Quand j’étais au collège, il y avait plusieurs teams bien distinctes au niveau des goûts musicaux : celles et ceux qui écoutaient du rap, celles et ceux qui écoutaient NRJ, et celles et ceux qui écoutaient du rock.
Une catégorie très, très vaste qui englobait tout autant Tryo que Linkin Park en allant jusqu’à du métal symphonique façon Nightwish, et bien sûr Evanescence !
Mais si je viens de parler de ce groupe aujourd’hui, ce n’est pas pour te confesser mes émois d’adolescente…
Bring Me To Life d’Evanescence, histoire d’un hit musical
C’est le 22 avril 2003 que le monde a découvert Evanescence avec le tube Bring Me To Life, inclus dans la bande-originale du film Daredevil (avec Ben Affleck, tu sais ?) (c’était pas très bien).
Amy Lee, la chanteuse du groupe, y était accompagnée par le rappeur Paul McCoy (12 Stones), et le clip engrange à l’heure où je tape ces lignes pas moins de 733 millions de vues sur YouTube…
Sans compter toutes les fois où il est passé sur M6 Music ou MTV !
Amy Lee expliquait en 2018 à Louder l’origine de la chanson :
Cette chanson a été écrite à propos de celui qui est à présent mon mari [Josh Hartzler, NDLR].
Je sortais d’une relation toxique qui m’avait fait du mal pendant longtemps. Je pensais réussir à faire semblant d’aller bien, mais Josh, ce mec que je ne connaissais pas tant mais que j’aimais beaucoup […] m’a regardé dans les yeux et m’a dit : « Tu es heureuse ? ».
Ça m’a prise de court. Je me suis sentie à nu, mais d’une bonne façon — comme s’il pouvait lire en moi.
Mais derrière cette histoire de femme qui se remet d’un ex abusif, il y a un autre récit, moins positif.
Bring Me To Life d’Evanescence et le sexisme
L’info n’est pas neuve puisqu’elle a été racontée sur Fader en 2017, à l’occasion de la sortie de l’album Synthesis par Evanescence, mais je viens de tomber dessus.
Dans cet opus, Bring Me To Life
est inclus avec une nouvelle version, sans la voix de Paul McCoy. Seule Amy Lee porte la chanson. Et c’est en réalité ce qu’elle voulait depuis le début.
C’est la maison de disques qui l’a forcée à inclure une voix masculine dans son titre, estimant qu’un single porté seulement par une femme ne marcherait pas !
Je me souviens de nombreuses discussions avec les boss m’expliquant que [ma féminité] était un point négatif.
Wind-Up Records, le label d’Evanescence, aurait carrément menacé de ne pas sortir l’album Fallen (dont Bring Me To Life faisait partie) sans un homme pour rendre le single plus « radio-friendly ».
Pas étonnant quand on sait qu’Ed Vetri, le patron de Wind-Up Records, décrivait le titre comme « une meuf et un piano ». Super vendeur.
Comme le note très justement Fader :
Ce qui rendait Fallen si unique, c’est justement qu’il n’y avait rien de similaire en radio à ce moment-là.
Ça n’aurait pas marché sans la voix mélodique, perçante d’Amy Lee, sans ses paroles à la franchise désarmante parlant de survivre à une relation toxique et rejetant l’obsession sociétale autour de la beauté.
Mais en plus de s’être battue pour Bring Me To Life, Amy Lee a aussi dû affronter des pressions extérieures venant de la presse, les dirigeants de radio et le public, la visant injustement parce qu’elle était une femme dans un genre musical, le rock, très masculin.
Elle se souvient avoir dû gérer des rumeurs attribuant son succès au fait qu’elle aurait couché avec Untel ou Untel.
Des années plus tard, Amy Lee est la seule membre originelle d’Evanescence à être toujours là, et à enchaîner les succès. De quoi faire mentir les hommes qui la jugeaient incapable de cartonner par elle-même.
C’est une histoire tristement banale, celle d’une femme réduite à son genre malgré son talent, qui a dû se contorsionner dans les carcans du patriarcat avant de faire ses preuves et de conquérir sa liberté artistique.
Mais pour une Amy Lee qui a fini par accepter un homme sur Bring Me To Life, combien ont tenu bon et vu leurs œuvres enterrées sans autre forme de procès ? Beaucoup, beaucoup trop, je pense…
Je trouve ça toujours intéressant d’apprendre l’histoire derrière des éléments culturels, et de me rendre compte qu’il a fallu plus de 10 ans à Amy Lee pour raconter ce qu’elle a vécu sans craindre les retours de bâton.
Un rappel de plus qu’il est important de soutenir la liberté artistique, les femmes à des postes décisionnaires et les œuvres créées par des femmes, car le patriarcat continue à leur mettre des bâtons dans les roues !
Vous aimez nos articles ? Vous adorerez nos podcasts. Toutes nos séries, à écouter d’urgence ici.
Les Commentaires
Il n'y a pas encore de commentaire sur cet article.