« Basé sur des faits et des mensonges », nous prévient-on à chaque début d’épisode. Pourquoi pas. Au fil des minutes qui défilent, on comprend très vite l’ironie de cette précision… Car finalement dire qu’une série sur le célèbre braqueur suédois Clark Olofsson prend des libertés est une sorte en mise en abyme même de l’existence insaisissable de celui qui est à l’origine de ce qu’on nomme le syndrome de Stockholm et n’a jamais livré toute la vérité sur lui.
Disponible depuis début mai sur Netflix, Clark est une série suédoise en six épisodes d’une heure, créée par Jonas Akerlund, metteur en scène de clips pour David Guetta, Madonna ou encore les Rolling Stones. Le monde du 7ème art aime tellement s’emparer des vies incroyables des grandes icônes rebelles. Désormais, les séries sur les plateformes de streaming aussi. Des héros qui sont un appel à se délivrer des chaînes de la société, à revendiquer un esprit nihiliste et surtout à éprouver pleinement l’idée de liberté. Et de cela, le spectateur est friand !
Le pitch ? La vie romancée de Clark Olofsson
À chaque pays, son biopic sur son ennemi public numéro 1. Après Bonnie & Clyde aux États-Unis et Mesrine en France, la Suède peut enfin briller avec son bandit irrévérencieux : Clark Olofsson. Entre les années 70 et 80, il s’est rendu coupable de nombreux vols, braquages de banques, agressions, évasions de prisons ou encore trafics de drogues. Il a vécu mille et une vies, mais surtout marqué l’histoire en 1973 avec son braquage de la banque de quartier de Norrmalmstorg dans la capitale suédoise. C’est là-bas que le syndrome de Stockholm aurait vu le jour…
La série revient donc sur le parcours de vie, complètement déjanté, de Clark Olofsson. Le scénario s’est inspiré de la biographie écrite par le braqueur lui même et publiée en Suède en 2015. Et sans tabou, le réalisateur n’a pas hésité à entrelacer fiction et réalité. L’objectivité est loin d’être au rendez-vous, pire, on a l’impression que cette manière de conter cette histoire facilite, voire par moment, force l’attachement du spectateur au bandit.
Une réalisation originale et survoltée
Point positif : la grande qualité de la réalisation portée par Jonas Akerlund, avec notamment un jeu incessant avec la teinte des images qui s’adapte en fonction du lieu où se déroule l’intrigue. Les couleurs sont désaturées lorsque Clark est en prison, en noir et blanc lorsqu’on aborde sa douloureuse enfance ou encore pétantes à chaque fois que le braqueur retrouve sa liberté. Toutefois, si vous êtes photosensible, ces excès de lumières et de couleurs peuvent vous forcer à sortir vos lunettes de soleil…
L’expérience de réalisateur de clip de Jonas Akerlund est omniprésente dans la série : cadres, formats changeants, mise en scène travaillée, le tout porté par un montage survolté aux transitions sonores millimétrées et comiques. Des séquences en animation pointent même parfois le bout de leur nez. L’une d’elle est un hommage direct au style du clip Yellow Submarine des Beatles. La plus impressionnante ? Celle de la naissance de Clark Olofsson qui démarre la série : grotesque et décalée, le ton est donné. La série Clark relève carrément de la comédie burlesque et délaisse le drame académique. Et ça, c’est tellement frais !
Le personnage de Clark Olofsson, incarné par l’acteur Bill Skarsgård, se fond parfaitement dans cette mise en scène explosive et frénétique. Son énergie sans limite donne à son personnage une allure clownesque, parfois il est vrai, épuisante. Il faut dire que cette performance de l’acteur, continuellement dans « l’excès » donne à son personnage une personnalité insensible, voire dénuée de toute humanité. Celui à qui l’on doit le syndrome de Stockholm était-il réellement ainsi ? Nous ne le saurons finalement jamais.
Le syndrome de Stockholm peu développé
Cette série est intéressante car elle aborde la naissance du syndrome de Stockholm lors du hold-up de la banque de Norrmalmstorg dans la capitale suédoise en 1973. La prise d’otages aurait duré six jours, et le braqueur séducteur aurait réussi au fil des jours à faire de ses quatre captifs ses meilleurs alliés. Un braquage qui tourne mal mais qui a mis en évidence une pathologie psychologique, définit par le dictionnaire Larousse comme étant :
« La sympathie qui s’établît entre un otage et ses ravisseurs. Il pourrait s’agir d’une réaction de défense du psychisme contre une séquestration prolongée. »
Malheureusement, ce fameux braquage à l’origine du phénomène psychologique intervient au milieu de la série tel un événement ordinaire dans l’existence à 1000 à l’heure de Olofsson. Pour lui, c’était peut-être le cas, mais pour nous spectateur, ça ne l’est pas… Ce principe du syndrome de Stockholm est mis en place trop rapidement, sans finesse ni justesse… et il est peu exploité dans la suite de la série. Dommage.
Clark devient une sorte de voyage halluciné sans réelle ligne conductrice. À vouloir trop en raconter, la cohérence est vite lésée. Alors même si on rit, même si on reste captivé par les situations lunaires, on ne décèle pas le leadership transcendé par Clark Olofsson. Les dialogues restent basiques et délaissent l’émotion. Les femmes sont des victimes et les policiers des demeurés. Et c’est tout.
L’erreur est certainement d’avoir été pris au piège par le second degré omniprésent, presque exténuant de la série. Un peu de sérieux n’aurait pas fait de mal… Cela aurait permis de mettre en lumière la première victime de Clark Olofsson : lui-même, noyé sous ses mensonges, se voilant la face sur le monde mais aussi sur les traumas de sa propre histoire. Bien tenté, mais le fond du message demeure terriblement inachevé…
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Image en Une : © Eric Broms – Netflix
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