ouvert uniquement aux « FLINTA+ » (un acronyme allemand signifiant Femmes, Lesbiennes, Intersexes, Non-binaire, Trans et Agenre… Bref, toutes les personnes qui ne sont pas des hommes cis) et cherchant à recruter des équipier•es entre avril et octobre.
Ce bateau propose à toute personne souhaitant naviguer un espace safe et inclusif, le bateau navigant sur cette période autour de l’Europe. Il est conseillé de rejoindre le bateau au moins 2 semaines, mais il est possible de rester plus longtemps… Après avoir lu l’ensemble de leur FAQ, je me suis dit que ça serait un super point de départ à mon voyage.
Ni une ni deux, j’ai répondu à leur formulaire pour les rejoindre et après quelques échanges, nous nous sommes accordé•es pour que j’embarque sur Triton début mai pour un mois et demi pour rejoindre ensemble l’Espagne puis le Portugal depuis Pornic, en Loire-Atlantique… L’aventure allait enfin commencer !
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