Au cas où tu n’aurais pas lu les épisodes précédents de la fin progressive de mon addiction à la nicotine, laisse-moi te résumer l’affaire vite fait : il y a plus de trois mois maintenant, j’éteignais ma dernière cigarette, lasse de dépenser tous mes ronds dans un truc qui avait fini par me dégoûter profondément.
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Je mettais fin à plus de sept ans d’une aliénation totale, sept ans d’une consommation excessive de cigarettes. Je fumais à raison d’un paquet par jour en moyenne. Ma toux était inquiétante. Quand je me mouchais (excuse-moi du détail dégueulasse mais faut pas se voiler la face), parfois, c’était noir. J’étais épuisée, parce que j’allais me coucher tard, repoussant l’heure d’aller sous la couette parce que j’avais peur d’avoir envie de fumer une fois au lit. J’étais à découvert le 15 du mois tellement ça coûte cher.
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J’osais pas voir les choses en face, mais ça allait pas fort. Ça veut pas dire que tous les fumeurs vont mal ! Ça veut simplement dire que moi, j’allais mal. Tout le monde ne vit pas les choses de la même façon, même au même stade.
J’ai arrêté, et je n’ai jamais repris, mis à part un petit écart en soirée évoqué dans la troisième chronique. Et tu sais quoi ? Je l’ai déjà dit plusieurs fois, mais j’ai trouvé ça beaucoup plus simple que ce à quoi je m’attendais. Parce que je m’étais préparée mentalement, que j’éprouvais déjà depuis longtemps un profond dégoût pour l’odeur de mes cheveux et la sensation de brûlure dans la gorge quand je fumais, bien sûr, mais pas seulement.
C’est beaucoup plus simple que ce à quoi je m’attendais, parce que tout un tas de clichés sont véhiculés sur l’arrêt de la cigarette (par des gens qui ont essayé d’arrêter, par des gens qui fument et n’ont jamais essayé d’arrêter, et aussi par des gens qui n’ont jamais fumé de leur vie, ou presque). Des lieux communs, des on-dit, des fantasmes qui tendent à rendre l’arrêt terrible. À en faire un obstacle infranchissable. Une montagne plus grande que toutes les montagnes réunies.
Prends ma main d’ancienne grosse fumeuse et piétinons ensemble les clichés.
Toi et moi piétinant les clichés avec énergie et amour de l’autre.
« Tu vas rayonner »
Pour prouver ma bonne foi et mon absence de ressentiment envers les personnes qui ont ponctué mes « dans un an/un mois/une semaine/deux jours j’arrête de fumer » de trucs qu’ils avaient entendus ailleurs, je relaie en tout premier un bruit de couloirs positif :
« Oh tu vas avoir une si belle peau ! »
Je sais pas, hein, peut-être que je pars avec un capital peau-saine en-dessous du niveau de la mer, mais à écouter les gens et les témoignages, je pensais que mon visage allait rayonner comme si j’avais avalé une veilleuse en forme de licorne. Bah non, je suis désolée mais non, j’ai toujours du sébum, des points noirs et des ridules au coin des yeux ! Mon teint n’est ni plus diaphane ni plus radieux ni rien : j’ai toujours l’air d’un petit cochon de lait, avec ma carnation rubiconde. PUBLICITÉ MENSONGÈRE ! CALOMNIE ! REMBOURSEZ NOS INVITATIONS !
L’autre alternative, c’est « tu vas retrouver ton souffle en une semaine », qui fait gentiment grincer des dents la personne qui court désormais minimum deux fois par semaine et ne sait toujours pas aller à plus de 8,5km/heure plus de quinze minutes d’affilée. C’est moi, cette personne. Persévérante mais nulle.
Il y a effectivement du mieux, en terme de respiration et de résistance à l’activité sportive, mais faut dire ce qui est : c’est du boulot. Et le pire, c’est que je veux bien croire que ce genre de changements drastiques arrive à des gens dès qu’ils arrêtent de fumer ! Y a pas de justice.
Mais c’est pas bien grave : ma vie a changé, en bien, depuis que j’ai arrêté de fumer, et je ne reviendrais pas en arrière pour tout le teint rayonnant du monde. Mais au cas où, si tu fumes, que tu veux arrêter, et que tu as de grandes attentes sur ton souffle et/ou ton teint d’ici là, dis-toi que si ça se trouve, ça prendra un peu plus de temps que prévu.
Contrairement, par exemple, à l’odeur dans tes cheveux ou à l’état de ton compte en banque : dès le lendemain de ta dernière clope, les conséquences positives se font, sur ces points, déjà ressentir.
« Tu vas être insupportable »
C’est vrai : le premier week-end post-arrêt, j’étais pénible. J’aurais dû le passer seule pour être sûre de n’importuner personne, mais j’avais prévu de rentrer chez mes parents, avec qui j’ai été insupportable à certains moments pendant ces deux jours (je m’en excuse encore régulièrement auprès d’eux).
Si je te disais « c’est n’importe quoi, j’ai pas été insupportable », je te mentirais (et mentir, j’aime pas ça). J’ai été relou, et à fleur de peau, quelques minutes par-ci par-là. Très souvent au début, beaucoup moins au bout de quelques jours. C’est comme ça : j’étais en manque. Si tu traverses un état de manque, il y a des chances pour que ça t’arrive aussi.
Mais c’est pas dramatique ! Sauf bien sûr, si tu te mets à casser des bouteilles en verre sur tes camarades de classe, ou autre geste violent. Disons qu’un léger tremblement, un éclat de voix ou une mauvaise humeur passagère ne font de mal à personne. Bien sûr, il vaut mieux, pour garder de bons rapports avec son entourage, s’excuser dès qu’on retrouve totalement ses esprits, quand on estime être allée un peu trop loin. C’est pas la question.
En revanche, si tu arrêtes de fumer un jour, ne culpabilise pas outre mesure et, surtout, ne prends pas pour argent comptant* ceux qui mettront tes réactions parfois épidermiques sur le dos de ton sevrage (même quand tu auras des raisons d’être énervée comme on en a douze mille dans une vie).
Car comme les gens qui pensent qu’être en syndrome pré-menstruel rend complètement zozo et irraisonnée, certains ont tendance à tout mettre en bloc sur le phénomène de manque. Résultat : il devient bien difficile d’avoir une conversation constructive avec ces personnes-là, parce qu’elles ont une échappatoire (souvent, malgré elles) pour ne pas être du même avis que toi. Et c’est pas bien grave de leur part parce que, petit 1, ça s’explique, et petit 2, moi-même, quand j’étais fumeuse, j’ai longtemps mis toutes mes sautes d’humeur sur le compte du « besoin de clope ».
*ARGENT CONTENT ! HILARITÉ GÉNÉRALE !
Car un truc qui me frappe, à J+3 mois sans cigarette, c’est qu’en terme de gestion des problèmes, en revanche… J’ai plus d’échappatoire !
Maintenant, quand je suis énervée, ou de mauvaise humeur, je n’ai plus le réflexe de mettre ça sur le compte du « besoin » de cigarette. Quand je suis énervée, ou de mauvaise humeur, ou triste, je sais désormais que c’est pour une raison précise.
Ça demande vachement plus de travail : il faut réfléchir pour mettre le doigt sur la cause (souvent légitime) de cette saute d’humeur et de faire en sorte de régler ensuite le problème. C’est bien plus chronophage que de froncer les sourcils en mettant ça sur le compte du manque de nicotine et de sortir m’en griller une. Pour sûr. Mais là où, avant, je fuyais mes problèmes en faisant porter le chapeau à mon addiction, maintenant, je regarde de plus en plus les choses en face.
J’oeuvre pour le bien de ma vie, ma gueule.
Moi deux jours après avoir arrêté de fumer.
« Tu vas prendre au moins mille kilos »
Parfois, les gens prennent entre un et quelques kilos après avoir arrêté de fumer. Pas tous.
Ce que je trouve dingue, c’est à quel point j’ai pu trouver ça décourageant. Vraiment : c’est LE truc qui m’a fait reculer le moment où j’allais arrêter de fumer. Pas le seul, mais en tout cas le plus important, celui qui me faisait le plus peur, sans que je n’ose le dire à voix haute, parce que j’avais peur qu’on me juge de privilégier mon apparence à ma santé.
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Dire qu’on grossit BEAUCOUP quand on arrête de fumer est la plupart du temps faux. Ça dépend du métabolisme de l’ancien-ne fumeu-r-se. Ça dépend de ce qu’il veut (s’il a envie de contrôler sa silhouette ou pas, s’il a envie de faire ou refaire du sport ou pas, s’il a envie de faire attention à son alimentation ou pas, s’il va « compenser » la cigarette par la nourriture ou par autre chose…). La moyenne est située entre deux et quatre kilos selon Tabac-Info-Service.
« Tout ancien fumeur pensera toujours à la clope »
Panique à bord dans mon slip et dans mon coeur chaque fois qu’on me disait que, même après avoir arrêté depuis vingt ans, un ex-fumeur repensait toujours régulièrement à la cigarette.
Au bout de trois mois,je suis à même de te dire qu’en ce qui me concerne, oui, j’y pense souvent. Pas parce que ça me manque, ou parce que j’ai envie de m’en allumer une quand je vois quelqu’un fumer devant moi, mais parce que je suis très, très fière d’avoir arrêté. Encore la semaine dernière, j’ai cauchemardé que je refumais, comme avant, voire plus. C’était horrible. Je retournais au bureau de tabac, m’acheter mes clopes et mon briquet.
En me réveillant, je n’avais pas un peu plus envie de fumer, au contraire. J’étais soulagée de ne pas avoir repris dans la vraie vie et encore plus consciente de ce que j’avais gagné en arrêtant. Limite il m’a rendu service, ce rêve. Comme une piqûre de rappel de joie.
Alors oui, on y repense, parfois, à la clope, mais c’est pas bien grave. À toi de retourner la pensée pour la cigarette en ta faveur et t’autocongratuler avec ta réussite !
Si ça se trouve, Don Draper fronce les soucils parce qu’il a envie d’arrêter de fumer.
« Arrêter de fumer, c’est qu’une question de volonté »
C’est faux ! Faux ! De tous les clichés que j’ai pu entendre sur l’arrêt de la clope, c’est celui qui me fait le plus paniquer parce qu’il fait drôlement de mal. Quand je n’arrivais pas à arrêter, avant, je repensais à ça, et je m’effondrais, baissais les épaules et me contentais de penser « oh bah, c’est que j’ai pas de volonté, que je suis faible, alors tant pis ». Et ce manque de volonté que j’imaginais inhérent à ma personne, c’était également mon excuse pour ne pas tenter d’arrêter quand on me demandait pourquoi je continuais, si j’étais tant dégoûtée par la clope.
Ce n’est pas « qu’une question de volonté », d’arrêter la cigarette. Toute personne qui veut arrêter fait preuve de volonté, même quand elle échoue. Si quelqu’un veut arrêter de fumer, il le veut, et il fait preuve de volonté puisque c’est pile poil ce que ça veut dire.
C’est vrai, cette seule envie d’arrêter suffit à certains et certaines fumeu-r-se-s (à consommation variable) d’arrêter la cigarette, mais ce n’est pas le cas de tout le monde. Moi je voulais arrêter de fumer, j’ai voulu pendant plus de deux ans avant d’y arriver. J’avais la volonté, donc, mais il me manquait un petit truc pour me lancer et pour réussir. Mon petit truc, ça a été de lire La méthode simple pour en finir avec la cigarette d’Allen Carr, pour arrêter du jour au lendemain. D’autres seront rassuré-e-s en utilisant un substitut (patch, cigarette éléctronique, chewing-gum…). D’autres n’y arriveront qu’en réduisant au fur et à mesure leur consommation (technique contre-productive pour leur voisin). Je sais pas si on peut parler de déclic, mais en tout cas pour moi, ça a été l’idée. Plus qu’un déclic même : un starting-block.
Il existe mille méthodes, propres à chaque potentiel ex-fumeur. C’est à chacun-e de trouver la sienne. Ça marchera peut-être vraiment dès la première fois, ou bien il faudra peut-être plusieurs tentatives pour réussir.
Quoiqu’il en soit, ce n’est pas impossible.
Attends, mieux encore : c’est possible. C’est carrément possible. Promis.
Écoutez Laisse-moi kiffer, le podcast de recommandations culturelles de Madmoizelle.
Les Commentaires
Bref sinon article sympathique, je ne suis personnellement pas concernée mais ça m'a fait plaisir à lire, je vois trop d'amis qui se font insulter de "paresseux qui manquent de volonté" car ils n'arrivent pas à arrêter de fumer, bon sang, tout le monde est différent ! Quand je vois à quel point j'ai galéré (et je le fais quand même toujours un peu de jouer avec) pour arrêter définitivement de me ronger les ongles et me niquer les doigts, malgré toute la volonté du monde et le fait que ça y'a pas de dépendance, alors dire ça c'est vraiment méchant et stupide !