Il y a quatre ans, lors d’un road trip entre la France et la Laponie, j’ai découvert ma passion pour le voyage en même temps que mon amour des régions nordiques. Ces deux semaines ont été un premier pas, un déclic qui m’a poussée depuis à reprendre inlassablement la direction du Nord. Mais ce n’était jamais assez ! Alors, l’hiver dernier, je suis partie vivre plus de cinq mois en Laponie. Entre volontariats et voyages, cette expérience a bouleversé mon regard sur le monde.
À lire aussi : Carte Postale du Vietnam – mon road trip en moto
La préparation
L’idée de départ était donc de passer du temps au-dessus du cercle polaire. Beaucoup de temps. Le plus possible. En fait, jusqu’à ce que je n’en ai plus envie… Mais comment rendre ça possible avec mes quelques économies de vendeuse en boulangerie ? La solution s’est imposée : faire du volontariat. Alors que le bénévolat n’a aucune contrepartie, les « volontaires » travaillent sans rémunération financière mais avec une compensation (le logement et la nourriture, la plupart du temps).
Plusieurs sites Internet mettent en relation les hôtes et les voyageurs dans le monde entier : wwoof est le plus connu mais restreint à l’agriculture bio, tandis que helpX et workaway sont eux beaucoup plus ouverts. Après quelques messages échangés sur ce dernier, j’avais trouvé deux endroits où m’installer, deux pieds-à-terre au Nord du cercle polaire. Il ne me restait plus qu’à réserver un billet d’avion et remplir mon sac de vêtements chauds !
À lire aussi : Ode au bénévolat, qui m’a appris tant de choses
Tout quitter
Ce n’est qu’au moment du départ que j’ai vraiment réalisé ce que j’étais en train de faire. Démissionner, voir un quotidien établi depuis trois ans s’émietter, dire au revoir aux amis, à la famille, terminer une relation commencée à peine un mois plus tôt… Non, en montant dans l’avion je n’en menais vraiment pas large.
Je garde encore en mémoire ces quelques mots d’un ami de longue date, qui avait parfaitement saisi mon dilemme :
C’est bien, que tu sois triste… ça veut dire que t’es heureuse ici. Mais si tu pars, c’est aussi parce que t’en as envie !
Je me suis déracinée sans trop savoir ce que je partais chercher, avec la simple conviction de suivre mes rêves.
La découverte
Mon premier volontariat s’est déroulé dans un petit village au nord de la Finlande. J’ai eu la chance incroyable qu’une de mes meilleures amies m’y rejoigne, emballée par l’idée de vivre avec moi cette nouvelle expérience. On est arrivées là-bas sans savoir précisément ce qu’on y ferait, juste qu’on serait accueillies par une artiste Same (appartenant au peuple autochtone de Laponie) pour travailler dans sa guesthouse (sorte de chambre d’hôte) et dans sa boutique. On a découvert une femme haute en couleurs, débordante d’énergie et pleine d’idées : il ne nous a pas fallu longtemps pour comprendre qu’on n’aurait pas un rôle bien défini ici. Il y avait tant à faire, tant à apprendre !
Pendant six semaines, nos journées ont été remplies par des activités variées : gérer les réservations de la guesthouse, accueillir les clients, faire du pain, servir le petit déjeuner, nettoyer les chambres, déneiger le parking, faire les courses, tenir la boutique d’artisanat et y fabriquer des bijoux, jouer les guides touristiques, prendre des photos et faire des flyers…
On s’est adaptées à la vie du Nord, émerveillées de voir la nuit polaire s’installer alors que le thermomètre oscillait autour de -25°C. Pendant nos temps libres, on s’est beaucoup promenées, on a souvent scruté le ciel et plusieurs fois admiré les aurores boréales ; le froid engourdissait nos joues et nos yeux pétillaient.
On a saisi chaque occasion, profitant d’une voiture qui quittait le village pour découvrir les alentours, ou accompagnant une musher qui devait entraîner ses chiens de traineau. On a créé des liens avec les gens de là-bas, on avait une deuxième famille, on était simplement heureuses d’être là. Et puis le temps a filé. Il a fallu dire au revoir à cette vie et, à nouveau, le départ était un déchirement.
À lire aussi : J’ai testé pour vous… un semestre d’Erasmus en Finlande
L’interlude en France
J’avais décidé de couper mon hiver au Nord pour passer les fêtes de fin d’année avec mes proches. Le retour a été brutal : je reconnaissais l’entourage sans m’y retrouver moi-même. Je me suis sentie terriblement mal à l’aise dans les rues bondées en période de Noël, toute cette ambiance me dégoûtait, je n’y voyais plus qu’une société de consommation omniprésente, dont j’étais heureuse de m’être détachée.
L’argent avait désormais si peu de valeur à mes yeux… Pendant mon volontariat l’échange et le partage étaient naturels : j’ai donné sans que ça me coûte, et j’ai reçu tellement ! On n’avait pas froid dans la nuit polaire, entourées de chaleur humaine, mais en rentrant le monde m’a semblé glacial.
La deuxième expérience
En janvier, j’ai donc repris la route vers la Laponie. Les au revoir étaient d’autant plus tristes, cette fois, que je partais seule et sans date de retour. Mais j’étais sereine, je savais que je ne me sentirais pas bien en restant.
Il m’a fallu trois jours pour arriver sur le lieu de mon nouveau volontariat : une île presque déserte de Norvège, où ne vivaient qu’une habitante et quelques volontaires de passage. J’étais là-bas pour faire la cuisine et m’occuper de la maison. Sans aucun repère auquel m’accrocher, l’immersion dans ce nouveau quotidien m’a déstabilisée.
Alors je me suis laissé le temps d’observer la routine établie, m’habituant à ne parler qu’en anglais et prenant mes marques petit à petit. L’endroit avait quelque chose d’apaisant, plein de quiétude ; et puis j’étais revenue au-dessus du cercle polaire, ce qui ne pouvait que me plaire…
Mais en deux secondes, tout a dérapé. Mon pied a glissé, provoquant une chute violente dans des escaliers, un œil au beurre noir et un pouce gonflé. Je me suis sentie tellement bête ! Ça a été comme un électrochoc, amplifié par le fait d’être si isolée ; j’ai eu envie de rentrer, je ne savais plus pourquoi j’étais ici, loin de mes proches, alors qu’un accident pouvait arriver si vite…
Mon nez s’est avéré être cassé et il m’a fallu parcourir 350km pour rejoindre l’hôpital le plus proche. Pendant le trajet, entre différents bus et un avion, je me suis calmée. J’ai réalisé à quel point les voyages m’avaient enrichie, autant avec les bons que les mauvais moments. Cette mésaventure me rendait finalement plus forte ! Il n’était désormais plus question de rentrer. J’étais convaincue que tout ça avait un sens et je suis retournée sur l’île apaisée, sans savoir où ça me mènerait mais avec la certitude que c’était la bonne décision.
Les quatre semaines qui ont suivi ont été incroyablement belles, et pourtant si simples ! Les journées filaient sans qu’on n’en fasse rien d’extraordinaire, mais les moments de partages et d’échange suffisaient à me rendre heureuse. J’appréciais le moment présent sans penser à autre chose.
Quand il a fallu partir, j’ai eu l’impression de quitter encore une famille. Et lorsque l’un des autres volontaires m’a proposé de continuer à voyager avec lui, j’ai accepté sans avoir besoin d’y réfléchir. Elle était là, l’évidence, la raison de tous mes voyages : la liberté ! Celle de vivre comme j’en ai envie, celle de suivre mes rêves…
La vie sans contrainte
On est partis à deux, bien plus loin que je n’aurais pu y croire quelques mois auparavant. La question financière a été réglée très vite : faire du stop et dormir en CouchSurfing nous a non seulement permis de garder nos économies, mais aussi de profiter du hasard des rencontres en nous faisant apprécier chaque jour comme un cadeau.
On a choisi de dépenser un peu plus d’argent pour aller dans le village le plus au Nord du monde, sur l’archipel du Svalbard, simplement parce que c’était un de mes rêves. Être là-bas m’a semblé irréel, on était arrivés si haut ! Difficile ensuite de savoir où aller… alors on est retournés chez un de nos précédents hôtes CouchSurfing, avec qui on s’était bien entendus.
À lire aussi : Viens chez moi, j’fais du couchsurfing
La course vers le grand Nord s’est arrêtée quelques jours, le temps de souffler en laissant la suite se décider d’elle-même. On est repartis pour un autre volontariat dans un petit village au Nord de la Norvège, avec juste un peu de bricolage à faire dans une maison où il n’y avait que nous. C’était encore l’hiver là-bas, en avril. J’ai eu l’impression d’attendre l’arrivée du printemps pour terminer mon voyage. Pendant un mois, le temps s’est suspendu. J’ai senti petit à petit que je me lassais, je pensais de plus en plus à rentrer, et la neige fondait doucement… alors la décision s’est imposée.
Il m’a fallu plus d’une semaine pour revenir « chez moi ». J’ai choisi un long et lent trajet, me permettant de prendre conscience de ce que j’avais vécu.
Cette fois, je suis rentrée en souriant. J’avais attendu d’en avoir vraiment envie, j’avais suivi mon cœur, je m’étais contentée de vivre comme je le voulais.
À lire aussi : Comment voyager à moindre frais et en faire son mode de vie ?
Et maintenant ?
Après avoir passé l’été en France, je m’apprête à repartir sans date de retour. Beaucoup me disent que c’est courageux de voyager autant, de vivre de cette façon. Moi je trouve qu’il faut bien plus de courage pour réussir à trouver sa place dans la société, et à s’y sentir bien.
Pour aller plus loin :
- Vous pouvez consulter le site de workaway pour en savoir plus sur le volontariat.
- Vous pouvez lire le récit des voyages de Gwen sur son site.
Pour témoigner sur Madmoizelle, écrivez-nous à :
[email protected]
On a hâte de vous lire !
Vous aimez nos articles ? Vous adorerez nos podcasts. Toutes nos séries, à écouter d’urgence ici.
Les Commentaires