Initialement publié le 23 février 2014
Depuis maintenant bientôt deux ans, je vis en coloc. Comme pas mal de gens, me direz-vous… sauf que je vis avec 5 mecs. Pour des raisons géographiques (je pars continuer mes études à l’autre bout du monde), je vais devoir quitter mon — très grand — appart et surtout, mes colocs. Et ca, ca me rend bien plus triste que je ne l’imaginais. Petit retour sur deux années de vie commune pas banale.
Vivre en colocation, les débuts : sorry Mario, but your princess is in another castle
Déjà, prendre un appart à 6, c’est compliqué. Ça sent les gens qui ont trop regardé Friends ou How I Met Your Mother. Passée la recherche d’appart — big up au proprio qui a eu le cran de filer son duplex à 6 jeunes dont 5 mâles — et l’installation proprement dite, viennent les premiers mois.
Mes colocs, je les connais bien : ce sont mes meilleurs potes de l’école. Mais rien à voir avec ma bande du lycée : je ne tutoie pas leurs parents et on n’a pas traîné nos guêtres dans le même café pendant des années ensemble au lieu d’aller en latin et en SVT. Du coup au début, on se jauge, on se teste un peu…
S’ils ont un temps rêvé que je m’épanouisse dans un rôle de femme au foyer, ça n’a pas duré longtemps : ils découvrent qu’en fait, je ne sais pas faire cuire des pâtes, que j’oublie de rincer la vaisselle, que je laisse traîner mes fringues partout et que je ne sais même pas repasser une chaussette. Pire coloc du monde.
De mon coté, j’entends deux types de réactions dans mon entourage : les flippés (mes parents et mon mec) qui pensent que je vais me faire exploiter, et les envieux (ma meilleure amie et mes potes de l’école) qui pensent que je vais me faire traiter comme une princesse. La réalité, comme je m’y attendais, se situe entre les deux.
Être une fille au milieu de 5 mecs : Blanc de Savoie contre Heineken
Parfois, je me dis que leur incompréhension dépasse la mienne. Mes 25 paires de chaussures, mes 36 bouteilles de shampoing dans la salle de bain commune, mes crises devant le placard, mon « code couleur »… Tout cela les a laissé mille fois perplexes.
Pas facile d’expliquer à un mec que tu vis avec cinq mâles
Mais pas autant que mon crush inconditionnel pour Pierre Niney ou mes sautes d’humeur à l’approche de mes règles (concept tout droit sorti du cosmos pour eux, qu’il a fallu ré-expliquer mainte fois, patiemment — si tu es attentive, tu auras lu plus haut que je séchais les cours de SVT, alors pour l’explication scientifique on repassera).
Fait amusant, j’étais de loin la plus geek de nous 6 (quand on me dit « and then, I took an arrow in the knee » ou qu’on me parle des creepers de Minecraft, je suis loin d’être paumée), et mon addiction à 9gag
, Reddit et à milles séries américaines les a toujours déboussolés. Tout comme le Cosmo en début de mois ou ma passion pour les minibus Volkswagen.
Ils n’ont jamais compris non plus pourquoi le féminisme, au sens égalité entre hommes et femmes, avait raison d’être. Ni pourquoi il ne fallait pas dire d’une fille qu’elle est une pute ou une chaudasse simplement parce qu’elle est célibataire et qu’elle plaît.
Ils n’ont jamais compris que le féminisme n’était pas un gros mot et que oui, savoir que je vais être payée 20% de moins qu’eux à la fin de nos études (IDENTIQUES, je le rappelle), ça me met hors de moi. Ni que l’égalité hommes-femmes, c’était un concept qui ne concernait pas que les femmes.
Quant à moi, j’ai assisté… À des discussions sur YouPorn, le Sopalin et les films X en général. À des soirées foot-bières ou tout le canapé VIT le match, même si ce n’est qu’un pauvre quart de finale d’une coupe obscure (jamais, jamais je n’ai fait la différence entre coupe de la ligue, coupe des champions, coupe de France, coupe FIFA… pour moi le foot ne se joue qu’une fois tout les 4 ans lors de la COUPE DU MONDE).
Et puis il y eut des milliers de discussions sur les filles : elle est trop bonne, elle est mal baisée, elle a de sacrés nibards, elle marche comme une salope… Quand ils parlent de filles, mes colocs sont crus, mais quand ils sont amoureux, leurs copines sont les reines du monde.
Bon, ok : en lisant ça, tu dois un peu te demander pourquoi on s’entendait si bien. Alors parlons plutôt des trucs cools dans cette cohabitation fille-garcons.
« On t’aime, gamine »
Déjà, étant la seule fille de la maison, j’ai un peu hérité du poste de gourou du style. Tu en penses quoi de ma nouvelle veste, est ce que je peux porter du bleu avec du noir comme ça, je passe un oral demain ça va ça comme tenue, j’ai rendez vous avec Machine je mets une chemise ou un polo, si j’étais ton mec tu trouverais ça sexy ou ridicule ? Eleanor Waldorf peut m’embaucher, je suis prête.
Ensuite, même si je n’étais pas la princesse de la maison, mes colocs prennent soin de moi un peu plus que si j’étais un mec.
Ça va de me jouer du piano quand je suis triste, me dire que je suis la plus belle quand je me trouve moche, ou que les autres filles sont juste jalouses quand elles racontent des trucs pas cool sur moi… à me ramener le soir pour pas que je rentre toute seule, quitte à repartir en soirée après, ou venir me chercher en voiture à la gare quand je rentre tard le dimanche.
C’est répondre « répète ça et je te démonte » à un type qui m’insulte, me faire un clin d’œil pour m’encourager quand je suis à coté du beau gosse de la promo en amphi ou simplement sécher les cours avec moi pour aller voir la mer.
Ensemble, on a organisé chez nous des soirées mémorables, on est partis au ski, et même à l’autre bout de l’Europe. Quand je m’absente plus de quelques jours, j’ai le droit à un petit message pour savoir quand je rentre. Quand je manque des cours, je retrouve les polys annotés avec des conneries sur mon lit.
Toutes ces petites choses, plus tous les câlins, les fous rires par-dessus les assiettes, les tasses de thé partagées devant Top Chef, vont cruellement me manquer quand je partirai.
J’étais toujours hyper fière à chaque fois que je les voyais en concert, ou gagner un match de hand, de foot ou de rugby (oui, chacun se faisait son kif dans un sport différent, du coup il m’a fallu apprendre milles règles de jeu : décidément, cette coloc m’aura apporté beaucoup).
Des copains, j’en ai plein, mais ils ne sont pas beaucoup à me reveiller le matin. Des amoureux, j’en ai eu aussi, mais aucun n’a pu combiner toutes les qualités de ces cinq-là réunis.
D’ailleurs, l’amour, parlons-en. Pas facile d’expliquer à un mec que tu vis avec cinq mâles, mais c’est un bon test pour voir où il se situe niveau confiance (en lui, et en toi aussi accessoirement). Quant aux copines de mes colocs, pas facile de s’en faire des potes : elles ne peuvent pas s’empêcher de se demander si, un soir, je n’aurais pas envie de changer de chambre…
De manière générale, mes colocs sont des mecs cools, plutôt mignons, fêtards, drôles et attentionnés (non non, je ne dis pas ça parce que ce sont mes colocs). Alors, pourquoi ne pas aller plus loin avec eux ? Mais parce qu’après des mois de vie commune, c’est tout simplement impossible !
Mes colocs c’est ma famille, et je respecte ça plus que n’importe quoi au monde. On n’en a jamais vraiment parlé mais je suis sûre d’être complètement en-dehors de leur champ d’action : je ne suis pas « les filles », je ne les intéresse pas et ne les intéresserai jamais de cette façon-là. Ça paraît évident vu de l’intérieur, mais pour les autres, ça a toujours été source de questionnement.
Au fil des mois, on a développé des dizaines de traditions ensemble : convoquer un « G6 » quand on a quelque chose à dire à tout le monde, faire la course en voiture en allant à l’école, se faire un vrai repas trop bon le mercredi soir, regarder des films quand on arrive pas à dormir, aller voir la mer dès qu’on en a l’occasion, toujours payer à la même caisse au supermarché (le caissier nous connaît maintenant et nous divise direct le prix du caddie en 6), s’habiller avec des fripes, des manteaux de fourrure et des fringues improbables quand on va aux soirées de l’école, se clasher quand on fait des raclettes-party, se donner des petits surnoms, mettre des bougies partout dans le salon, toujours reporter le ménage, noter toute nos phrases cultes pour en faire un calendrier à la fin de l’année…
« On est pas des potes, on est des colocs », comme on dit souvent. Les mecs, vous allez me manquer, vraiment.
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Les Commentaires
comment s'organisent ont à 6 ? Est-il facile de s'imposer quand on est la seule nana ?... J'ai eu l'impression de lire la page d'un journal intime.
Cependant, c'est vrai que ça fait rêver et ça conforte l'idée que oui c'est possible d'être la seule nana dans une coloc de mecs sans passer pour un bout de viande ambulant ^^