Certaines filles sont capables de parler de structure capillaire pendant douze heures ou de s’intéresser sincèrement aux nuances de balayage. Ok. Personnellement, j’affirme que l’existence des instituts de coiffure prouve la présence en chacune d’entre nous d’un masochisme existentiel à fort potentiel névrotique. Admettez que la phrase précédente claquera nettement plus en dîner chic que : « Tu aimes cette nuance de blond cendré ? ».
1. Le coiffeur est un dominateur SM. Nous le consultons pour perdre le contrôle de nos vies bien rangées. Comme nous avons un peu honte de l’avouer, nous prétendons vouloir recouper cette frange. Mais intimement, nous connaissons la vérité, qui est que le coiffeur fera exactement ce qu’il voudra. Par exemple, tailler plutôt dans la nuque. Ou, par ironie, couper la frange façon moine médiéval. Il n’existe aucun moyen de faire pression sur un coiffeur. Par définition, il n’en fera qu’à sa tête. Avec la vôtre.
2. Avant tout, une nouvelle coupe est une occasion de souffrir. Au démêlage ET au séchage. Parfois au shampouinage. Il n’y a aucune raison d’infliger une telle douleur aux clientes, mais les coiffeurs s’en fichent. Ils tirent les cheveux. Huit mille fois de suite. Et trois fois plus si vous expliquez que vous êtes douillette. Afin de rendre la douleur encore plus prononcée par effet de contraste, il arrive qu’on ait droit à cinq secondes de massage du crâne. Mais ne vous leurrez pas, il s’agit seulement d’une ruse.
3. Comme dans un bon spectacle SM, la coupe et la couleur sont avant tout une question de performance. On est dans une relation artistique qui lie le coiffeur et les cheveux, sans passer par la cliente, qui ne sait pas ce qui est bon pour elle, et qui par conséquent n’aura jamais ce qu’elle a demandé. On recrée là un rapport paternaliste basé sur la frustration : je peux supplier, pleurer, sourire, tout ça n’aura aucune importance.
4. Au niveau humain, le coiffeur ne connaît que deux modes de communication, et les deux sont utilisés à Guantanamo. Ce sera soit l’indifférence absolue (celle des prisonniers en cellule d’isolement), soit le harcèlement total (comme lors d’un interrogatoire). Dans les deux cas, toute velléité de conversation est proscrite. Le coiffeur impose son silence, sa curiosité ou son avis. On est loin d’un échange bilatéral.
5. Pas de SM sans uniforme. A quoi pensiez-vous que servait cette espèce de pièce en caoutchouc qu’on vous force à porter ? Et bien oui : dites bonjour à votre tenue de soumise. Le machin en question ressemble à un bavoir pour mieux vous rappeler votre condition d’enfant impuissant.
6. La découverte du résultat final, et du constat tragique qu’il faudra vivre avec pendant au moins quelques semaines, emprunte à l’art délicat de l’humiliation. La bonne cliente retiendra ses larmes et prétendra même, en bonne masochiste, qu’elle trouve la coupe pas mal. Elle y est psychologiquement préparée puisqu’elle a également été humiliée dès son arrivée par des formules de politesse en usage uniquement dans les salons de coiffure : l’affirmation qu’on a une qualité toute pourrie de cheveux, qu’on ne sait pas en prendre soin, et qu’en gros on n’a rien pigé à la vie.
7. Afin de compléter ce parcours de la combattante, on termine sur la domination financière, qui consiste à exiger de l’argent sans aucune contrepartie (on est d’accord qu’une nouvelle coupe que vous n’avez pas demandée revient à : aucune contrepartie). Par une mystérieuse règle économique en vigueur, une fois encore, uniquement dans les salons de coiffure, l’inflation se hausse à 25% chaque année.
Vous avez déjà remarqué que « salon de coiffure » sonne comme « donjon de torture » ? Les coïncidences n’existent pas. Cessons de lutter contre l’évidence. Nous sommes des petites soumises, et telles que je vous connais, vous aimez ça.
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Les Commentaires
Ouais moi c'est pareil ça fait super mal cette position!
Sinon moi aussi je vais que dans les écoles de coiffure. De une pour le prix, et de deux parce que je trouve que les élèves sont beaucoup plus appliquées et à l'écoute. Elle veulent bien faire (puisqu'elles apprennent) donc je ressors pas déçue.