Edit, le 7 mai 2013 – Xavier Dolan, réalisateur du clip College Boy, a décidé de répondre dans une lettre ouverte à Françoise Laborde, la membre du CSA qui avait critiqué la vidéo avec virulence et souhaitait une interdiction au moins de 18 ans :
« Chère Françoise Laborde,
En 1990, je vous aurais écrit afin de me battre pour que vive le vidéoclip College Boy d’Indochine. En 1990, votre décision et celle de vos pairs aurait fait en sorte qu’il soit vu par des milliers de gens, ou qu’il sombre dans l’oubli, mort-né.
Vingt-trois ans plus tard, les plateformes de diffusion en ligne ont pu nous assurer, depuis jeudi dernier, un nombre de visionnages approchant le million. En effet, l’Internet veillera à la survie de ce document produit non pas dans l’optique d’exploiter la violence de manière superficielle, mais bien dans celle de fournir à la jeunesse une oeuvre à la fois réaliste et poétique, et qui puisse illustrer de manière graphique la brutalité dont ils sont tour à tour les dépositaires, instigateurs, ou témoins. »
L’intégralité de la lettre ouverte de Xavier Dolan à Françoise Laborde est disponible sur le Huffington Post.
Le 2 mai 2013 – College Boy, c’est le nouveau clip d’Indochine, réalisé par l’excellent Xavier Dolan, réalisateur de l’excellent les Amours imaginaires. La vidéo qui illustre la chanson extraite du dernier album du groupe français, prend aux tripes et aborde un sujet toujours aussi révoltant : celui du harcèlement scolaire. On y suit un jeune collégien qui est persécuté par ses camarades de classe.
Note : la vidéo, disponible en exclusivité sur le site du Parisien, est violente. Si tu n’as pas encore bien digéré ton petit déjeuner ou que tu es très sensible, je te conseille de la regarder de travers.
Cette violence, justement, fait actuellement polémique et le clip est menacé d’une interdiction au moins de 16 ou 18 ans et ne devrait pas être diffusée avant 22h. Invitée du Grand Direct des médias, Françoise Laborde, membre du CSA, a jugé qu’une telle mesure était « envisageable » sur Europe 1 et a fustigé l’idée qu’on puisse vouloir dénoncer la violence en montrant de la violence.
[dailymotion]https://www.dailymotion.com/video/xzibby_clip-d-indochine-une-interdiction-au-moins-de-18-ans-envisageable_news[/dailymotion]
Son discours est étrange. Elle dit quelque chose qui m’échappe personnellement : « au nom d’une certaine esthétique, on montre des images d’une violence insoutenable ». C’est peut-être parce que grâce aux récents témoignages
sur le harcèlement scolaire, j’ai le sujet en tête, mais j’ai directement compris (et le reste de l’équipe également) que c’était une dénonciation de la violence qui ne prend pas les adolescents avec des pincettes et qui leur met le nez dans leur potentiel caca.
Je ne vois pas « une mode de la violence » comme la membre du CSA le prétend, je vois une façon violente de faire comprendre visuellement (en extrapolant, certes) ce que vivent des milliers de jeunes à travers le monde. Cette boule au ventre, cette angoisse d’aller en cours, ce sentiment d’être incompris – allez donc lire les commentaires des madmoiZelles harcelées, édifiants, m’apparaissent au moins aussi violents que des images fictives d’un adolescent qui se fait torturer à mort.
En voulant censurer ce clip, Madame Laborde ne fait qu’illustrer magnifiquement, et dans des médias à heure de grande écoute, la loi du silence qui pèse sur le harcèlement scolaire. C’est d’autant plus paradoxal que le clip le dénonce lui aussi, en bandant les yeux des personnages autour des principaux protagonistes.
Alors quand j’entends Madame Laborde prétendre que les images ne correspondent pas aux paroles, j’ai envie de secouer mes écouteurs : bien sûr que les paroles ne décrivent pas exactement les images que l’on peut voir, mais il faut vraiment avoir de la Danette dans les esgourdes pour ne pas comprendre que la chanson parle entre autres de mal-être et de difficulté à s’insérer dans la société.
Le clip est défendu par Nicola Sirkis. Pour le Parisien, il explique que le message est moins spectaculaire qu’éducatif : « Pour moi, c’est la même démarche que lorsque la sécurité routière réalise un clip choc pour sensibiliser aux accidents de la route. C’est plus éducatif qu’autre chose ». Cette comparaison me paraît tout à fait légitime : les campagnes de la sécurité routière sont parfois extrêmement brutales, il y a du sang, des cris, de la souffrance. Bien sûr, le harcèlement à l’école tue moins que la route, et alors ? Au nom de quoi on imposerait moins de violence pour dénoncer un mal qu’un autre ?
De son côté, Xavier Dolan avoue ne pas comprendre qu’on puisse les accuser de faire de la violence pour dénoncer la violence. Toujours au Parisien, il raconte :
« Dire que ça encourage la violence, c’est complètement stupide. […] Il n’y a pas d’ambiguïté dans le message de non-violence du clip. On est immédiatement dans l’empathie avec le personnage. »
Et toi, qu’en penses-tu ? Penses-tu qu’il y a d’autres moyens de contrer la violence qu’en l’imposant à la rétine ou trouves-tu au contraire que le message d’Indochine et de Xavier Dolan passe très bien – et peut-être mieux – de cette façon ?
Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.
Les Commentaires
http://www.dugrainademoudre.net/Films-du-grain-a-demoudre/journal-13eme-festival-ven-23-nov.html
Cadeau. :test