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Clémence Madeleine-Perdrillat // Source : Caroline Dubois
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Clémence Madeleine-Perdrillat (Irrésistible sur Disney+) : « la comédie romantique peut être un endroit très moderne »

Elle est l’une des scénaristes de séries les plus en vue ces dernières années. Nona et ses filles, Ovni(s), En thérapie… Son nom est associé à des séries carton, et Clémence Madeleine-Perdrillat ne compte pas s’arrêter là. Interview de cette étoile montante, en pleine promo d’Irrésistible, une série dont elle est la créatrice, qui met à l’honneur Camélia Jordana dès le 20 septembre sur Disney+.

Interview de Clémence Madeleine-Perdrillat, créatrice et scénariste de la série Irrésistible

Clémence Madeleine-Perdrillat © Caroline Dubois // Source : Caroline Dubois
Clémence Madeleine-Perdrillat © Caroline Dubois

Madmoizelle. La série Irrésistible, dont vous êtes la créatrice, s’apprête à sortir le 20 septembre sur Disney+. Dans quel état d’esprit êtes-vous ?

Clémence Madeleine-Perdrillat. Je suis très excitée ! J’ai hâte que la série sorte. Le développement a été assez rapide, on a mis un an et demi à faire la série, mais malgré tout, là, je suis dans le moment où j’ai envie de la partager avec le public, d’avoir des retours, que ça sorte enfin. 

Un an, c’est peu et c’est en même temps beaucoup. Comment s’est passée la création de la série, de son idée à sa réalisation ? 

Clémence Madeleine-Perdrillat. J’ai, par le passé, travaillé sur beaucoup de séries dont les parcours de production étaient plus accidentés ça, et plus longs, notamment Nona et ses filles avec Valérie Donzelli, on a mis six ans à faire la série ! Comparativement à cette expérience, Irrésistible m’a paru particulièrement rapide. J’ai commencé l’écriture il y a un an et demi, j’en ai parlé assez vite avec le producteur, qui était aussi le producteur de Nona et ses filles, avec lequel nous avons beaucoup de points communs, et que j’apprécie beaucoup. Je lui ai fait lire le pilote, il a immédiatement été très emballé. Une fois que j’avais le texte, on a pu le faire lire à Camélia Jordana qui a tout de suite été partante pour intégrer l’aventure. Je lui en suis extrêmement reconnaissante, car à ce moment-là, nous n’avions pas encore Disney+ à nos côtés. À partir du moment où il y a eu un diffuseur derrière, tout s’est enchaîné : nous avons tourné neuf mois plus tard, on avait donc neuf mois pour écrire tous les textes, préparer, faire le casting… Cette année et demie est donc passée à toute vitesse, entre l’écriture, le tournage et la post prod.

Avez-vous tout de suite pensé à Camélia Jordana pour incarner le personnage d’Adèle ?

Clémence Madeleine-Perdrillat. Oui. J’ai pensé à elle très tôt dans le scénario. Je trouvais que c’était une personne qui avait quelque chose de très moderne, d’extrêmement sympathique, et c’était important pour moi d’avoir un personnage avec une comédienne sympathique.

J’aimais bien l’idée, aussi, qu’elle soit plus connue que le rôle masculin, car c’est ce qu’il se passe aussi dans la série, bien sûr bien moins que Camélia en réalité, mais Adèle est tout de même reconnue pour son travail de podcasteuse et d’autrice.

Le fait qu’il y ait un amour pour Camélia, qu’on la voit dans le paysage depuis la Nouvelle Star, qu’elle ait cette dimension très aimée, très populaire, me plaisait beaucoup. Nous n’avons proposé le rôle à personne d’autre. Pour le personnage d’Arthur, en revanche, j’avais vraiment une intuition. J’avais déjà vu Théo Navarro-Mussy dans Hippocrate, mais il a quand même passé des castings avant d’être choisi. Mais c’était tout de même ma première intuition aussi…

Camélia Jordana et Théo Navarro-Mussy // Source : Disney+
Camélia Jordana et Théo Navarro-Mussy // Source : Disney+

Dans la série, le personnage d’Adèle est très fort, central. C’est finalement assez rare d’avoir un personnage féminin aussi puissant. De fait, il y a quelque chose de très féministe en elle. Cet aspect-là était-il important pour vous ?

Clémence Madeleine-Perdrillat. Absolument. Je suis moi-même féministe, c’est donc quelque chose que je trouve important et que j’essaye de faire toujours apparaitre dans mon travail. C’est ce que j’ai tenté de faire aussi dans En thérapie avec le personnage d’Inès, joué par Eye Haïdara, une femme noire qui découvre que son désir d’enfant n’est pas vraiment le sien. Je pense que le féminisme peut apparaitre dans tous les formats, et que ce n’est pas forcément une série qui aura une étiquette féministe, mais cela innerve mon travail de manière constante.

Par ailleurs, je trouve que l’on ne dit pas à quel point la comédie romantique peut être un endroit très moderne.

Coup de foudre à Notting Hill est l’une de mes références en la matière. C’est un film qui n’est jamais vu sous ce prisme-là, pourtant, c’est quand même l’histoire d’un homme, petit libraire qui ne gagne pas très bien sa vie, qui tombe amoureux d’une femme très puissante, en couple au départ. C’est elle qui mène la danse. Je trouve que ce film montre énormément de points intéressants dans le rapport que ces deux personnages ont l’un avec l’autre, avec cette femme actrice, renommée, qui gagne beaucoup plus d’argent que lui. Je pense que sur le terrain de la comédie romantique, au-delà des sentiments et de la romance, il peut y avoir aussi du politique.

On le réduit, ce qui est bien sûr déjà magnifique, au plaisir qu’on a de voir les sentiments, l’oscillation amoureuse, mais il se passe aussi autre chose derrière. Cela me tenait à cœur également. J’avais envie que cette femme, Adèle, soit puissante, en maitrise de sa vie, que ce soit elle la cheffe de cette petite entreprise de production de podcasts qu’elle a monté avec Trésor. Et pour autant, qu’elle tombe très amoureuse d’un homme brillant qui, lui-même, est dans d’autres recherches. C’est un point de départ que je trouvais amusant.

De quoi, ou de qui vous êtes-vous inspirée pour imaginer cette histoire ?

Clémence Madeleine-Perdrillat. Il y avait évidemment cette référence à Coup de foudre à Notting Hill, mais j’ai aussi été très marquée par la deuxième saison de Fleabag, qui est absolument géniale et ultra-romantique. On a ce moteur tout simple de la rom com qui est, « vont-ils finir ensemble ?« . Cette histoire d’amour avec le prêtre, je la trouve merveilleuse. Et il y a un moment, d’ailleurs dans Irrésistible ou je fais clairement un hommage à Fleabag avec un regard caméra de Camélia. Cette saison de Fleabag m’a beaucoup marquée, quand je l’ai vu, je me suis dit que c’était possible, en fait, de faire 30 minutes avec de la profondeur, des sentiments et en même temps ce bonheur de spectateur. C’était vraiment un exemple important.

Pourquoi avez-vous eu envie de devenir scénariste ?

Clémence Madeleine-Perdrillat. J’ai toujours aimé écrire, ça a pris une multitude de formes dans ma vie. J’ai écrit des nouvelles, j’ai étudié la littérature, et c’est vrai qu’à un moment, je me suis rendue compte qu’au-delà même du fait d’écrire, mes pensées se formulaient souvent en images. J’étais en licence de lettres et j’ai rapidement commencé un double cursus en cinéma. Puis, je me suis mise à écrire des scenarios et, progressivement, j’ai écrit des courts métrages, puis enfin de la série… Une fois que j’ai commencé à toucher du bout du doigt le scenario, je n’ai plus jamais arrêté et ça m’a passionnée. Mais c’était vraiment, à la base, un rapport à la littérature, et d’ailleurs, je pense que ça apparait dans mon travail. 

Il y a une dimension collective dans le fait d’écrire une série, contrairement à l’écriture de nouvelles, par exemple, qui est un exercice plus solitaire. Le travail collectif vous a-t-il rendu plus facile, ou au contraire plus difficile, le fait d’arriver au bout de vos idées et de vos envies ?

Clémence Madeleine-Perdrillat. Pour Irrésistible, j’ai travaillé avec deux autrices : Clémence Dargent, avec qui j’avais collaboré sur Ovni(s) et Émilie Valentin. En tout, j’ai donc écrit 4 épisodes seules et 2 épisodes en coécriture. Cependant, j’ai eu la chance, et c’est assez rare puisque tous les créateurs de séries n’obtiennent pas ce poste, de pouvoir assurer la direction artistique de la série. J’avais donc un regard depuis le casting jusqu’aux costumes, jusqu’à la toute fin du montage. J’ai vraiment eu la sensation qu’on me faisait confiance. Je pense que j’étais sortie de l’expérience de Nona et ses filles et En thérapie plus forte, et cela a aussi rassuré la production et Disney. En tout cas, j’ai eu la sensation d’avoir vraiment la possibilité de chercher et d’écrire exactement la série que j’avais envie d’écrire.

Avoir ce regard 360 sur la série, c’est quelque chose auquel vous aspirez désormais et pour la suite ?

Clémence Madeleine-Perdrillat. Sur les séries que je crée, clairement, oui. Je pense que je ne pourrai pas revenir en arrière, j’ai tellement aimé ça. Mais je suis aussi une scénariste qui adore travailler pour les autres. Dernièrement, j’ai travaillé sur la série sur Bernard Tapie qui sort aujourd’hui sur Netflix, et j’ai adoré. J’aime quand je rencontre une créatrice ou un créateur de série, et j’adore être au service de la série. C’est aussi quelque chose que j’ai envie de continuer à faire. Mais clairement, en ce qui concerne la création de série, j’ai envie de pouvoir continuer la direction artistique. C’est vraiment trop merveilleux, quand on a eu une idée, et quand ça nous intéresse, car évidemment, il y a aussi des créateurs que ça n’intéresse pas.

Est-ce qu’il y a une série qui vous a fait aimer les séries, et donné envie d’en faire aussi ?

Clémence Madeleine-Perdrillat. Évidemment, il y a les séries en lien avec l’enfance, celles que je regardais avec ma maman ou mon frère, notamment, toutes les retransmissions des grands classiques. C’était déjà un premier rapport à la série. Comme de nombreuses personnes, j’ai été marquée par ces séries de mon enfance. Dans mon adolescence, c’était Malcolm qui a longtemps été cette référence.

Ado, est arrivée Mad Men, et ça a été un énorme choc : je me suis dis, ‘ok, c’est possible de faire ça. D’arriver à cette finesse des sentiments, à cette caractérisation des personnages, c’est incroyable‘.

Mad Men est une des séries les plus incroyables d’après moi, pour ce qui est de la description d’une forme de mélancolie et d’humanité qui m’a beaucoup marquée.

D’après vous, que faut-il pour réussir en tant que scénariste, et plus particulièrement en tant que femme scénariste, dans un monde du cinéma encore très masculin ?

Clémence Madeleine-Perdrillat. Il faut une grosse capacité de travail, assurément. Et il faut bien s’entourer, tout le temps.

Je crois que l’expérience qui a été décisive pour moi, était l’écriture de la saison 2 de En thérapie, parce que j’avais un enfant d’un an et demi, et je pense vraiment que cela n’aurait pas été possible si je n’avais pas été entourée.

Je pense que c’est un fait, qu’avoir envie de travailler sur des séries très exigeantes et envie d’avoir aussi une vie personnelle, de famille, par exemple, est extrêmement complexe. D’autant plus quand on est une femme, c’est une évidence. Il ne faut pas, je crois, sacrifier sa capacité de travail. On peut travailler beaucoup, tout en s’entourant bien, et en faisant en sorte que ce soit possible. Mais il faut aussi gérer avec la culpabilité, c’est encore une autre histoire… Mais surtout, il ne faut jamais renoncer.

Quid des films, c’est quelque chose qui vous intéresse ?

Clémence Madeleine-Perdrillat. Oui, c’est quelque chose qui m’intéresse beaucoup. J’ai déjà travaillé avec des cinéastes sur des projets. Je crois qu’en ce moment le cinéma ne se porte pas très bien, donc les projets sont plus difficiles à monter qu’en série où il y a une vraie ébullition. Il se trouve que j’ai eu la chance de travailler sur des choses qui ont vraiment beaucoup de sens pour moi, mais ce n’est pas du tout quelque chose que je laisse de côté. J’aime travailler sur plein de formes différentes, j’ai travaillé en animation, donc évidemment que le cinéma me passionne.

Quels conseils donneriez-vous à une jeune femme qui souhaiterait devenir scénariste de série ?

Clémence Madeleine-Perdrillat. De se faire confiance et de ne pas se décourager. Je dis tout le temps aux jeunes auteurs que je rencontre qu’écrire c’est réécrire et ça, c’est ce qu’il faut faire. Il faut écrire et réécrire tout le temps, tout le temps, tout le temps, ne pas se décourager, et ne pas sacrifier sa force de travail parce qu’on est une femme et qu’on attend de nous d’en faire deux fois plus.


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