Généralement, quand un géant de la fast-fashion est pris en flagrant délit de copier un jeune créateur indépendant, l’indignation de ce dernier aboutit au pire à rien du tout, au mieux à un mot d’excuse et la cessation de la vente des produits incriminés une fois que la marque a eu le temps de faire son blé.
Pas cette fois.
Quand Forever 21 copie des produits dérivés bénéficiant à des assos de quartier
L’histoire semblait se répéter une énième fois pour Michael Pak. Cet activiste américain anime le compte @koreatown, centré autour du quartier coréen de Los Angeles et de sa culture. En plus de différents événements, il a créé une ligne de merch (produits dérivés). Celle-ci lui a notamment permis durant la pandémie de lever des fonds pour des associations venant en aide aux personnes dans le besoin.
Le 25 juillet, il s’est rendu compte que Forever 21 a copié l’un de ses t-shirts, et a donc appelé sa communauté à spammer le géant américain afin qu’il retire sa copie des ventes. Relayée le lendemain par @Diet_Prada (duo composé de Tony Liu et Lindsey Schuyler qui s’imposent comme les justiciers de la mode, désormais suivis par près de 3 millions de personnes), l’affaire a pris un tournant inattendu.
Transformer le bad buzz en opération de communication
Comme le raconte le média mode américain Fashionista, Forever 21 a contacté Michael Pak afin de présenter ses excuses et demander comment faire amende honorable.
En plus du retrait du t-shirt incriminé, le fondateur de @koreatown a aussi suggéré cinq associations (APAIT, Koreatown Immigrant Workers Alliance (KIWA), Koreatown Youth & Community Center, Islamic Center of Southern California et Urban Partners Los Angeles) auprès desquelles Forever 21 pourrait faire un don de 20.000$ — chacune. Et la marque s’est exécutée, admettant publiquement ses torts.
Cette affaire symbolise un changement culturel autour des enjeux de copie et de justice sociale dans la mode.
Car le dernier scandale similaire où Forever 21 avait été pris la main dans le sac de la mode charitable, c’était en 2017, en copiant un t-shirt vendu pour lever des fonds au profit de l’équivalent du Planning familial américain. La marque avait, certes, retiré le produit incriminé des ventes, mais ne s’était pas excusée publiquement, et avait encore moins fait de don à cette asso de santé sexuelle et reproductive pourtant si cruciale (a fortiori aux États-Unis, où l’accès à l’IVG s’avère si complexe).
Le mouvement #StopAsianHate a-t-il durablement changé la mode ?
Entre 2017 et aujourd’hui, la pandémie a visibilisé et aggravé les violences racistes à l’encontre des communautés asiatiques à travers le monde. L’industrie de la mode s’est montrée étonnamment prompte à réagir en soutien des personnes asiatiques, non seulement pour éviter des retours de bâton symboliques de procès d’intention en inaction comme autour de Black Lives Matter, mais aussi parce qu’il s’agit d’une clientèle majeure (à titre d’indicateur, la Chine représente à elle seule entre 37 et 40% de la consommation mondiale du luxe).
C’est donc dans le sillage du mouvement #StopAsianHate, particulièrement prégnant en Amérique du Nord où les communautés Asio-Américaines se montrent plus fédérées que jamais pour faire bloc contre un racisme anti-asiatique toujours plus décomplexé, que la copie de Forever 21 d’un produit charitable ne pouvait passer. La marque avait intérêt à se racheter au plus vite une vertu.
Transformer le badbuzz en opération de communication sur l’importance de la diversité et l’inclusion, c’est la vogue du moment dans l’industrie de la mode. Pourvu que cela devienne une tendance de fond.
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Crédit photo : capture d’écran du compte @DietPrada
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Les Commentaires
Je te rejoins sur l’importance de savoir faire son mea culpa. Il se trouve que dans ce cas, les accusations de plagiat n’étaient pas méritées : après comparaison des contenus et échange en interne avec la rédactrice concernée, rien n’a été plagié. Tu remarqueras d’ailleurs que dans tous ces threads il n’y a pas le lien du contenu prétendument copié — peut-être parce que dès qu’on l’a sous les yeux, on constate vite qu’il n’y a pas eu de plagiat.
Nous avons retiré les contenus concernés néanmoins, dans une démarche d’apaisement, et nous avons bien évidemment contacté les créatrices de contenu en question. L’une n’a pas voulu nous parler, l’autre nous a donné rendez-vous par téléphone mais n’a pas honoré le rendez-vous. Nous restons néanmoins disponibles pour échanger avec elles dès qu'elles le voudront/pourront.
Je ne veux en aucun cas minimiser le talent des créatrices de contenu minorisées ni ignorer les obstacles qui se dressent sur leur route mais dans ce cas-là, vraiment, il n’y avait pas de plagiat. Nous resterons vigilantes et il n’y a pas de souci pour échanger autour de ces sujets, donc tu fais bien d’en parler : c’est aussi important pour nous que pour vous