Au tout début, je ne voulais ABSOLUMENT PAS aller en prépa. Pour y avoir vu ma grande sœur, c’était pour moi du travail et encore du travail. Je pensais ne pas avoir envie de vivre ça.
J’avais pour projet une autre école dans laquelle je n’ai pas été prise et ce fut une assez grande claque.
Finalement, après une conversation avec mon professeur principal si bienveillant, je me suis convaincue que la prépa serait le mieux pour moi.
Mon choix et mes premiers pas en Hypokhâgne
Je savais que je voulais me diriger vers de longues études, et j’ai toujours eu besoin de stimuler ma curiosité. La fac, ça voulait dire se réduire à une seule matière, et j’avais surtout peur de me retrouver noyée dans la masse.
Me voilà donc prête à faire ma rentrée en Hypokhâgne, dans une prépa de province relativement prestigieuse et exigeante (disons que c’est une des rares qui réussit encore à faire rentrer un ou deux élèves à l’École normale supérieure).
L’Hypokhâgne (HK) désigne la première année de classe préparatoire aux Grandes Écoles (CPGE) littéraire. La Khâgne désigne la deuxième année.
L’intégration en Hypokhâgne se fait post-bac, sur dossier et avec une lettre de motivation.
On y prépare le concours d’une des Écoles normales supérieures (ENS), grâce auquel on accède également aux écoles et formations membres de la Banque d’épreuves littéraires (BEL).
Nous venions tous et toutes d’horizons différents.
Il y avait un petit quota d’élèves issus de lycées privés catho et qui faisaient du grec ancien depuis la 5ème.
Mais il y avait surtout beaucoup de gens de petits lycées de campagne comme moi, venus ici pour le large champ de possibilités de poursuites d’études !
Remarquons néanmoins le manque de diversité ethnique et l’inégalité des sexes : 3 personnes non-blanches et 8 garçons sur 48 élèves…
Une ambiance bienveillante sans concurrence
Dès la pré-rentrée, qui est au passage la meilleure chose qui soit, les aguerris ont répondu aux questions des nouveaux et nouvelles, tous et toutes aussi flippées que moi.
Ils relativisaient, racontaient des anecdotes sur les profs et la vie de prépa, promettaient de bien s’occuper de nous…
C’était une ambiance de bienveillance et de coolitude extrême sans aucun snobisme. Cette première impression s’est confirmée et a grandi tout au long de l’année.
Nous vivions une intégration vraiment pas méchante avant d’être initiés au folklore de la classe. Je sais que ça n’existe pas dans toutes les HK, alors que cela a vraiment joué dans l’ambiance de ma classe.
Nous nous sommes vus attribuer des sortes de rôles à jouer tout au long de l’année, dont le but était majoritairement de mettre du punch, du rire et de l’amour dans la classe.
J’ai en effet eu la chance d’avoir une classe extrêmement soudée et bienveillante. Jamais aucun jugement, toujours du soutien, et une motivation quasi unanime concernant les évènements de classe.
Cette ambiance a pour beaucoup joué dans la façon dont j’ai vécu mes années prépa, bien sûr. Il n’y avait absolument aucun esprit de compétition, très sincèrement. Si certains individus l’avaient, cela ne transparaissait pas dans la classe.
Cela venait aussi du fait que peu de gens étaient finalement intéressés par l’ENS.
Sans même s’occuper du pourcentage de chances de l’avoir [le taux de réussite au concours de l’ENS de la rue d’Ulm (Paris) est inférieur à 5%, NDLR], l’ENS, en fait, ne répond pas aux aspirations de tout le monde !
Oui, il y a beaucoup de travail en prépa, mais c’est gratifiant
La formation nous a donné des choses que je considère très importantes, sur le plan universitaire et humain.
C’est un cliché publicitaire, mais c’est vrai : la prépa c’est avant tout une méthode de travail. Avec un devoir sur table, une khôlle, plusieurs exercices, et le maximum de pages à lire en une semaine… l’organisation s’impose d’elle-même.
Une colle (orthographiée khôlle dans le jargon khâgneux) est une interrogation orale qui peut avoir lieu dans n’importe quelle matière (LV1, LV2, histoire-géo, littérature, philosophie…)
Elle existe aussi dans les classes préparatoires aux Grandes Écoles scientifiques, et selon l’établissement, a lieu une à deux fois par semaine.
On tâtonne, on teste, ça peut prendre du temps, mais au final, on se trouve.
Est-ce que c’est TROP de travail ? C’en est beaucoup, oui. C’est intensif, fatiguant, exigeant. Il faut être prête.
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C’est vrai qu’en certaines périodes les temps de loisirs sont inscrits comme des « pauses » dans notre emploi du temps.
C’est vrai qu’il faut gérer toutes les demandes en même temps, un peu comme une période de partiels mais pendant TOUTE l’année.
Mais c’est vrai aussi que, finalement, on nous donne plus de travail qu’il est humainement possible d’en abattre, donc que l’on n’attend pas de nous que l’on fasse tout. Le but est de faire de son mieux.
Tous ces efforts payent. Le travail fini par être reconnu, si ce n’est par les notes, au moins par l’appréciation. C’est très gratifiant et cela booste la confiance en soi.
Ce que je retire de mes années prépa pour la vie
Grâce à ces deux années de défi, je connais désormais ma valeur. Elle ne se mesure pas à mes notes, mais à mon attitude face au travail. Je sais que j’ai donné du mieux que je pouvais, j’ai joué le jeu. Je suis capable.
En fait c’est bien plus profond que de simples « méthodes de travail ». C’est un apprentissage de soi-même.
J’ai appris à connaître mon rythme, mes besoins… Je me connais, et me respecte mieux : je sais notamment quand il faut dire stop.
C’est à la fois une découverte de moi-même par mes limites, et une découverte de mes capacités par le dépassement de mes limites.
Je sais désormais que je suis capable de me donner à fond pour quelque chose qui est important pour moi, et même pour quelque chose qui l’est un peu moins si j’en ai besoin. J’ai une volonté qui peut mettre au pas mes accès de flemme.
La finalité de l’apprentissage en prépa ne se trouve pas dans les notes du concours, mais bien après, dans toute la vie en fait.
En plus d’une culture générale et une capacité d’analyse et de critique forcément utiles, j’ai surtout un bagage qui me permettra d’affronter beaucoup d’épreuves dans mes études et ma future carrière.
Mes profs de prépa : un de mes plus gros soutiens
Quant aux profs, ils sont des sources d’inspiration pour moi, comme des mentors. Ils sont la preuve que je vais pouvoir continuer d’apprendre toute ma vie.
J’ai eu la chance de ne pas croiser les pervers narcissiques manipulateurs et autoritaires que l’on décrit souvent. Si certains — en fait, un — pouvaient être odieux, la plupart étaient d’une grande bienveillance.
L’avantage de la prépa, c’est que les profs nous connaissent personnellement et sont accessibles. Il est possible d’aller les voir à tout moment, leur envoyer un mail le dimanche pour leur demander conseil, ou leur expliquer un problème personnel.
Je les admire énormément pour leur savoir, leur talent, et leur humanité. Ils sont intéressés par la réussite de leurs élèves et veulent les pousser à leur meilleur, mais aussi par leur bien-être, oui oui !
C’est grâce à eux et à leurs méthodes que je me suis améliorée, et aussi peut-être pour certains d’entre eux. J’avais cette peur de les décevoir, parce que je les estimais énormément.
Pour autant je ne souhaite pas devenir comme eux. Je ne crois pas que la formation KH formate les élèves, au contraire.
Certes, nous apprenons une méthode de rédaction très carrée en elle-même.
Mais moi je vois cela comme un cadre, qui aide à mettre en place et expliquer mes idées. Les notions que nous sommes obligées d’apprendre par cœur servent en fait à étayer nos arguments.
Ce qui est noté dans une dissertation, c’est notre capacité à comprendre les enjeux et les problèmes d’un sujet et à mener notre réflexion avec logique.
Au terme de la prépa, j’ai réellement vu une amélioration dans mes analyses. J’ai appris à mener et transmettre une réflexion.
J’ai survécu à la prépa, et ma vie sociale aussi
Est-ce que j’ai dû sacrifier ma vie sociale pour ça ?
Je dois reconnaitre que les gens que j’ai le plus fréquenté pendant deux ans sont mes camarades de classe. Mais j’ai aussi réussi maintenir mes amitiés de lycée et mon couple.
Prépa maquée, prépa manquée ? Que nenni. J’étais en couple avant d’entrer en HK, et je suis toujours avec la même personne ! Il a justement été l’un de mes plus grands soutiens.
Mes camarades de classe, mes frères et sœurs de galère, certains sont devenus des amis proches. Et, oui, nous sortions ! Soirées bars et boîtes ou cuisine et jeux de société, tout dépendait du mood, mais, oui, les préparationnaires savent s’amuser.
Nous nous sommes soutenus mutuellement deux ans et je sais que cela continuera après.
Avant de rentrer en prépa je voulais faire Sciences Po, Paris dans l’idéal, pour devenir journaliste.
Mais j’ai beaucoup évolué pendant la prépa et je me tournerai plus vers le domaine de la culture : soit médiatrice culturelle, soit responsable de projets dans des institutions culturelles…
Ce n’est pas encore très défini. Je viens tout juste de finir la prépa. L’an prochain, je boucle ma L3, en Lettres et Arts, et je le fais en Erasmus.
Pour la suite ce n’est donc pas défini, sûrement un Master en médiation ou management de politiques culturelles.
Il se pourrait même que je me tourne de nouveau vers un IEP, celui de Lille, qui propose ça.
La prépa littéraire, c’est ce qu’il me fallait
Bien sûr, il y a des gens de ma classe qui ont eu une mauvaise expérience de la prépa. On a eu à la fin de l’Hypokhâgne 7 ou 8 départs volontaires. Au début de la khâgne 2 autres.
Pendant cette année, certains ont perdu la motivation en perdant de vue la raison pour laquelle ils étaient là.
En général, c’est qu’on trouve vraiment la matière qui nous fait vibrer, alors on se demande pourquoi on fournit tant d’efforts pour quelque chose qui ne nous intéresse plus…
C’est difficile aussi quand nos efforts ne paient pas et qu’on voit les notes stagner à des niveaux bas. Je reconnais avoir eu l’immense chance de bien m’en sortir sur ce plan.
Pour résumer, aller en classe préparatoire c’est une expérience assez dingue, dans laquelle on rencontre des personnes vraiment dingues aussi, mais dans le bon sens du terme !
Je me rends compte que c’était vraiment la chose qui me fallait à ce moment-là de ma vie et que si j’avais été prise pour mon premier souhait, ça aurait été vachement moins bien.
Voici ce que j’ai retenu de mes deux années de classe prépa en Lettres, à chaud, je viens juste de passer mes concours.
Évidemment, cela tient à des paramètres qui sont très personnels, comme mon attitude face au travail, ou mes relations avec mes camarades, qui peuvent changer du tout à son contraire selon les élèves.
Néanmoins, cette vision n’est pas seulement la mienne. Il me semblait important de montrer que l’on peut bien vivre sa prépa sans être une bête à concours !
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Les Commentaires
Je suis bien d'accord avec vous sur la quantité de travail et le choc qu'on peut avoir quand on passe du lycée où on s'en sort facilement à la prépa... Au lycée je me contentais d'être attentive en cours et je ressortais avec déjà une bonne partie du cours assimilé, alors qu'en prépa ça ne marchait plus! Et j'ai effectivement eu du mal
au débutpendant une bonne partie de ma prépa parce que je gardais le mauvais réflexe de me mettre à réviser la veille du DS/de la colle, mais ça marche moins bien quand il y a plusieurs chapitres de 20 pages depuis le dernier DS/la dernière colleD'où les révisions qui durent jusqu'à tard dans la nuit et le besoin de café le lendemain
Ceci dit je pense qu'en BCPST il y a quand même une partie de bachotage un peu plus importante qu'en prépa scientifique autre. On avait besoin de connaitre par coeur les cours et les schémas de bio, alors qu'en maths/physique/chimie, le bachotage était moins nécessaire (d'après mon expérience perso).