Aniochka vous raconte la collecte alimentaire qui a eu lieu fin avril, ou plutôt « sa » collecte alimentaire, à laquelle elle a participé. Témoignage.
Publié initialement le 1er mai 2012
En plus des maraudes auprès des sans-abri, la Croix-Rouge mène aussi d’autres actions dans le domaine du social. Parmi elles, la collecte alimentaire qui a lieu deux fois par an (aux mois de novembre et d’avril).
J’ai participé à la collecte pré-électorale du 21 avril au centre commercial le plus proche de notre antenne locale, à Pantin. Je préfère vous prévenir : une collecte, c’est beaucoup moins difficile « psychologiquement » qu’une maraude, mais par contre c’est crevant physiquement !
Gilets fluo, flyers et pizzas
Il faut être présent avant 8h pour être prêt dès l’ouverture de l’hypermarché. Le gérant du Leclerc a été très arrangeant : il nous a permis de nous poster à chaque entrée/sortie du magasin, s’est assuré que l’animateur faisait régulièrement des annonces au micro pour rappeler la collecte et a offert un carton de gâteaux aux bénévoles affamés ! Faut dire qu’on lui augmente bien son chiffre d’affaires : à la collecte de novembre, nous avions récolté – littéralement – 3 tonnes de bouffe en une seule journée !
En pratique, deux bénévoles équipés des parkas fluorescentes de la Croix-Rouge se placent à chaque point stratégique. L’un des deux distribue des flyers (accompagnés de la phrase « Bonjour, c’est la collecte alimentaire de la Croix-Rouge ! ») qui précisent ce dont nous avons besoin en priorité (aliments et lait pour bébé, couches, produits d’hygiène…) et ce que nous ne pouvons pas prendre (produits frais et surgelés). Si les gens acceptent le prospectus, nous leur donnons un sac de la banque alimentaire pour qu’ils puissent y mettre leurs courses. L’autre bénévole récupère les sacs remplis à la sortie des caisses et les range de manière (plus ou moins) bien organisée. Au début de la journée, les gens sont un peu timides, mais on accélère rapidement la cadence : à 11 heures, on trouve notre vitesse de croisière. Et à 21 heures, on a atteint… 3 tonnes et 400 kilos ! Record battu !
Je ne le cache pas, quand on a le rôle du premier bénévole, on en a vite marre : on est debout toute la journée, on a mal aux dents à force de répéter « Bonjour, c’est la collecte alimentaire de la Croix-Rouge ! » avec le sourire de circonstance alors qu’on a envie de manger. Si en plus on est malchanceux, on est placé juste à côté du stand de pizzas, qui, bien qu’absolument immangeables, dégagent une odeur à faire saliver Bernard Tapie. De toute façon, on a tellement faim que vers 16h, on serait prêt à dévorer n’importe quoi.
Et quand on réceptionne les sacs… ben on en a marre aussi. C’est moins répétitif, certes, mais pour les vieilles feignasses comme moi, c’est la lombalgie assurée à force de se baisser et de se relever pour ranger les denrées dans les cartons.
Bon, je suis un peu négative. En réalité, j’aime beaucoup faire les collectes alimentaires car ça me redonne confiance. Et quand on a la chance de le faire avec quelqu’un qu’on aime bien, y a moyen de bien se marrer ! Avec mon chéri, on a vu le pire comme le meilleur…
Les loses d’une la collecte alimentaire…
Vers midi, ce mec un peu torché qui répond à mon traditionnel « Bonjour, c’est la collecte alimentaire de la Croix-Rouge ! » par un « Fous-moi la paix salope ! ». C’est devenu depuis trois jours la private joke des bénévoles ; il suffit qu’un d’entre nous le ressorte sur un ton tout à fait sérieux et c’est le fou rire assuré.
Les gens qui passent à côté de toi, tes flyers et ton « Bonjour… », qui regardent à gauche, à droite, en haut, bref qui se dévisseraient le cou plutôt que de reconnaître ton existence.
Ceux qui répondent « Non merci ». Nan, mais en fait, je te proposais pas de la bouffe…
Quelques-uns qui voudraient bien donner mais « à la Croix-Rouge, jamais ! ». On se demande s’ils sortent la même aux Restos du Cœur…
Ceux qui prennent le flyer et le sac, qu’on voit ressortir avec le sac plein… et qui s’en vont sans un regard pour nous.
Ceux qui demandent s’ils peuvent se servir dans les cartons (WTF??).
Et les wins !
Ceux qui nous disent « C’est bien, ce que vous faites » en donnant un sac… et ceux qui nous le disent même sans rien donner.
Ceux-là, touchants, et il y en a eu plusieurs, qui nous donnent des sacs pleins en disant : « J’en ai profité quand j’étais petit alors maintenant c’est à mon tour de donner un coup de pouce ».
Cette mamie qui nous parle de sa « petite retraite » et nous donne un paquet de pâtes en regrettant de ne pas pouvoir faire plus.
Ce couple qui envoie son fils de six ans nous tendre un sac plein de gâteaux et de bonbons pour lui montrer la générosité, pour lui « apprendre à donner ».
Ceux qui sont pressés et ne veulent pas rentrer dans le supermarché, mais qui nous donnent quelques pièces au passage. Je précise qu’on n’a pas gardé cet argent comme on l’aurait fait pour une quête : à la première occasion, je suis allée acheter des denrées alimentaires.
Ceux qui s’arrêtent pour discuter avec nous et demander quelques renseignements sur la Croix-Rouge et le bénévolat. On les verra peut-être à la prochaine réunion mensuelle…
Celle-là, qui m’a collé les larmes aux yeux : le matin, elle refuse mon flyer en me disant qu’elle reviendra plus tard. Dans ma tête, je pense « Mais bien sûr… ». Pourtant, je la reconnais quand elle s’approche de moi l’après-midi pour me demander un prospectus et « au moins trois ou quatre sacs ». Je l’aperçois ensuite à la caisse, elle me fait signe, elle a besoin d’un bénévole : les sacs ne suffisent pas. Je vais l’aider, le tapis de caisse est plein, j’entrevois le total : 80 €. Lorsque je lui demande de faire la distinction entre ce qui est pour nous et ce qu’elle a acheté pour elle, elle me répond avec un grand sourire : « Tout ! Tout est pour vous ! ». En rangeant, je vois des gâteaux, des chips, des petits pots pour bébé, du lait maternisé et des couches (qui, soit dit en passant, coûtent trois bras et demi). Je suis lamentablement sensible et niaise, mais j’ai envie de pleurer en voyant ça. Je sais bien que tout le monde ne peut pas se permettre un tel don, mais ça me fait chaud au cœur. Je la remercie bien fort et je le redis ici : Madame, si tu me lis, un énorme Big Up ! à toi.
À 21 heures, on remballe, mais le boulot est loin d’être terminé : maintenant, il va falloir ranger tout ça dans le local. Enfin, d’abord… à la bouffe ! J’ai tellement faim que je mangerais Richard Gotainer.
Ma collecte d’avril 2012 en quelques chiffres
- 3 tonnes et 405 kilos de produits récoltés
- 207 cartons
- 7 aller-retours en camion de l’hypermarché jusqu’au local.
- 1 « Fous-moi la paix, salope » et un nombre exponentiel de fous rires
- Plus de 900 paquets de pâtes (j’ai dû voir toutes les formes et sortes existantes de la création)
- 2 dos bloqués et 1 crise d’hypoglycémie (même pas moi!)
- 18 pizzas pour les bénévoles le soir même au local (offertes par la maison!)
- Environ 24 712 « Bonjour, c’est la collecte alimentaire de la Croix-Rouge ! ». Par conscience professionnelle, je me dois de vous prévenir : ça devient un tic nerveux. Le lendemain, en allant accomplir mon devoir électoral, j’ai répondu au « A voté » par un tonitruant « Bonjour, c’est la collecte alimentaire de la Croix-Rouge ! ». Je vous laisse imaginer le regard perplexe de l’assesseur.
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Les Commentaires
En tout cas j'ai beaucoup d'admiration pour les bénévoles qui donnent de leur temps pour venir en aide aux gens qui en ont besoin, merci à eux !