En français, les majuscules prennent un accent. On l’aurait presque oublié, ou peut-être même jamais su pour celles et ceux d’entre nous qui passent leur temps à lire et écrire entre un clavier et un écran : savez-vous seulement comment faire À, É, ou Ç sur votre clavier ?
« Ouais, attends, il y a code, c’est alt+… Attends, je google ça… Ah oui voilà, c’est alt+ des chiffres… Ah ça marche pas avec « shift », j’essaie avec MAJ… AH ÇA MARCHE ! »
À moins d’avoir une secrétaire de rédaction tyrannique menaçant de t’arracher un ongle par accent manquant à tes majuscules (toute ressemblance avec une personne réelle occupant les fonctions de secrétaire de rédaction de madmoiZelle.com serait purement fortuite) [NDMymy, secrétaire de rédaction ET rédac-chef adjointe : Clémence est virée], qui s’emm… nnuie à taper les accents à base de code de plus de 3 touches, sérieusement ?
Et pourtant, ce problème est loin d’être anecdotique : il conditionne directement la bonne lecture d’un mot ou d’une phrase ! Un exemple ? En voici plusieurs, proposés par le ministère de la Culture et de la Communication :
« Un texte qui n’est pas accentué peut prêter à confusion, voire provoquer des contresens fâcheux :
ENFANTS LEGITIMES ou ENFANTS LÉGITIMÉS de Louis XIV ?
ETUDE DU MODELE ou ÉTUDE DU MODELÉ ?
GISCARD CHAHUTE A L’ASSEMBLEE ou GISCARD CHAHUTÉ À L’ASSEMBLÉE ?
Est-on INTERNE ou bien INTERNÉ à l’hôpital ? »
Les accents sont aux lettres ce que les virgules sont aux chiffres : que ceux qui n’en voient pas l’utilité me fassent un chèque en me laissant placer la virgule « où je veux », ils comprendront très vite.
J’ai pris l’exemple des accents parce que ce sont les occurrences les plus courantes. J’aurais pu citer les caractères spéciaux, qu’il faut carrément aller chercher dans le menu du traitement de texte pour pouvoir les insérer. Parce que ne me dites pas que vous allez retenir le code clavier du « ae », à moins de vous appeler Lætitia. Votre flemme est cohérente, j’imagine.
Moi quand je dois insérer des caractères spéciaux
C’est pas la flemme, c’est le clavier
Le ministère de la Culture et de la Communication a une excuse pour tou•te•s les fainéant•e•s du numérique (et oui, je tape « alt+shift+point » à chaque fois que j’utilise un « • », alors je juge, j’ai le droit.) En vrai, c’est pas de la flemme, c’est (aussi) (et surtout) de la faute de l’agencement du clavier AZERTY
, qui n’est pas adapté à notre belle langue et à ses subtilités.
La disposition AZERTY est un héritage des machines à écrire. Un vestige, donc.
Il faut savoir que la disposition AZERTY (transposition francophone du QWERTY) est l’héritage des machines à écrire. Or, la raison pour laquelle les caractères étaient disposés de cette étrange manière sur l’aïeul de l’ordinateur était purement technique : c’était pour éviter que les tiges ne s’emmêlent en menant les touches jusqu’au bandeau d’encre sur le papier.
Cette précaution bien pratique à l’époque n’a plus aucune pertinence dans la disposition des caractères d’un clavier numérique, vous en conviendrez. Dès lors, pourquoi ne pas se lancer dans la composition d’un nouveau pavé de caractères, plus adapté à notre langue et à nos usages ?
C’est précisément la conclusion du ministère de la Culture et de la Communication, qui a initié un travail avec plusieurs partenaires, allant dans ce sens :
« Compte tenu de ces difficultés [celles illustrées précédemment par « la flemme », NDLR], la délégation générale à la langue française et aux langues de France a souhaité lancer, dans le cadre d’un partenariat avec AFNOR, en lien avec les industriels et les représentants des utilisateurs du secteur, un travail visant à aboutir à une norme française de clavier. »
Un autre clavier est possible
Certain•e•s n’auront pas attendu le ministère de la Culture et de la Communication pour faire de la Résistance (numérique !) une spécificité française : voici le clavier BEPO, adapté à la langue de Molière (version années 2000 quand même pour Molière, rapport que l’arobase était peu usité dans les années 1600).
– Merci à @FibreTigre pour cette photo !
Si le sujet vous intéresse, Fibre Tigre, qui s’est mis au clavier BEPO, en a discuté avec ses acolytes (Sylvain Paley, Lâm Hua, Daz & Mélissa) lors d’une émission de Studio 404, où il fut entre autres question de « sortir de l’Azertyrannie ». (Résistance, je vous dis !)
Une démarche visant à inclure les spécificités des langues latines européennes et régionales
La démarche du ministère de la Culture et de la Communication s’inscrit aussi dans cette volonté de sortir de « l’Azertyrannie » (belle expression, monsieur Daz, je vous l’emprunte, cordialement). Le but n’est pas seulement de ré-arranger les lettres comme ça nous arrange, et d’y inclure les caractères spéciaux les plus courants du français, mais également de prendre en compte les langues latines européennes et les langues régionales. Que l’on puisse faire le « ñ » et le « ß »* plus facilement qu’en suivant le chemin menu -> insérer -> caractères spéciaux, soit environ 12 clics de trop pour moi, je le confesse.
Du coup, le clavier optimisé pour la francophonie et l’Europe latine, en ce qui me concerne : on dit oui. Ça ne m’empêchera pas de continuer à taper de l’anglais avec ses caractères « basiques », ça rendra juste ma vie littéraire française et mes correspondances moins grevées de coquilles indépendantes de mon absence de ma volonté… !
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