La Daronne est la reine des conseils pas si cons enrobés d’une louche d’humour plus ou moins subtil. La voici de retour pour voler au secours d’une lectrice !
La question de la semaine
« Chère Daronne,
Comment on fait pour se réconcilier quand on est adulte et qu’on ne peut plus faire la paix comme quand on était enfants ? Je suis nostalgique de mes amitiés adolescentes si fusionnelles et parfois, j’aimerais retrouver cette simplicité et ne pas passer par des semaines de distance gênante quand je me dispute avec mes copines.
Judith »
La réponse de la Daronne
Ma petite Monica,
Franchement, je ne suis pas sûre de te suivre sur le coup de la nostalgie. Mais il faut dire qu’ado, j’étais scolarisée dans la version française du collège de Lolita malgré moi et disons-le franchement : c’était la guerre !
Souvent sans raison (selon moi, car déjà à l’époque, j’avais la sagesse et la modestie que l’on me connaît aujourd’hui), mon groupe entier me tournait le dos et refusait de m’adresser la parole pendant plusieurs jours. Je ne parvenais à m’extirper de ma disgrâce qu’au prix de stratégies et de calculs compliqués — qui excluaient systématiquement un autre membre du groupe, car la vie est une chienne — jusqu’à la fin de la puberté.
C’était long.
Je te l’accorde cependant : il y avait une certaine exaltation dans nos relations de jeunesse qui peut manquer à l’âge adulte où tout est plus… mou.
À l’époque, on s’aimait à la vie, à la mort, au point de faire des trucs complètement cons comme se piquer le doigt avec un compas pour mêler nos sangs sur une feuille A4 Clairfontaine. Aujourd’hui, les démonstrations amicales les plus fougueuses se résument à essayer de planifier un verre ASAP et tout de même réussir à dîner ensemble dans les six mois…
Les codes de l’amitié à l’âge adulte
Peut-être que ce que tu prends pour de la froideur et de la distance, c’est seulement une vie bien remplie qui préfère laisser le temps faire son œuvre et se retrouver sereinement un peu plus tard ? Car ne nous mentons pas, l’intensité omniprésente dans nos amitiés d’ados et d’enfants est devenue l’ennemie numéro un des amitiés adultes !
Une nouvelle copine trop insistante ? Ouh là qu’est-ce qu’elle me veut celle-là… Chelou, allez je ghoste. Un pote qui fait la gueule à mort parce qu’on a décommandé deux fois ? Arrête de me stresser dude, on n’est pas mariés… (Heureusement, purée, je plains son mec.)
L’amitié adulte, en tout cas selon moi, prend son temps, ne se formalise pas de SMS laissés sans réponses malgré une mention « vu » et accepte parfaitement qu’avant de se capter pour de vrai, on va se planter à tour de rôle au moins deux fois. C’est la base.
Moins soutenue, mais plus sereine : aujourd’hui, une embrouille avec sa meilleure amie (on n’a plus l’habitude de boire de l’alcool, alors après un demi de blanche, on raconte n’importe quoi) ne rime plus avec exil solitaire derrière la salle de permanence jusqu’à la fin de l’année scolaire !
S’expliquer sainement entre adultes consentants
Ceci dit, en cas d’embrouille, je pense qu’il est parfaitement possible de faire la paix comme avant, même passé 17 ans.
Si elles sont moins intenses, les relations respectueuses entre adultes se basent sur les mêmes mécanismes que les relations respectueuses entre enfants (ça existe ça ?) : écoute et compréhension !
Si quelqu’un est en tort, il s’excuse et ne recommence pas ; si personne n’est en tort et qu’en fait, c’est juste que tout le monde a mal compris (95 % des disputes répertoriées), on s’explique, on se laisse du temps pour digérer et on passe à autre chose.
Si une situation te pèse, n’hésite jamais à mettre ton orgueil de côté et à être l’instigatrice du premier pas.
Accepter (ou pas) que les gens changent
Parfois, on se dispute pour une raison bien précise — par exemple, on a renversé la mère de son ami d’enfance alors qu’on roulait ivre ou / et on ne lui a toujours pas rendu les 30 000 euros qu’il nous a prêtés il y a cinq ans. Des broutilles, quoi.
Parfois, c’est simplement le temps et la vie qui nous séparent, par exemple quand un ancien ami développe des valeurs qui entrent dorénavant en contradiction avec les nôtres.
Faut-il rester en bons termes avec une personne qui envisage de voter Éric Zemmour, sous prétexte qu’elle niquait le système en free party dix ans auparavant ? Je ne crois pas. Parfois, il faut accepter de reprendre la route en emportant les bons souvenirs dans ses bagages, mais en laissant l’ami misogyne et raciste sur le bord du chemin.
Savoir tourner la page
Les crises amicales sont douloureuses, mais elles permettent de faire le tri et de se remettre en question.
Il faut savoir se séparer et accepter que sur l’autoroute de l’amitié, certains prendront la prochaine sortie (c’est beau ce que je dis aujourd’hui, tu ne trouves pas ?) tandis que d’autres finiront le trajet avec nous malgré les dos d’âne et les bouchons. Et avec ceux-là, il est toujours possible de faire la paix.
Allez je te laisse, j’ai soirée tisane tricot avec les anciens de la promo 1984 !
La bisette,
Ta daronne
Les Commentaires
Justement, en tant qu'adulte on a plus de moyen de faire la paix. Il faut juste se comporter en adulte.
- exprimer des regrets (je suis désolée)
- prendre la faute sur soi (j'avais tort)
- pointer ce pourquoi on avait tort (j'ai fait telle chose...)
- dire les faits (je t'ai blessée)
- pas de "si" (désolée si...)
- pas de oui mais en fait c'est parce que tu...
- réparer ses erreurs (qu'est-ce que je peux faire)
Si la personne en face refuse, il faut alors aller de l'avant, c'est triste, mais ainsi est la vie, on ne peut pas forcer les gens.
Mais il ne faut pas s’apitoyer en espérant que l'autre le fasse. Même si le tort est souvent partagé, il faut savoir aller au delà.