Article initialement publié le 15 mars 2019.
Mes proches ont été jusqu’ici relativement épargnés par la maladie, mais autour de moi, plusieurs ami·es n’ont pas cette chance. À la vingtaine ou à la trentaine, de nombreuses personnes doivent accompagner leurs parents, conjoint·e, frangin·e dans leur combat contre le cancer, ou une autre maladie grave.
Rien ne peut vraiment nous préparer à faire face à cette situation, mais lire des témoignages avec les conseils des lectrices de Rockie qui sont passées par là peut aider.
Trouver sa manière d’aider un proche malade
La mère de Mathilde, 30 ans, a d’abord eu un cancer du sein il y a dix ans, puis a été à nouveau diagnostiquée d’un cancer, mais de l’utérus cette fois il y a quelques mois.
« Si j’ai des conseils à donner, ça serait de trouver sa manière d’aider la personne malade, qui nous est propre, voire de lui demander comment on peut lui apporter son aide, si on ne sait pas comment faire. Ça peut prendre des formes très différentes : du simple coup de fil à la promenade en passant par l’aider à faire ses courses. Les réactions de chaque patient sont différentes, les besoins sont différents. »
Une approche partagée par Alice Steenhouwer, directrice de l’association de soutien aux aidants Avec nos Proches, que j’ai aussi interviewée dans le cadre de cet article. « La clé c’est de se parler : quels sont les besoins de la personne malade ? Qu’est-ce que je me sens capable de faire ? », explique la jeune femme. « Ce n’est pas parce que l’autre est malade qu’on doit l’infantiliser ou tout faire à sa place ».
Passer aussi de bons moments ensemble
Il existe mille et une manière d’être présent·e pour la personne malade : l’accompagner aux rendez-vous médicaux, prendre régulièrement des nouvelles, gérer la logistique de la maison… À vous d’inventer ensemble un accompagnement adapté à vos situations respectives, en particulier si vous vivez loin l’un·e de l’autre. Passer ensemble des moments de détente, de plaisir ou de rigolade est tout aussi important que d’apporter un soutien matériel. C’est ce qu’a compris Ambre, dont le grand frère est atteint d’une myopathie de Duchennes.
« On essaye de faire le plus de choses possibles ensemble (cinéma, séries, jeux de société…). Le plus dur, ça a été le moment où j’ai déménagé pour suivre mon copain à l’autre bout de la France. J’ai eu la sensation d’abandonner à la fois mon frère mais aussi mes parents, et en particulier ma mère qui s’occupe de mon frère à la maison, tous les jours et toutes les nuits. Je rentre donc toutes les vacances scolaires chez moi pour profiter au maximum de ma famille et passer le plus possible des moments de qualité avant la quantité ».
Communiquer le plus possible
La communication est primordiale dans ce genre de situation. Avec ses proches et la personne malade, mais aussi avec les soignant·es, comme le conseille Mathilde.
« C’est important de poser toutes ses questions, pour être sûr·e de bien comprendre et de ne pas repartir avec un sentiment d’incompréhension. Le personnel médical français manque parfois clairement de psychologie, donc il faut prendre les devants et tout demander pour avoir des réponses. Quitte à préparer les rendez-vous en faisant des listes de questions ».
On peut être tenté·e de garder pour soi certaines inquiétudes ou difficultés afin de protéger son père, sa mère, son ou sa conjoint·e vulnérable. L’intention est louable mais ce n’est pas toujours une bonne idée, car des non-dits et de la frustration peuvent s’accumuler.
Parler de la mort
L’un des sujets les plus difficiles à aborder dans ce genre de situation (et en général dans la vie), c’est de parler ensemble de la mort. Comme l’explique Alice Steenhouwer, « on est toujours très pudique face à la mort et à la maladie, mais il faudrait pouvoir en parler directement avec la personne qui est malade et confrontée à la mort ». C’est d’ailleurs l’un des regrets de Séline, 25 ans, qui a perdu sa mère, il y a deux ans.
« Maman et moi parlions de tout, je pensais qu’il n’y avait aucun tabou. Pourtant, j’ai réalisé qu’on ne pleurait jamais l’une devant l’autre. Je ne lui ai jamais demandé si elle avait peur de mourir, ce qu’elle ressentait, ce qu’elle en pensait. Ce dialogue était essentiel, et nous ne l’avons pas eu, car c’était comme si le fait d’en parler allait déclencher sa mort. Au contraire, ça nous aurait rendues libres. »
Et si on ne se sent vraiment pas capable d’avoir cette discussion avec son proche malade, on peut se tourner vers d’autres personnes, dans le cadre par exemple d’un suivi psychologique. C’est ce qu’a choisi de faire Aube, dont la mère se bat depuis trois ans contre un cancer des ovaires.
« Dans les services d’oncologie, il y a souvent la possibilité d’aller voir un·e psy. N’hésitez pas si vous avez besoin de parler. Au début, on avait vu la psychologue à trois, avec ma mère et ma tante. Puis, je l’ai vue une fois seule avant de préférer aller voir quelqu’un de mon côté, pour parler aussi d’autres choses. C’est important de trouver quelqu’un à qui parler et qui va vous écouter de manière bienveillante. »
Savoir demander de l’aide face à la maladie
Accompagner un proche malade est un vrai marathon et il ne faut donc pas hésiter à demander de l’aide. L’association
Avec nos proches a ainsi mis en place une ligne d’écoute téléphonique pour informer et soutenir les « aidant·es » qui accompagnent au quotidien une personne malade ou vieillissante. Près de 11 millions de personnes seraient concernées selon le baromètre de la fondation April.
On peut également trouver de l’aide logistique ou financière en se redirigeant vers la mairie du domicile de la personne malade, via le Centre Communal d’Action Sociale (CCAS). « Les mutuelles ont aussi commencé à se saisir de ce sujet là, donc ça vaut le coup de se renseigner auprès de son organisme », explique Alice Steenhouwer. « Il y a aussi parfois des choses qui sont proposées par les grandes entreprises (chèques emploi-service financé par l’employeur pour l’aide à domicile, dons de RTT des autres salariés prévus dans les grands groupes, etc) ».
La jeune femme conseille aussi de rentrer en contact avec d’autres proches de personnes malades, afin de pouvoir échanger avec des gens qui vivent la même chose. Pour cela, il existe des initiatives qui s’adressent spécifiquement aux aidant·es, comme les Cafés des aidants organisés dans plusieurs villes françaises. Certaines associations centrées sur une maladie (cancer du sein, Alzheimer, etc) mettent des choses en place pour accompagner aussi les familles des malades.
Garder du temps pour soi
Enfin, toutes celles qui ont témoigné me l’ont redit : il est important de s’écouter et de garder du temps pour soi, même si c’est plus facile à dire qu’à faire. Les traitements peuvent durer des mois ou des années, et il est essentiel de ne pas s’essouffler.
« J’utilise souvent la métaphore du masque à oxygène dans les avions où l’on recommande de mettre d’abord le masque sur soi avant de s’occuper des enfants. Pour être un soutien efficace, il faut reprendre de l’oxygène en priorité », conseille Alice Steenhouwer. « La société met un poids extrêmement lourd sur les femmes. Elles se retrouvent à devoir prendre soin de tous les autres : leurs enfants, leurs parents, sans délaisser leur vie de couple. Il faut aussi savoir dire merde et prendre du temps pour soi, pour reprendre de l’énergie ».
- En apprendre plus sur les aidant·es via le baromètre de la fondation April
- Appeler la ligne d’écoute de l’association Avec nos proches pour trouver de l’aide
- Participer à un café des aidants
- Lire la brochure de la Ligue contre le cancer pour avoir des conseils sur l’accompagnement d’un proche atteint de cancer
Écoutez l’Apéro des Daronnes, l’émission de Madmoizelle qui veut faire tomber les tabous autour de la parentalité.
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