Pop-rock. Ce terme est d’une ambiguïté sans nom. La pop, c’est les mélodies imparables, qu’on retient en un souffle et qu’on sifflote qu’en l’humeur nous en prend. Le rock, c’est (oula, j’entre sur un terrain miné) autre chose. Oui j’attends un peu avant de donner ma définition du rock. C’est que ça vous suit toute votre vie ces choses là ! Plus sérieusement, le rock se conjugue à l’imparfait, tandis que la pop recherche la mélodie parfaite. D’ailleurs on parle plus souvent de “mélodies pop parfaite” que de “riffs rock parfaits”, non ? Conjuguer les deux pour faire du pop-rock, c’est mission impossible, c’est marcher sur une corde raide avec une poule qui vous picore les valseuses. Essayer d’être aussi classes que Supergrass en ne se privant pas de bonnes grosses tranches de bordel guitaristique à la Who, c’est la mission que se sont donnés les Parisiens de Brooklyn sur leur premier album : Clandestine.
Encore un groupe de Parisiens aux parents bobos qui font du rock, et qui chantent en anglais qui plus est ! Vous allez croire que j’ai définitivement succombé à Philippe Manoeuvre (il commencerait presque à me faire des avances, le bouillonnant lutin rock’n’roll à lunettes) et à son coup de foudre pour la nouvelle scène rock parisienne… C’est juste que l’écrémage se fait, que les nuls sont retournés à l’école, et que les bons émergent vraiment. Brooklyn n’échappe pas au dénominateur commun de cette scène : leurs influences, on les trouve d’abord dans les années 1960 et chez les Strokes, qui a été une espèce d’électrochoc. Le choix de l’anglais s’est fait naturellement, même si ce n’est pas la langue maternelle du leader Ben Ellis, et que cela s’entend. On ne peut pas vraiment attendre d’eux une prose digne des meilleurs groupes indés anglophones, tout au mieux dépassent-ils les Fratellis, mais très franchement, c’est pas bien compliqué. Et puis tant mieux, car une fois qu’on a compris que le meilleur ne se trouvait pas dans les paroles, on peut se concentrer sur l’essentiel, la musique.
De ce côté là, on a affaire à de la pop survitaminée efficace sur tous les titres, même si on ne peut s’empêcher de rire sur “Volcanology”, qui est vraiment pas géniale, et au niveau des paroles, on se rapproche dangereusement de la prose des BB Brunes, ce que j’appelle la “ligne maternelle”. Cher Brooklyn, cela vous a tout de même coûté une étoile, ‘faut pas charrier. Heureusement, ils se rattrapent très vite. Le chant et les choeurs sont excellents. Ce que c’est agréable un chanteur qui sait chanter ! La voix de Ben Ellis me fait parfois penser à celle de Mark Daumail(Cocoon) qui aurait lâché sa Morgane et sa guitare sèche pour une Flying V, notamment sur “Many Times” et “Clean” qui ferme le disque (la touuute fin du disque est sensationnelle, achetez l’album juste pour ça, j’étais juste morte de rire), mais non, sa voix est plutôt unique dans son genre, et vraiment pas désagréable.
Mélodies pop parfaites. Je ne sais pas si je dois leur reprocher ou non. D’un côté, difficile de faire quelque chose de parfaitement original, les Beatles ont épuisé toutes les ressources de ce côté. Ce qu’on est en droit de demander à un groupe de pop-rock, c’est de nous faire plaisir, de nous proposer des chansons dans lesquelles il est aisé de pénétrer, de s’installer, de mettre la photo de notre ex et de sautiller partout en secouant la tête en faisant du playback sur des paroles qu’on retient facilement. De ce côté-là, Brooklyn fait un carton plein. L’embêtant, c’est que j’ai parfois l’impression d’entendre la bande-originale d’une comédie états-unienne bidon, ce qui gâche un peu le tout. Et dieu sait que les BO de ces films sont parfois excellentes, mais à cause de ça, il est parfois un peu difficile de s’approprier les chansons, de vraiment les apprécier pour leur justesse musicale.
Et là vient la phrase qui énerve : il manque quelque chose. Peut-être ce quelque chose qui faisait que je n’avais pas réussi à apprécier les précédents albums des Killers et que le dernier, qui est définitivement pop, me plaît démesurément. Entre pop et rock, j’ai bien peur qu’il faille choisir si l’on veut vraiment me faire plaisir. Il n’empêche que Clandestine est un très bon album, enjoyable comme disent les Anglais, kiffable comme disent les Français, plaisant comme je dis. Même très plaisant sur certaines pistes : “Clandestine” d’abord, la meilleure chanson de l’album, “Only Changing”, “Stay Around” pour la mélodie éblouissante et “From Tomorrow” qui me fait penser à une version moderne des Small Faces, rien que ça.
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