Un jour parmi tant d’autres, j’ai décidé de partir de chez moi vers 14h, en quête de quelques idées qui pourraient venir se glisser au pied du sapin une vingtaine de jours plus tard. J’ai donc quitté mon petit studio de 19m² perché en haut de sa tour d’ivoire, et j’ai descendu mes cinq étages (forcément, sans ascenseur !) d’un pied toujours mal assuré sur les marches de guingois de ce vieil immeuble parisien.
Après de longues déambulations sans trouver de cadeau fabuleux, je me suis dirigée vers la sortie de l’école pour récupérer les deux charmantes têtes blondes que je garde tous les soirs. J’étais à deux pas de l’entrée lorsque mon téléphone a sonné. C’était mon coloc, qui sait pourtant que je ne suis pas disponible à cette heure ; ça a éveillé ma curiosité et j’ai répondu rapidement. Il m’a tout de suite lancé :
« Arrête tout ce que tu fais et rentre ! »
Il y a eu un silence interminable pendant lequel mon cerveau a fait la liste de tout ce qui avait pu se passer : l’appart était rempli d’eau et le plafond du voisin du dessus s’était écroulé sur le nôtre ; le radiateur laissé allumé avait pris feu ; l’escalier pourri s’était effondré. Mais aucune des théories n’était la bonne. Il m’a annoncé :
« On a été cambriolés ! »
J’étais devant l’école, à 30 minutes à pied de chez moi, et deux enfants m’attendaient. Ni une ni deux, j’ai passé un coup de fil à la maman, me suis rapidement arrangée avec elle, puis avec l’école pour qu’elle se charge des bambins, et me voilà partie à toute allure à travers la capitale, téléphone en main pour appeler les secours.
À lire aussi : Les loses de la colocation
« Au secours, police ! »
Tout en courant à perdre haleine, j’ai appelé le 17.
« Toutoutoudoudou, ici Police secours. Si c’est pour une urgence, merci de patienter. Si c’est pour la police administrative, appelez cet autre numéro. Toutoutoudoudou, ici Police secours, si c’est pour une urgence, ne raccrochez pas, un agent va vous répondre. »
L’attente m’a semblé interminable, jusqu’à ce qu’enfin :
— Police secours j’écoute ? — Je viens d’être cambriolée ! — Pardon, je ne vous ai pas compris. — On vient de me cambrioler ! — D’accord. Vous venez de constater l’effraction ? — Non c’est mon coloc, mais je suis la locataire et j’arrive chez moi. — Très bien. De quel arrondissement êtes-vous ? Nom ? Adresse ? Ok, j’envoie une brigade pour constater le délit, ne touchez à rien et attendez !
Je me suis remise à courir de plus belle, sachant qu’ils devaient arriver…
Mon coloc était sur le pas de la porte quand je suis arrivée — suante, transpirante et aussi rouge que mon manteau. Cela faisait dix minutes que j’avais raccroché avec la police, mais il n’y avait personne en vue. Je n’avais même pas envie de monter voir ce qu’il en était, de toute façon on ne devait rien toucher.
Après 45 minutes d’attente, trois agents sont arrivés. Ils sont montés à notre cinquième étage pour constater en même temps que moi ce que je n’avais même pas pu concevoir : les cambrioleurs avaient ouvert la fenêtre de l’escalier, utilisé l’escabeau qui se trouvait accroché au mur pour le caler entre la fenêtre et la rambarde afin de se faire un pont, et avaient ensuite longé la gouttière jusqu’à notre fenêtre de salle de bain par laquelle ils étaient entrés.
Pépouze.
Dans l’appartement (qui ne possède qu’une salle de bain et une pièce canapé-lit-cuisine), nos papiers étaient éparpillés, l’armoire grande ouverte avec des vêtements au sol, le sac à main retourné, la chaine hi-fi jetée à terre, avec plusieurs autres boîtes. Et l’absence de nos biens m’a sauté aux yeux : nos ordinateurs, nos appareils photos dont le Réflex que j’avais eu en cadeau seulement deux mois auparavant et qui avait nécessité bons nombres d’heures sup à mon cher et tendre pour me l’offrir, et nos sous qui devaient servir à nos achats de Noël… tout était envolé, il n’y avait plus rien.
La lumière était allumée, les fenêtres grandes ouvertes, et toute la pagaille ne cachait qu’à moitié ce qu’il manquait. Je n’étais plus vraiment là, je ne comprenais pas tout ce que je voyais. Et les agents étaient avec nous, pour faire un inventaire rapide de ce qu’il manquait, prendre nos noms, celui du propriétaire. En cinq minutes tout était fait : ils sont donc partis en nous expliquant qu’une deuxième équipe allait passer en fin de journée pour relever les empreintes, et qu’ils ne fallait donc toucher à rien et ne rien déplacer.
À lire aussi : La police islandaise sur Instagram donne (presque) envie de se faire arrêter
Se sentir floué-e par l’assurance
On a essayé de se rassurer avec mon coloc : certes nous avions perdu gros (nous ne sommes que des étudiants, c’était toute notre richesse, nos biens les plus précieux), mais on allait être remboursés ! Nous nous sommes donc empressés de passer un coup de fil à l’assurance, qui nous a très simplement annoncé que l’assurance de notre logement étudiant était la plus basique qui soit, et ne comprenait que les dégâts des eaux et les incendies. Point. C’était tout. Et le vol ? Non non, pas le vol.
Ce n’était pas possible… C’est là que d’un coup, d’un seul, violemment, on s’est retrouvés projetés dans la réalité : on nous avait tout pris, on ne récupèrerait rien, pas un centime. Rien que de l’écrire, à chaud, me refait pleurer.
On ne se rend pas compte avant de les perdre que l’on met une grande part de notre vie dans nos chers ordinateurs, et pour notre part également dans nos appareils photos, qui nous permettent de garder en souvenirs tout ce qu’on a pu vivre de génial ou d’ordinaire, qu’importe. Il y avait une énorme valeur affective dans ces objets. Et tout ça s’était envolé, en plein après-midi, au cinquième étage sans ascenseur d’un immeuble parisien dans un quartier populaire.
L’attente de la crim’, « comme à la télé ! »
Mais il fallait garder les pieds sur terre et la tête froide : la seconde équipe de police devait passer. En fin de journée. Ou dans la soirée. Et surtout il ne fallait toucher à rien. Alors nous nous sommes assis par terre, près de la porte d’entrée qui n’avait pas été ouverte, et on a attendu. On a attendu que cette brigade nous appelle pour nous dire quand elle passerait. À 19h30, on en a eu marre. On s’est dit que devant la porte ou en bas de chez nous, posés au bar, ça ne changerait pas grand-chose.
Nous y sommes restés, le regard vide, et pas spécialement d’appétit au ventre, à attendre un appel qui au bout d’1h30 n’était toujours pas arrivé. Nous sommes donc remontés attendre, encore. À 21h, le téléphone a enfin sonné, et un type à la voix sympa a expliqué : « On peut passer d’ici une heure, ou bien demain matin ».
Quitte à avoir attendu jusque-là, on s’est dit qu’il fallait continuer — surtout qu’on ne devait rien ranger, pas trop pratique pour passer la nuit ! Vers 22h, deux compères sont entrés chez nous, sans autre signe distinctif indiquant leur fonction que leurs valises noires portant une bande jaune « police spéciale ».
Une mini scène de crime s’est alors montée entre la fenêtre de la salle de bain et la grosse empreinte de pied sur le lavabo d’une part, et le canapé où siégeaient notre paperasse et les vestiges des pochettes et boîtes à appareils photos, ordis et sous d’autre part. À l’aide de petits plumeaux, d’une poudre noire et d’une lumière « noire » (qui tire en fait sur le blanc/bleu), ils ont inspecté les traces de pas, de doigts, pris des photos, « comme dans les séries policières ! ».
Au bout d’une trentaine de minutes d’inspection, leur « enquête » s’est achevée avec le relevé de nos empreintes. La finalité de tout ça : identifier un éventuel cambrioleur recensé par les services de polices. Nous ne serions prévenus de l’avancée de l’enquête que s’ils identifient le malotru ET qu’ils l’arrêtent… Maigre réconfort. Il nous restait plus qu’à tout remettre en ordre, vérifier ce qu’il manquait vraiment et aller porter plainte au commissariat le lendemain matin.
À lire aussi : 3 jeunes femmes qui volent dans les magasins expliquent pourquoi
Une finalité accablante
En fin de compte, ils nous avaient pris deux ordinateurs portables et leurs pochettes, trois appareils photos avec les câbles, batteries, etc. et un sac à dos… dans lequel ils ont mis tout ça ! Ils n’avaient rien à eux pour embarquer nos affaires ! Ils avaient également emporté deux câbles électrique de la chaîne hi-fi, ce que je ne comprends toujours pas.
Après un rapide coup de fil au propriétaire pour connaitre les clauses de sa propre assurance, on nous a reconfirmé qu’aucune assurance ne pourrait faire quelque chose pour nous.
Nous avons fait une déposition au commissariat avec les factures de tout ce qui nous manquait afin d’enregistrer les numéros de séries des différents appareils — cela permet de les retrouver s’ils sont vendus « légalement ». Autant vous dire qu’on a peu d’espoir…
La conclusion de tout ça, c’est qu’il faut vraiment LIRE ses contrats d’assurance, parce que c’était facile d’assurer l’appartement avec un simple coup de fil, en se disant que c’était bon, que tout pourrait être pris en charge, mais toutes les petites lignes auraient été utiles.
De plus, il faut beaucoup de patience, parce que dans la grande capitale, la police n’a pas la même urgence et inquiétude que toi. Le cambriolage d’un 19m², ça n’est vraiment pas original et urgent.
À lire aussi : Vivre dans une chambre de bonne à Paris
Enfin, il faut être sûrement être plus méfiant-e-s – et forcément, on va être paranos un bon bout de temps maintenant.
Je ne peux m’empêcher de me demander ce qui se serait passé si j’avais laissé telle chose à tel endroit, si je n’étais pas partie, etc. Et puis il y a toutes les autres questions : qui c’était ? Comment ont-ils fait ? On les connaissait ? Pourquoi nous, ici au cinquième ? Ce sont des questions sans réponse qui ne laissent qu’un grand vide, matériel autant que mental : le vide d’avoir été floué-e par n’importe qui, par l’assurance, par nous-mêmes parce qu’on aurait dû faire ceci ou cela.
Comme certains proches nous le disent, ce n’est rien d’irremplaçable… sauf en ce qui concerne le contenu, le sentiment de violation de notre vie privée, la perte d’objets qui comptaient quand même beaucoup, parce qu’on y était attachés, pour leur histoire, qu’on a vécu avec et les souvenirs qui y sont associés. Certes, ça se retrouve, ça se rachète, mais quand même, ça fait mal, c’est douloureux.
Enfin bon, à ce Noël, on se contentera d’offrir des bisous à nos proches et un peu d’amour, qu’on ne nous a pas volé !
Pour témoigner sur Madmoizelle, écrivez-nous à :
[email protected]
On a hâte de vous lire !
Écoutez l’Apéro des Daronnes, l’émission de Madmoizelle qui veut faire tomber les tabous autour de la parentalité.
Les Commentaires
En partant mon copain a laissé ma clef dans la boîte aux lettres (car c'est une amie qui avait le double). Il ne faut JAMAIS FAIRE CA. Les assurances vols ne remboursent RIEN si on a laissé les clefs dans une BAL ou sous un paillasson... Même si le voleur cambriole toutes les BAL de l'immeuble.
On m'a volé toute l'électronique (portable, appareil photo, console etc) mais le voleur n'a pas vu les bijoux (ou pas reconnu leur valeur), et les instruments de musique ont été épargnés également. Ah et le voleur portait des gants aussi, donc j'ai peu de chances de retrouver mes affaires un jour...
J'ai vraiment un sentiment d'injustice, parce que j'ai toujours fait de mon mieux pour être une bonne citoyenne (je fraude pas dans les transports etc) et là c'est tombé sur moi et... c'est pas juste.
Je relativise en me disant qu'on en m'a pas tout pris, et que mon chat n'a pas été maltraité (mieux : les voleurs lui ont donné mon muesli à manger! il miaule très fort donc sans doute voulaient-ils le faire taire) mais voilà cela fait de grosses dépenses que l'assurance ne voudra sûrement pas m'aider à payer.
Tout ça pour dire de ne JAMAIS laisser vos clefs dans un endroit "public" (BAL, paillasson, cachette) car ça vous fera du tort s'il vous arrive malheur un jour.
Faites également des scans de vos factures et notez bien les numéros de série dessus (la FNAC par exemple ne les a pas notés sur les factures) ça pourrait servir si un jour il y a une perquisition...