En partenariat avec Wild Bunch (notre Manifeste)
Certaines salles de cinéma sont si confortables que les spectateurs ont vite fait de piquer du nez. Mais il y a des projections devant lesquelles personne ne ferme l’œil.
Comme si de rien n’était, une claque
Il y a un an et demi, par exemple, lors de la diffusion de La Belle et la Meute, tous les yeux étaient grands ouverts, remplis d’horreur et de compassion pour l’héroïne, qui se défendait pour obtenir son droit à la justice.
Cette année, le film qui ose aller là où le cinéma va rarement s’intitule Comme si de rien n’était.
Et je peux te dire que même en gueule de bois un dimanche après-midi, tu ne pourras t’assoupir devant…
Comme si de rien n’était, de quoi ça parle ?
Janne est une femme indépendante et brillante, qui n’est pas du genre à se laisser marcher sur les pieds.
Pourtant, après une réunion d’anciens élèves, Janne est violée par un ancien camarade de promo.
Mais elle se comporte comme si tout allait bien.
Continue à vivre comme si de rien n’était.
Elle se retrouve même souvent confrontée à son violeur, contre lequel elle n’engage aucune poursuite.
Pourquoi n’agit-elle pas ? Comment expliquer son silence et sa résignation ? Ce calme est-il fait pour durer ?
Comme si de rien n’était interroge le comportement de son héroïne sans jamais la juger, et se fait fine analyse des traumatismes.
Comme si de rien n’était, un premier film très réussi
Aussi étonnant que cela puisse paraître, Comme si de rien n’était
est le tout premier film de la réalisatrice allemande Eva Trobisch.
Pourquoi étonnant ? Parce que les thématiques abordées sont (très) compliquées à traiter !
Pourtant, c’est avec une vraie belle maturité qu’Eva Trobisch donne vie à son héroïne et à ses traumatismes.
Chacune des décisions que prend Janne est inattendue, jusqu’à la toute fin du film.
Je ne peux pas te mentir, douce lectrice, parfois j’ai eu envie de la secouer, cette héroïne, de lui dire d’aller porter plainte, de traîner son agresseur dans la boue…
J’ai eu des envies de justice et de vengeance à sa place, pourtant ses décisions n’appartiennent qu’à elle.
Ce qui est fou dans Comme si de rien n’était, c’est que tout semble vrai. Ce film a des airs de témoignage, de quasi-reportage.
J’ai eu l’impression que les acteurs ne jouaient pas, que la réalisatrice avait juste posé une caméra dans un coin, capturant la réalité des personnages.
Il n’en n’est rien bien sûr, mais cela fait vraiment partie du charme du film et de son intelligence !
Comme si de rien n’était, un casting impressionnant
Aucun des acteurs, aucune des actrices présentes à l’affiche n’est célèbre.
Aenne Schwarz, qui porte quasiment tout le film sur ses épaules menues, est pour moi l’une des révélations de ce début d’année.
J’ai été BLUFFÉE par sa prestation à ce point naturelle que l’actrice ne fait qu’un avec son personnage, jusqu’à presque faire disparaître la dimension « acting ».
Ce sont à ses côtés Andreas Döhler et Hans Löw qui lui donnent la réplique et s’illustrent de la même manière : avec sincérité.
Bref, je ne connaissais aucun des membres du casting mais suis repartie de projection avec des noms bien notés dans ma tête et dans mon téléphone, pour être sûre de ne plus jamais louper une de leurs apparitions à l’écran.
Comme si de rien n’était, un film d’utilité publique
Il faut que je te dise la vérité : j’ai été assez déstabilisée par ce film.
Je connaissais mal le phénomène de sidération qui peut survenir en cas d’agression, notamment sexuelle, et empêche totalement la victime d’agir.
C’est ce qui arrive pourtant à notre héroïne, au moment où elle est victime de viol par un de ses anciens camarades.
Elle ne réagit presque pas, subit sans se débattre.
C’est très éprouvant, en tant que spectatrice, d’assister à une violence qui ne connaîtra pas de retombées, qui ne génèrera, a priori, pas de conséquence.
L’injustice m’a heurtée, m’a laissée dans une grande situation d’inconfort, mais c’est pour le mieux.
Désormais, je sais que ce phénomène existe, de même que celui de déni.
Et je pense que d’autres femmes doivent être comme moi, à ne pas bien connaitre ces mécanismes…
Comme si de rien n’était est donc un film d’utilité publique, qu’il est important de voir et dont il faut parler, pour prendre conscience de la pluralité de réactions des victimes pendant et après un viol.
Comme si de rien n’était est un film coup de poing mais nécessaire que je te recommande mille fois d’aller voir dès le 3 avril au cinéma.
Je t’assure, il mérite un petit morceau de ton temps et un grand morceau de ta réflexion.
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