On a souvent décortiqué ensemble les quelques mensonges dont seul le cinéma a le secret pour insérer dans nos vies comme s’ils étaient des faits avérés. Cette fois-ci, revenons sur certains des clichés les plus vus au cinéma (principalement américain, mais pas que). Ces clichés trop vus, tellement d’ailleurs, qu’ils en deviennent monstrueusement pénibles avec le temps.
Les enfants qui donnent des leçons de vie
Me fais pas dire ce que je dis pas : les enfants ne sont pas stupides. Ils ont parfois des éclairs de lucidité et de maturité, certains sont d’ailleurs bien plus avancés dans leurs réflexions émotionnelles que d’autres, mais faudrait voir à pas déconner : ils sont rarement de bons conseils. Sauf si leur conseil consiste à dire « je comprends pas pourquoi tu serres les fesses après avoir mangé des lentilles, je veux dire, tout le monde a des gaz » ou « les meilleurs ours en gélatine c’est les rouges ». Là, effectivement, j’applaudis : on devrait tous se foutre un peu plus de ce qu’on fait sortir de nous, et c’est une coincée du colon qui te le dit, je te le rappelle.
Pour les ours en gélatine rouges, en revanche, je me contenterai d’un « les goûts les couleurs ».
Cependant, dans les films, la parole de l’enfant sert souvent la mignonnité de l’oeuvre. Je peux comprendre les scénaristes : faire dire des choses extrêmement adultes à un tout petit être avec sa toute petite tête et sa toute petite voix, ça fait son petit effet. Mais au nom de l’adulte qui est parfois amenée à côtoyer des enfants que je suis, et au nom de l’ancienne enfant que j’étais, pitié, faites que ça cesse.
Parce qu’à cause de ce cliché récurrent, petite, je jouais à la grande. Sans savoir de quoi je parlais, sans vraiment réfléchir, je ramenais ma gueule pour faire la morale aux plus vieux, comme s’ils en avaient quelque chose à foutre, comme si j’avais quelque chose à leur apporter.
Citons deux exemples :
Rachel (Chloé Moretz), la petite soeur de Tom « Zozo » Hansen, lui explique comment marchent la vie et les choses de l’amour. Elle a quoi, onze ans, peut-être douze et balance des trucs totalement adultes, du genre « là, tu te souviens que des bons moments, mais un jour tu regarderas en arrière et tu réaliseras que c’était pas si bien que ça ».
La gosse elle a eu le temps de quoi, de rouler des pelles une ou deux fois dans sa vie, et quand tu l’écoutes t’as l’impression qu’elle a côtoyé le pavé, fait de la prison, eu le coeur brisé par sa moitié qui l’a abandonnée alors qu’elle était enceinte et qu’elle venait d’être virée de son job.
Personnellement, si un enfant prend son air le plus décontracto-pédant pour me dire des trucs que j’ai pas envie d’entendre alors que je viens de me faire larguer, j’aurais du mal à gueuler un truc comme « C’EST PAS TON RÔLE T’ENTENDS ? TON RÔLE C’EST DE MANQUER T’ÉTOUFFER AVEC UN POLLY POCKET ET QU’UN ADULTE VIENNE TE SAUVER, MAINTENANT TU DÉGAGES ».
Autre exemple : Jonah dans Nuits blanches à Seattle. Dans un tout autre style, il tente par tous les moyens de convaincre son père d’aller rencontrer Annie (une femme qu’il ne connaît pas) à New York après la mort de sa mère. Tous les moyens, y compris l’insolence, la culpabilisation (« MAMAN ELLE ME PARLAIT PAS COMME ÇA »), ou les cris… Pourquoi ? Parce qu’il sait mieux que son père ce qui est bon pour lui, qu’il a décrété qu’Annie était la femme de sa vie alors que ça serait comme ça et puis c’est tout.
Je crois qu’à la place de Tom, je serai tellement saoulée que même si je craquais pour la personne pour qui l’enfant veut me voir craquer, je me promettrai de ne jamais lui céder. Juste pour l’emmerder.
Le sexe tue dans les films d’horreur
Cette partie contient un gros spoiler sur La Maison de Cire (j’ai choisi ce film là parce qu’il faut bien avouer que c’est pas une réussite, mais je précise quand même).
S’il y a un truc qui a bien failli me faire renoncer à toutes joies coïtales, c’est d’avoir regardé des simili-films d’horreur pour adolescents quand j’étais petite : c’est souvent les plus chauds du slip ou de la culotte qui meurent en premier. Que ce soit les filles qui aiment clairement le sexe et draguer ou les couples sur le point de se faire bien plaisir corporellement, la mort les attend.
Exemple (spoiler alert : si tu as VRAIMENT envie de voir La Maison de Cire arrête-toi là : Paige (Paris Hilton) et Blake (Robert Ri’chard), sauvagement assassinés alors qu’ils sont sur le point de forniquer dans La Maison de Cire. Ou bien tout simplement Hostel, dont le postulat de départ est que trois mecs se retrouvent aux prises d’un piège horrible parce qu’ils ont voulu aller voir les filles faciles qu’on leur promettait en Slovaquie.
Quel est votre problème, gens de ce genre de cinéma ? Est-ce que c’est une volonté de la part des studios d’avoir voulu nous faire culpabiliser d’avoir les hormones en furie ? Parce qu’effectivement, tout le monde (ou presque) finit toujours par mourir, mais pourquoi commencer par ceux qui se chauffent ?
Ceci étant dit, peut-être que les groupes extrêmement conservateurs se seraient opposés à la sortie des films en question si les personnages n’étaient pas punis d’avoir des désirs profondément humains. Monde de merde.
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Les gens frivoles parce qu’ils souffrent en dedans
Dans la même vague « avoir une sexualité c’est pas facile dans les films oh lala », la version un peu moins mortelle : quel que soit le genre du personnage concerné, s’ils ont une vie sexuelle bien fournie, c’est qu’ils souffrent au fond d’eux et n’acceptent pas l’idée de pouvoir avoir des sentiments. Parce qu’avoir des sentiments et croire en l’amour, tu comprends, c’est s’assurer d’avoir le coeur brisé un jour quoi, t’as vu.
Déjà, premier problème : est-ce qu’on pourrait arrêter de faire croire aux spectateurs que s’ils aiment parfois faire du sexe sans sentiment, c’est qu’ils sont repliés derrière une carapace – que dis-je – une forteresse qui les retient éloignés du reste du monde ? Je veux dire, ça peut aller de paire, quoi, le monde n’est pas binaire : on peut parfaitement avoir une vie sexuelle un peu légère sans s’empêcher une seule seconde de tomber amoureux un jour, quand l’occasion se présente.
Et si le personnage en question est une femme qui réussit sa vie, t’as droit EN PLUS à l’ajout du paramètre « elle oublie son envie de mariage et d’enfant au profit de sa carrière »
Les personnages qui forniquent souffrent, donc. Mais relativisons pour eux : c’est pas vraiment un gros problème, puisqu’à partir du moment où ils ont décidé qu’ils pensaient à nouveau que la notion de couple était possible OH MON DIEU MAIS C’ÉTAIT BIEN SÛR, la femme ou l’homme de leur vie est là, juste pile sous leurs yeux, et n’attend qu’eux pour enfin se laisser aller au bonheur.
Trop facile, la vie de personnages fictifs.
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