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Margot Robbie // Source : WB
Culture

Comment Barbie est restée la queen de la pop culture 

Star de l’été avec la sortie du film “Barbie” de Greta Gerwig, la poupée la plus célèbre du monde occidental imprègne notre imaginaire depuis plus de 60 ans, et a su s’adapter à bien des changements de société. Analyse. 

Être intemporelle tout en s’adaptant à chaque époque : c’est peut-être la clé de la longévité de la poupée blonde, créée en 1959 par Ruth Handler.

Jusqu’ici, les enfants jouaient avec des poupons. Barbie – nom choisi en hommage à sa fille, Barbara, tout comme Ken, diminutif du prénom de son fils, Kenneth – leur permet d’avoir un jouet pour imiter les adultes. « La Barbie nous aidait à nous projeter. C’est ça qui est fascinant. », témoigne Zahia Dehar dans le documentaire Et Dieu créa la Barbie (2023)

Soft power 

Seins imposants, taille de guêpe, longues jambes, blondeur… Dès sa création, Barbie respire la pop culture. Ruth Handler s’inspire de la poupée allemande Lilli et des icônes hollywoodiennes des années 50 et 60 telles que Mamie Van Doren, Marylin Monroe mais surtout Jayne Mansfield. Cette dernière, au corps en forme de sablier, est considérée comme une Barbie grandeur nature jusque dans son style de vie : elle collectionne les chihuahuas, les voitures et vit dans un manoir rose ! 

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Barbie promeut l’American way of life des années 60. Andy Warhol, artiste passionné par le développement de la société de consommation américaine et la culture de masse, la dessine en 1986. Elle devient un outil de soft power – concept qui désigne l’influence d’un pays dans le monde par l’utilisation de méthodes “douces” comme l’exportation de la pop culture américaine. En 1997, les poupées Barbie dépassent le seuil du milliard de modèles vendus dans le monde. 

Dans les années 60, avec l’arrivée de la deuxième vague féministe, la poupée a été critiquée pour ses mensurations irréalistes et les injonctions à la minceur, plus ou moins directes. Produit en 1965, le coffret “Barbie Soirée Pyjama” contenait une mini-balance et un livre de régime intitulé “Comment perdre du poids”, avec la réponse “Ne mangez-pas” sur la quatrième de couverture ! Du côté des métiers exercés par Barbie, la diversité n’est pas toujours au rendez-vous. “Je n’ai jamais rêvé de changer le monde. Je voulais le montrer tel qu’il était. À l’époque, les femmes n’étaient pas médecins, elles étaient infirmières.” s’est justifiée Ruth Handler en 1994. Fantasme de femme idéale selon les normes sociales de l’époque, Barbie a paradoxalement accompagné l’émancipation des femmes durant toute la deuxième partie du XXe siècle. Elle est considérée comme célibataire (son petit-ami Ken est un accessoire) et exerce toujours plus de métiers. 

Icône mode, icône mode toujours

“ Barbie est une page blanche, sur laquelle les créateurs, les artistes et les enfants peuvent projeter leur vision, leur aspiration et leur créativité.” analyse Kim Culmone, directrice du design chez Mattel.

Barbie est une fashionista qui reflète les grandes tendances de son époque : hippie aux cheveux longs dans les années 70, femme d’affaire accomplie ou coach fitness dans les années 80, pop star méchée dans les années 90… Les créateur·ice·s de mode, qui ont souvent joué les apprentis designers avec une Barbie dans leur enfance, l’adorent. Dans les années 80, Yves Saint Laurent, Christian Dior, Kenzo ou Oscar de la Renta habillent la poupée. 

Dans les années 90, Chantal Thomass lui crée une collection affriolante de lingerie noire. En 2009, pour fêter les cinquante ans de Barbie, cinquante designers de renommée internationale – Jean-Paul Gaultier, Louis Vuitton, Karl Lagerfeld, Calvin Klein… – la relookent. En 2022, les collaborations mode se poursuivent à un rythme effréné : Olivier Rousteing, lance une collection unisexe Barbie X Balmain, et obtient au passage une poupée à son effigie. Il n’est pas le seul : de Marilyn Monroe à Frida Khalo, les icônes de leur époque ont leur alter-ego Barbie. 

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La mythologie Barbie

Dès les années 60, Mattel crée une mythologie autour de la poupée, qui devient un personnage fictif avec des parents, des amies et des sœurs (Skipper, Stacie et Chelsea). Des romans officiels, édités chez Random House, mettent en scène l’héroïne, qui évolue dans la ville fictive de Willows, dans le Wisconsin. Durant les années 80 et 90, la poupée marque un peu plus son empreinte dans la pop culture, hors du contrôle de Mattel. La série Bufffy contre les vampires cartonne, et Joss Whedon parle dans les médias de son héroïne comme d’une “Barbie qui fait du kung-fu”. A cette époque, l’entreprise veut protéger à tout prix l’image de marque très lisse de Barbie, qui doit plaire au plus grand nombre. Elle poursuit en justice les artistes qui la détournent, comme Lio, qui chante dans le clip “Barbie” (1986) l’histoire d’une actrice dépressive ou Aqua et leur tube “Barbie Girl” (1997), parodie rose bonbon, dont l’esthétique du clip se rapproche du film de Greta Gerwig. 

En 2004, Mattel publie un communiqué pour annoncer que Barbie et Ken se séparent, puis lance une campagne pour que Ken regagne l’affection de Barbie ! La firme se lance aussi dans la production de films d’animation comme Barbie dans Casse-noisette (2001) ou Barbie et le secret des sirènes (2011) et de séries, comme Barbie: Life in the Dreamhouse (2012-2015). 

Un virage inclusif 

Barbie a beau être inscrite dans l’imaginaire collectif, ses ventes sont en baisse dans les années 2010. Pour rester pertinente, l’entreprise effectue un virage inclusif. En 2016, elle lance trois types de morphologie pour accompagner la Barbie “Original” : la Curvy, la Tall et la Petite. À cette occasion, Barbie fait la Une du Time

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Les nouvelles Barbie s’inspirent des stars aux morphologies différentes, telles que Kim Kardashian ou Beyoncé. La diversité devient le mot d’ordre : à partir de 2019, la collection “Barbie Fashionistas” comprend une centaine de modèles à la couleur de peau, cheveux ou formes diverses… D’autres collections comme “Role Models” ou “Inspiring Women” proposent des modèles de Barbie à l’effigie de personnalités féminines marquantes. Des Barbie et Ken en situation de handicap ou non-binaires (une collection Pride est sortie en 2023) apparaissent pour la première fois. Notre héroïne débarque aussi sur Instagram pour partager son quotidien. Un rôle qui lui va comme un gant, Barbie est un peu la première des influenceuses ! 

Guidé avant tout par un impératif économique, ce virage inclusif fonctionne car il correspond à l’ADN de Barbie, une poupée qui peut se transformer à volonté selon qui s’en empare. Autrefois allergique au second degré, Mattel a aussi changé son fusil d’épaule, à notre époque très méta. En témoigne la comédie féministe “Barbie”, de Greta Gerwig, en salles depuis le 19 juillet et dans laquelle des pontes de Mattel tentent en vain de contrôler leur création. Très réussi, le film parvient à verser dans la gentille satire tout en rendant hommage à l’histoire de Barbie (et donc à Mattel et à Ruth Handler) et à surfer sur un effet nostalgie inévitable.  

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La mode aussi vient s’emparer du phénomène avec la tendance Barbiecore, tandis que les drag queens comme Trixie Mattel ou Nicky Doll n’ont jamais été aussi populaires, et continuent de faire vivre l’esprit Barbie, tout en le subvertissant allégrement. Pur produit du triomphe de la société de consommation, Barbie vit-elle ses dernières heures de gloire ou saura-t-elle se régénérer dans les prochaines années en Barbie écolo ? L’histoire nous a prouvé qu’il ne faut pas la sous-estimer : elle peut tout faire.   


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