Plaintes contre X pour coups et blessures, violences en réunion avec armes… La manifestation anti-mariage pour tous de la semaine dernière a très largement dérapé, jusqu’à créer la polémique que nous connaissons tou-te-s. Les altercations ont donné suite à une série de plaintes de la part des deux groupes qui se sont opposés, et sur la toile, vous avez été nombreux à prendre position.
« Comment peut-on oser lever la main sur des femmes dénudées, donc fragiles ? » a t-on lu, « Oui, mais quelle idée de venir provoquer des manifestant-e-s qui étaient dans leurs pleins droits ? » a t-on vu rétorquer.
Depuis l’incident, Civitas est monté au créneau. Alain Escada, président du mouvement, écume les conférences-débats : hier soir à Strasbourg, ce soir à Nancy, celui qui est aussi militant d’extrême-droite en Belgique entend sensibiliser son public au « non au mariage homosexuel et à l’adoption d’enfants par les homos ». Selon lui, les journalistes et les politiques sont « de sourcilleux gardiens de la liberté d’expression à sens unique » :
« Il s’agit d’une tentative d’intimidation visant à n’approuver la liberté d’expression que lorsqu’elle est conforme aux diktats des faiseurs d’opinion et du gouvernement socialiste. »
La critique est courante : nombreux sont les anti-mariage pour tous à regretter que leurs voix soient toujours noyées dans un paradigme progressiste et moralisateur. À l’instar de Sylvie, militante Civitas, qui commente :
« S‘opposer à ces projets de loi ne revient pas à être forcément homophobe ! La police de la pensée fait terriblement peur, ces derniers-temps : on ne peut plus se poser la question de la légitimité de tels projets de société sans se voir taxer d’irrécupérables connards détestant les gays… »
C’est que la question du mariage pour tous est plutôt clivante :
« Évidemment, il y a des gens pas assez fut-fut pour exprimer leurs opinions convenablement. Ce sont les fauteurs de trouble. Mais ces comportements profitent à ces dictateurs de pro-mariage, qui préfèrent nous décrire comme des cons qui n’ont rien compris et sont intrinsèquement mauvais. Sur la question de la manifestation par exemple : tout le monde s’est amusé à relayer les débordements comme si Civitas tout en entier en était solidaire… »
— Capture d’écran issue du site Internet de Civitas
De toute façon, selon Alain Escada, les manifestants qui se sont jetés sur les FEMEN ne font pas partie de Civitas :
« Les policiers ont informé les responsables de Civitas que seuls avaient été interpellés quatre individus sans rapport avec Civitas et que rien ne pouvait être reproché à Civitas. À l’inverse, le service d’ordre de Civitas a été exemplaire puisqu’il a pu bloquer les FEMEN sans user de violence pour les empêcher d’avancer plus avant dans la manifestation et continuer à agresser les participants et à s’exhiber notamment devant des enfants. »
Et quand on demande à Civitas en quoi la présence de mineurs était nécessaire, l’institut nous fait remarquer que la question d’une contre-manifestation se pose bien davantage :
« Elles sont venues contre-manifester illégalement puisque sans déclaration préalable, avec virulence, en portant un voile de religieuse sur la tête, les seins nus, certaines en porte-jarretelles, avec des expressions injurieuses écrites sur la poitrine (« fuck God », « fuck church », « Saint-esprit étroit », « Marie marions-nous », « occupe-toi de ton cul »), pour attaquer les manifestants de CIVITAS – dont des enfants qui ont été extrêmement choqués – en les aspergeant de gazs fumigènes contenus dans des aérosols mentionnant en Anglais « Saint sperme » et « sperme de Jésus » ! »
Au-delà de ces débordements, qui ont offert à Civitas une couverture médiatique plutôt préjudiciable, une question a été peu abordée : qui sont ces chrétiens réunis en un mouvement qui affirment vouloir « la restauration de la royauté sociale de Notre Seigneur Jésus-Christ » ?
Hervé, sympathisant Civitas, explique :
« À mon sens, le mouvement n’est pas « religieux », mais « politique ». Il s’inspire de la doctrine sociale de l’Église. Nous souhaitons la rechristianisation de la France, ce qui revient aussi à dire que nous ne nous reconnaissons pas dans le culte de l’individualisme et du libéralisme qui a actuellement cours dans le pays. Civitas est pour le Bien Commun et prône un retour à la France chrétienne. Nous sommes contre la dictature de la laïcité. »
Sur son site Internet, l’institut Civitas explique militer pour une nouvelle souveraineté nationale qui s’oppose à l’intégration européenne, et à ce titre, n’hésite pas à citer Pie XII (discours du 21 juin 1955) pour soutenir son propos :
« L’État doit posséder l’autorité nécessaire à sa charge, c’est la souveraineté. Or, « la souveraineté a été voulue par le Créateur (…) pour qu’elle règle la vie sociale selon les prescriptions d’un ordre immuable dans ses principes universels, pour qu’elle rende plus aisée à la personne humaine, dans l’ordre temporel, la réalisation de la perfection physique, intellectuelle et morale et pour qu’elle l’aide à atteindre sa fin surnaturelle »
L’institut souscrit également à l’idée de « regards chrétiens sur l’économie » :
« Sur les ruines de ce que fut la chrétienté, nous voyons aujourd’hui s’accumuler de gros nuages noirs. L’économie moderne se trouve actuellement sous la domination d’un pays foncièrement païen qui, à lui seul, représente près de la moitié des richesses mondiales et asservit le reste du monde à ses propres intérêts. Sous couvert d’ouverture et de mondialisme obligatoire, les dirigeants des autres pays acceptent cette situation comme allant de soi. »
Et Civitas de se référer à l’histoire, aux Écritures, et à la Doctrine Sociale de l’Église pour affiner sa théorie.
Pour dégrossir le propos, résumons-le en ces termes : Civitas milite contre « la déliquescence de nos valeurs les plus traditionnelles », le mondialisme et la « dictature » de l’Union Européenne qui enlève à la nation ses prérogatives naturelles, le tout en se basant sur l’idée que la seule autorité légitime est celle de Dieu :
« Comme l’homme est un être social, Dieu, créateur de l’homme est le fondement de la société et « en tant que créateur de toutes les créatures, Il est aussi l’auteur de tous les pouvoirs ». »
Cette idée d’obéissance religieuse est le véritable fil rouge de la dialectique Civitas. Ainsi, Julie, jeune militante chez France Jeunesse Civitas, affirme :
« Au commencement, Dieu a créé l’homme et la femme, pour qu’eux-mêmes puissent donner vie. Si Dieu avait choisi de créer des êtres de même sexe qui s’aiment, comment notre humanité aurait-elle pu exister ? »
Par ailleurs, Civitas invite à signer la pétition Élus pour la famille, et fait acte, par la même, de solidarité avec les propos suivants :
« Il y a lieu, dans l’intérêt même de la Nation, de continuer à honorer et à promouvoir à travers une cérémonie spécifique en mairie la seule union de deux personnes de sexe différent qui fondent une famille en désirant l’inscrire dans la durée et peuvent, sauf dysfonctionnement organique, participer au renouvellement des générations. Permettre à des personnes de même sexe de se marier reviendrait à établir une confusion entre l’institution conçue pour fonder une famille et une union homosexuelle stérile et contre nature. »
Si, comme le regrettent les membres de Civitas, la houleuse manifestation de la semaine passée leur a fait mauvaise presse, pas sûr que l’usage du terme « contre nature » puisse aider à apaiser le débat ou à permettre aux homosexuel.les de se considérer comme des citoyens français à part entière…
— Sur demande des membres de Civitas interrogés, les prénoms ont été changés.
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Les Commentaires
Je ne porte pas les religieux dans mon cœur mais personnellement je trouve ça heureux que certains soient moins cons que les autres et acceptent de changer une règle qui leur semble injuste ou dépassée...